Fribourg Challenge en ligne droite vers une grande victoire

| lun, 31. aoû. 2015

Lundi soir, le ballon de Laurent Sciboz et Nicolas Tièche était le dernier équipage en vol pour tenter de remporter la 59e Coupe aéronautique Gordon Bennett. Reportage au cœur de l’action, dans le PC de l’équipe fribourgeoise, au sous-sol du siège de la Banque cantonale, à Fribourg.

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

Lundi soir, 20 h 30. L’équipage SUI-1 de Kurt Frieden et Pascal Witprächtiger vient de se poser au nord-est de la Pologne, à une dizaine de kilomètres de la frontière biélorusse. La limite à battre est désormais connue: 2080 kilomètres. Depuis ce moment, le Fribourg Challenge de Laurent Sciboz et Nicolas Tièche est le dernier ballon encore en vol susceptible de lui ravir la victoire.
Fribourg, boulevard de Pérolles, 20 h 30. Il se lit sur les visages autant de fatigue que d’euphorie. Depuis une septantaine d’heures, l’équipe fribourgeoise se bat pour remporter la 59e édition de la Course aéronautique Gordon Bennett. Dans les airs depuis leur départ de Pau vendredi soir, Laurent Sciboz et Nicolas Tièche manœuvrent leur ballon à hélium et luttent à la fois contre les éléments naturels et le sommeil. Au sol, ou plutôt dans les sous-sols de la Banque cantonale à Fribourg, une quinzaine de personnes s’activent dans le poste de commandement, centre névralgique du défi fribourgeois.
L’heure est aux ultimes décisions dans les locaux climatisés de Pérolles. A partir de maintenant, la voie est toute tracée pour SUI-2: maintenir le plus longtemps possible le cap nord-est. «Toute la journée de lundi, nous sommes allés le moins vite possible pour tenter d’attraper ce vent qui doit nous remonter vers le nord», explique, très serein, Jacques-Antoine Besnard, responsable de la stratégie et chef du poste de commandement.
Resté à bonne distance des premiers ballons depuis Pau, l’équipage fribourgeois fait une course d’attente. Ou plutôt, un vol d’une précision tout helvétique. Car les participants doivent jongler avec une contrainte majeure: il leur est impossible de survoler les territoires russes et biélorusses. Une interdiction prise très au sérieux depuis la course de 1995, durant laquelle deux pilotes américains avaient été abattus sans sommation par l’armée biélorusse…
«Depuis un moment, nous réfléchissons à la possibilité de passer entre l’enclave russe de Kaliningrad et la frontière biélorusse», explique Jacques-Antoine Besnard. Un trou de souris d’une largeur de 65 kilomètres, qui leur ouvrirait les portes de la Lituanie et des autres pays baltes. Et la victoire à la clé!
Pour parvenir à passer ce chas, l’équipage a volontairement ralenti l’allure durant les cinquante premières heures de course. «On a très vite adopté la tactique de l’Ovomaltine: ne pas forcément aller vite, mais le plus longtemps possible, image Jacques-Antoine Besnard. Nous avons essayé d’économiser le maximum de sacs de sable pour tenter de passer la nuit de lundi à mardi.» Une stratégie qui semble fonctionner à merveille. Si tout se passe comme prévu, le ballon fribourgeois dépassera tous ses concurrents cette nuit et se posera demain, peut-être aux alentours de Vilnius, si ce fameux vent vers le nord est atteint. «Laurent Sciboz et Nicolas Tièche sont en pleine forme dans le ballon. Ils ont réussi à bien dormir et ils sont très motivés.»


Trois météorologues
Pour en arriver à cette stratégie, le PC fribourgeois a tenu compte des calculs de trois météorologues, dont la Belge Sarah Coppens, qui expliquait dimanche après-midi: «Si le ballon descend entre 1500 et 2000 mètres, il prendra alors des vents qui le dirigeront vers le nord-est. Il n’avancera pas très vite durant vingt-quatre heures, mais nous aurons l’occasion de viser ce point de passage vers la Lituanie. A condition que Laurent et Nicolas tiennent le coup!»
«Mais bien sûr qu’ils tiendront le coup, tonne Jacques-Antoine Besnard. Et ils atterriront quand on leur dira d’atterrir!» Eclat de rire général dans le poste de commandement.
Dès le départ du sud de la France, plusieurs équipages avaient pris l’option d’une route plein nord. Les Allemands Eimers/Zenge ont volé la nuit de samedi à dimanche entre deux fronts de violents orages, ce qui est pour le moins dangereux lors qu’on navigue avec 1000 m³ d’hélium au-dessus de la tête. Une audace folle qui s’est avérée payante jusqu’à lundi soir, puisque le vainqueur de la dernière édition virait en tête jusqu’à 19 h. «Leur plan était très, très osé, note Jacques-Antoine Besnard. Je ne sais pas à quoi ils carburent, mais ça a payé durant un bon moment.»
Dans une ambiance à la fois studieuse et néanmoins tendue, les 15 membres de l’équipe au sol se relaient derrière les ordinateurs. Tous les regards sont focalisés sur le grand mur de l’ancien dancing Le Select (que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître), où le trajet des ballons apparaît sur grand écran. A gauche, un logiciel simule les courants selon les altitudes. Pour peu, on se croirait dans un film de science-fiction. Seule la présence de plusieurs conseillers d’Etat et des patrons des quatre piliers de l’économie signale qu’on est bien à Fribourg.


Monter et descendre
Pendant ce temps, à 1500 kilomètres de là, la réalité est bien plus palpable. A bord de leur minuscule nacelle, Laurent Sciboz et Nicolas Tièche pilotent un aéronef finalement très sommaire. Leur seule marge de manœuvre consiste à gérer l’altitude de leur engin: larguer des sacs de sable pour monter, vider de l’hélium pour descendre. Dans la limite des stocks disponibles…
Mais encore faut-il suivre le bon chemin… Romain Szynalski fait partie des quatre contrôleurs du ciel engagés sur le projet pour guider le ballon. Son boulot: négocier son itinéraire avec les autorités locales des différents couloirs aériens traversés. «Dimanche matin, nous avons survolé l’aéroport de Francfort, le troisième plus grand d’Europe, note-t-il. Notre ballon est comme une trottinette sur une autoroute: s’il ne dévie pas de la zone où on s’attend à le trouver, tout va bien. Les collègues sur place ont été très coopératifs, bien que nous soyons arrivés en pleine activité matinale», explique le bénévole qui a repris lundi son travail quotidien à Cointrin.
«Nous avons anticipé et négocié une tranche d’altitude. Du coup, le ballon est passé à la verticale de l’aéroport et tout s’est passé à merveille.» Pour le plus grand soulagement de l’équipe au sol. Qui avait pourtant hachuré cette zone à éviter au stabilo rose sur la grande carte…
D’ici à quelques heures, un dernier défi attend le Fribourg Challenge. Poser le ballon en toute sécurité et attendre le camping-car et les trois personnes censées les rejoindre. Et, évidemment, sabrer le champagne de la victoire!

Commentaires

Deux petites précisions: 1°) L'hélium n'est pas inflammable. 2°) Les ballons en compétition ne volent pas à l'hélium, mais à l'hydrogène

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