Un billard… de 15200 m2

| sam, 19. sep. 2015

Pour assurer un gazon resplendissant au moment du coup d’envoi d’Estavayer 2016, la place de la future Fête fédérale de lutte suisse est engazonnée actuellement déjà. Rencontre sur le site de Payerne avec le Gruérien Paul Chollet, responsable du gazon, «la marque de fabrique de la fête».

PAR KARINE ALLEMANN

La pluie tombée jeudi matin n’inquiète pas Paul Chollet. Et pourtant: «C’était une bonne roillée. Je l’ai mesurée: 23 litres d’eau par mètre carré.» Paul Chollet n’est donc pas inquiet. Car l’homme est dans les temps. Responsable de l’engazonnement de la place de la Fête fédérale de lutte suisse Estavayer 2016, le Sâlois a accepté une mission et compte la mener à bien: le 27 août, quand les caméras de la RTS survoleront la place, les 15200 m2 de gazon seront impeccables. Mieux qu’impeccables, sublimes. «Les organisateurs ont mis la pression. Parce qu’il paraît que le gazon, c’est l’image de marque de la fête. Il faut qu’il soit parfait.»
Parfait, sublime, impeccable. Les 27 et 28 août prochain, 52000 spectateurs – 250000 visiteurs au total sur le site – vont donc se masser autour de l’arène, un hexagone d’une longueur maximale de 135 mètres. Soit une surface de 2,5 terrains de foot, engazonnée, et sur laquelle auront été installés sept ronds de sciure.
Responsable de vente chez Eurogreen, entreprise de Zuchwil dont un dépôt se trouve à Epagny, Paul Chollet revêt la salopette quand la situation l’exige. C’est le cas pour le mandat d’Estavayer 2016. Rencontré sur la future place de fête située sur un terrain militaire de Payerne, le Gruérien expli­que son travail et comment il va bichonner la pelouse ces prochains mois.
«En juillet, nous avons commencé par brûler la surface pour éviter que l’herbe ne se retrouve dans la cou­che supérieure», expli­que Paul Chol­let. Avant de passer à l’engazonnement, il faut aménager le terrain. Ce gros œuvre est assuré par l’entreprise Grisoni-Zaugg. Sur place, le chef de chantier Serge Munch expli­que ce travail préparatoire. «On a ramené environ 20000 m3 de terre vers le milieu et ajouté 12000 m3 de gravier pour créer une sorte de plate-forme, explique le Français établi à Torny-le-Grand. Nous avons utilisé un bulldozer équipé d’un GPS 3D, relié à un satellite. Sa lame est guidée par le GPS, ce qui permet de profiler le terrain à plus ou moins 20 centimètres.» La surface a ensuite été fignolée par une lame niveleuse, également équipée d’un GPS. «Ce sera un billard», assure Serge Munch.


Avec 2000 m de tuyaux
L’hexagone réservé à la compétition a été délimité par des bordures de bois. Sous la surface encore en terre, le terrain grouille de conduites, dont 2000 mètres de tuyaux collecteurs pour diriger les eaux claires vers deux grandes chambres de pompage. «On est obligés de prévoir le pire, de tout anticiper», explique Serge Munch. «On a vu cet été ce que des orages pouvaient provoquer sur le sol, poursuit Paul Chollet. Pour une fête d’une telle envergure, avec des tribunes de 52000 personnes, on ne peut pas se permettre de dire: “Si on avait su.” D’ailleurs, c’est la consigne principale que les organisateurs m’ont donnée quand j’ai rempli l’offre pour l’entreprise: il fallait assurer tous les cas de figure.»
En perpendiculaire aux 2000 mètres de tuyaux de drainage, Paul Chollet et son équipe ont prévu 12000 mètres de fente de suintement. «Ça paraît tellement énorme que, quand j’ai fait mes calculs, j’ai cru que je m’étais trompé dans les chiffres, rigole le Sâlois. Alors j’ai tout recalculé plusieurs fois. En fait, c’était le cas pour beaucoup de points en lien avec cette fête fédérale. Tout est énorme.»
Les professionnels ne doivent pas anticiper que le mauvais temps. La sécheresse également. «Nous installerons un système d’arrosage automatique. Par rapport à la région, il y a plus de chances que ce système soit utilisé.»
Le sol aménagé avec 300 à 400 tonnes de sable, l’entreprise va semer 640 kilos de semence de gazon. «Nous devons avoir terminé à la fin du mois, pour qu’il ait le temps de pousser avant l’hiver. Il sera tondu manuellement une première fois. Puis, nous installerons des robots. Le gazon sera tondu et retondu pour être dense l’été prochain.»
Quid du gazon lui-même? «Il est fourni par un sponsor de la fête, explique Paul Chollet. Comme la marque a déjà été utilisée pour les autres Fédérales, je ne l’ai pas testé.» Mais le Sâlois est perfectionniste: «J’ai procédé à une analyse de terrain et j’ai effectué quelques essais dans mon jardin. Je vais utiliser plusieurs engrais organiques. Pour lui permettre de bien passer l’hiver et de prévenir les maladies, nous allons fortifier son système racinaire. Car, avec l’humidité et le froid, le gazon peut être soumis au stress. Puis j’ai établi un plan de fumures. Nous ajouterons de l’engrais tous les deux mois, en fonction de la saison. Ce printemps, il s’agira d’activer sa croissance.»


