Méconnue, l’usine électrique de Charmey se dévoile

| jeu, 17. sep. 2015

Après une rénovation lourde longue de quatre ans, l’usine hydroélectrique de Charmey dévoile ses secrets samedi. Construit en 1893, le dispositif (prise d’eau, conduite forcée et usine) a alimenté le premier réseau électrique du canton, à Bulle.

PAR JEAN GODEL

Oui, Bulle a eu son réseau électrique avant Fribourg. C’était en 1893, à peine six ans après la mise au point du courant alternatif et quatre ans après l’Exposition universelle de Paris qui a mis la fée électricité en vedette. Dès 1890, les Bullois décidaient de passer du gaz à l’électricité pour l’éclairage. En 1893, la Société électrique de Bulle (SEB), ancêtre de Gruyère Energie SA (GESA), était fondée. La même année, son usine hydroélectrique de La Tzintre, à Charmey, était inaugurée.
Au terme de quatre ans de travaux et 5,5 millions d’investissements, cette pièce maîtresse du parc de production de GESA (95% de l’électricité produite par l’opérateur gruérien) est entièrement rénovée et automatisée. Elle sera ouverte au public ce samedi. Au passage, le parc de GESA est 100% renouvelable puisqu’il comporte aussi de la minihydraulique (réservoir de Vaucens, à Bulle) et du photovoltaïque (trois sites à Bulle). A elle seule, l’usine de Charmey produit 17 millions de kWh par an, soit 12% de l’électricité livrée par GESA (les besoins de 4000 ménages, soit un quart du total de la clientèle desservie).


Au fil de l’eau
Datant, sous sa forme actuelle, de 1975, la prise d’eau de La Tzintre est équipée de trois passes, d’un dégrilleur pour retenir les gros déchets, et d’un dessableur. «C’est une centrale au fil de l’eau qui tourne en permanence», expliquait hier, lors d’un point presse, Yannick Conus, responsable de l’unité ingéniérie chez GESA et chef du projet. «On ne stocke donc pas l’eau, mais on prend tout ce qui vient.»
En l’occurrence, la centrale capte au maximum 12 m3 par seconde (7 m3/sec en moyenne annuelle) contre 0,6 m3/sec en 1893. Mais par gros temps, la Jogne peut grossir jusqu’à plus de 100 m3/sec. Les passes servent alors à déverser le trop-plein. Quant au débit de restitution, il est passé, en 2011, de 50 à 350 litres par seconde. Pour en tirer profit, un projet de minihydraulique verra le jour au printemps 2016.
Dans la forêt, 400 mètres en aval, le canal d’écoulement aboutit à la chambre d’équilibre, un réservoir de 690 m3 qui régule le débit et met l’eau sous pression dans la conduite forcée. Celle-ci, longue de 260 m pour 53 m de chute, a été rénovée à l’automne 2011 – seule période durant laquelle la production a été interrompue. Comme elle était en très bon état, seul son revêtement de protection intérieur a été refait.
Quant à l’usine elle-même, elle a subi de nombreuses évolutions en 122 ans. Construite en 1956, l’unité actuelle a remplacé l’usine des origines, située juste en amont, doublant au passage la production. Les trois turbines de type Francis de 1600 kW chacune (deux de 1956, la troisième de 1982) n’ont pas été remplacées, mais entièrement révisées. Leurs roues ont ainsi été rechargées par soudure et meulage. Un travail d’orfèvre réalisé par une entreprise bernoise. «Le plus dur a été de retrouver les plans d’époque, les constructeurs ayant souvent disparu», révèle Dominique Progin, directeur technique chez GESA.
L’option de leur remplacement a été étudiée. «Mais les turbines forment un ensemble cohérent avec l’usine et il aurait fallu tout refaire», explique Yannick Conus. Après cette révision lourde, l’ensemble est bon pour trente ans. Si aucun gain théorique de puissance n’a été obtenu, le rendement a été amélioré.


Projets fous abandonnés
La visite comprend encore un saut à la salle des commandes, banale avec ses armoires à serveurs. La surprise, c’est la photo de l’installation de 1956 où l’on voit les murs couverts de panneaux de contrôle, façon base secrète du SMERSH dans les vieux James Bond. Huit à neuf employés faisaient alors tourner l’usine. Aujourd’hui, la centrale est entièrement automatisée et pilotée depuis Bulle.
Enfin, GESA a ouvert les vastes combles de l’usine pour y installer un petit musée appelé à survivre à ces portes ouvertes. Où l’on apprend, entre autres choses étonnantes, que le SEB comptait 26 abonnés en 1893 et que l’on payait alors par lampe (entre 8 et 13 francs par an selon l’utilisation). Clou de l’expo, une carte de 1911 a été retrouvée qui détaille le projet fou d’inonder toute la vallée de la Jogne, entre Charmey et La Villette, mais aussi le haut du Gros-Mont.


Charmey, samedi 19 septembre, de 9 h à 16 h. Parking de la télécabine obligatoire, puis parcours pédestres balisés, navette en cas de besoin. Visites guidées.
www.gruyere-energie.ch

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