Le bistrot, lieu de politique, de sociabilité, de spectacle

| jeu, 26. nov. 2015

Pour leur 10e numéro, les Cahiers du Musée gruérien se sont penchés sur les auberges et les bistrots. Au fil de 23 contributions, cet ouvrage aborde les volets festifs et récréatifs, mais aussi le rôle politique et social qu’ont joué ces établissements.

Sophie Roulin

La fête a été le premier thème abordé par les Cahiers du Musée gruérien, en 1997. Pour leur 10e numéro, il fallait donc un sujet qui lui fasse écho. «Avec les auberges et les bistrots, on tenait une matière sympathique, avec à nouveau un côté festif», relève l’historienne Anne Philipona, responsable de la parution. Présenté à la presse hier, le nouvel ouvrage compte 23 contributions, de 18 auteurs. Quelques-uns se retrouveront d’ailleurs samedi matin au Musée pour une présentation et des discussions – ouvertes au public – autour de cette thématique.

Auberges et bistrots suit une trame chronologique, commençant par un article sur les tenanciers du bailliage de Gruyère au XVIIe siècle (Leonardo Broillet). «Le canton compte peu d’historiens médiévistes, note Isabelle Raboud-Schüle, directrice du Musée gruérien. On ne s’est donc pas penché sur cette époque.» D’autant que les auberges d’alors accueillaient vraisemblablement surtout des gens de passage. «L’apparition des bistrots, indépendant d’un hôtel, est liée avec l’arrivée du café au XVIIIe siècle, ajoute Isabelle Raboud. C’est autour de cette boisson que naît la sociabilité.»
 

Les lois et les contourner
En feuilletant ce numéro des Cahiers du Musée, on découvre aussi l’influence qu’ont eu la bière et les brasseurs (Aloys Lauper). «On leur doit le look des bistrots, avec leur bar pour accueillir une tireuse à bière», souligne la directrice.

Auberges et bistrots aborde aussi les rapports avec la loi et la justice (trois articles), les troubles publics provoqués dans les nombreux établissements publics de Charmey au XVIIIe siècle (Pierre Rime) ou encore l’évolution des lois sur les auberges aux XIXe et XXe siècle. «Un bon éclairage sur l’évolution sociale», note Anne Philipona, auteure de cette contribution.

L’historienne a également fouillé les archives de La Gruyère des années 1895 et 1925 pour y débusquer quels étaient les loisirs et les divertissements à la mode. «Les annonces pour des cassées étaient courantes. Elles concernent la cassée des noix et non celle des œufs comme on aurait tendance à le croire. Mais, surtout, elles cachent des invitations à des bals, alors interdits par la loi.»

Deux articles très différents permettent aussi de tirer des parallèles entre les époques. François Blanc s’est intéressé aux bisbilles qu’avait fait naître la construction du pont de Corbières, en 1830. Le lieu devient un point de passage stratégique et les tenanciers se battent pour obtenir la nouvelle concession accordée. En écho, notre collègue Yann Guerchanik s’est penché sur les débats qui ont fait rage au moment de la construction du restoroute, au début des années 1980. Gruériens et Singinois se sont battus pour obtenir cet établissement.

Et de voir encore d’autres ressemblances entre les époques: «On est passé de la taverne qui pouvait abriter les chevaux à un bistrot avec station-service», commente Isabelle Raboud.

Un regard d’observateur
L’architecture et les intérieurs de bistrots ne sont pas oubliés. Quelques établissements emblématiques de Bulle sont présentés par Aloys Lauper, chef de service adjoint des Biens culturels fribourgeois: Le Fribourgeois, Le Tonnelier et La Promenade, où se déroulait d’ailleurs la conférence de presse.

Des interviews ou des portraits de personnalités marquantes du milieu s’égrènent encore au fil de l’ouvrage: Tante Marthe, Judith Baumann, Juliette Esseiva, Orlan-do Grisoni, Loh Kong Chai, Robert Colliard. «On tient à garder une diversité dans le type de contributions publiées, afin d’offrir différents niveaux de lectures», souligne Anne Philipona.

«Nous ne sommes pas en train d’annoncer la mort des bistrots, fait remarquer Christophe Mauron, conservateur du Musée gruérien. Mais nous ne sommes pas non plus là pour défendre une idée nostalgique de leur allure. Nous nous plaçons en observateurs d’une évolution.» Il rappelle les fonctions très pratiques des bistrots, leur rôle comme lieu d’échange politique. «La révolution de Chenaux s’est préparée dans l’actuel Cheval Blanc.»

Le conservateur décrit aussi les nouvelles tendances vers lesquelles vont les établissements publics. «Les bars lounge qui remplacent les vieux bistrots ou encore les lieux de spectacles qui se dotent d’un bar alors qu’avant c’était le bistrot qui proposait une scène.» Le sujet est vaste et n’a pas été épuisé par ce numéro des Cahiers du Musée.

Auberges et bistrots,
Cahiers du Musée gruérien,164 pages. Disponible au Musée et à la librairie du Vieux comté, à Bulle

Bulle, matinée de présentation et table ronde,
samedi 28 novembre, 10 h

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