«C’est effrayant»
Si la météo défavorable de ces jours a fait perdre un peu de temps à «l’équipe gazon», celui-ci sera semé dans les temps. Paul Chollet surveillera son évolution avec le même soin qu’un parent penché au-dessus d’une couveuse. «Jeudi, j’ai vu un champ lessivé par le sillon creusé par la pluie, c’est effrayant… Heureusement, le site de Payerne est relativement plat. Mais le risque zéro n’existe pas.»
Toutefois, avec toutes les précautions prises, il est quasi certain que le gazon sera splendide au moment où les lutteurs pénétreront dans l’arène, au petit matin du 27 août. Paul Chollet y aura veillé pendant des mois.

 

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«J’ai rempli l’offre avec le cœur»


Le site de la Fête fédérale est situé entre l’aérodrome militaire de Payerne et l’autoroute. Alors, quand les F18 décollent, Paul Chollet et Serge Munch se bouchent machinalement les oreilles et attendent que ça passe. «Il y en aura forcément un quatrième, explique le Français après le troisième avion. Ils décollent toujours par deux, quatre ou six. Ce sont des F18, car leurs ailerons sont en forme de V. Celui des F15 est différent. Enfin, je crois.» C’est que le chef de chantier n’en est pas à son coup d’essai à Payerne. «Quand j’ai commencé à travailler dans l’entreprise, c’était pour un chantier situé à 60 mètres de la piste de décollage. Le bruit, on s’y habitue.»


«Quelques retouches»
Si Paul Chollet passe régulièrement pour bichonner «son» gazon, le site sera en stand-by jusqu’au début juillet, quand reprendront les travaux avec l’installation de toutes les infrastructures. Le week-end de la Fête fédérale, le Sâlois de 48 ans sera présent dans l’arène. «L’entreprise aura des billets, puisque nous sponsorisons un prix vivant. Pour l’entretien, il y aura juste quelques retouches à faire, comme remettre en place une motte. Pouvoir assister à cette fête sera la cerise sur le gâteau», savoure ce féru de sport, notamment président d’organisation de la course des Trois Sapins, à Vaulruz.
On ne connaîtra pas le montant «engazonnement et entretien» prévu par les organisateurs de la Fête fédérale, dont le budget total s’élèvera à environ 25 mio. Mais, au-delà de la somme représentée, le Sâlois tenait à ce mandat: «J’ai rempli l’offre avec le cœur et beaucoup de conviction. J’ai essayé d’être précis pour éviter toute mauvaise surprise au niveau des coûts. Avec les collègues, on voulait faire ça en équipe. Tout le monde est supermotivé. Quand on réfléchit au nombre de spectateurs et aux retransmissions télé, au niveau marketing et pour l’image de marque de l’entreprise, il n’y a pas mieux.» S’il n’est pas un spécialiste de la lutte suisse, Paul Chollet apprécie ce sport et s’y intéresse. «Je trouve génial que 250000 personnes se croisent sans qu’il y ait de problème. Combien faut-il de policiers pour un match entre Gottéron et Berne?»


«Plus qu’un seul week-end»
Reste que le gigantisme d’une telle fête est impressionnant. «Bien sûr, on peut dire que c’est de la folie pour un seul week-end de compétition. Mais, en même temps, le pavillon des prix et son restaurant seront ouverts deux semaines avant. Des visiteurs sont attendus par milliers avant la compétition. Une Fédérale, c’est bien plus qu’un week-end de compétition.» KA

 

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