Deux mondes dans un même univers

| jeu, 10. déc. 2015

Le secteur du jeu vidéo fait de plus en plus d’adeptes. Une société et un artiste de la région se sont lancés dans cette aventure, mais de manière différente. DNA Studios se concentre sur les applications pour smartphones, tandis que Rinaldo Wirz développe un jeu pour ordinateurs et consoles.

PAR VALENTIN CASTELLA


Excepté les ermites, chacun a, probablement un jour, testé un jeu vidéo. Certains ont croché, d’autres moins. Une chose est certaine, ce monde virtuel a envahi la planète. Plusieurs personnes de la région ont choisi de s’immiscer dans cet univers en créant leurs propres produits. Mais de manière différente.
Etablie à Bulle, la bande de copains âgés de 23 à 25 ans de DNA Studios s’est distinguée dans l’univers du téléphone portable, alors que Rinaldo Wirz (30 ans), qui a choisi de s’expatrier au Japon, se concentre sur les consoles et les ordinateurs.
En début d’année, les membres de DNA Studios s’étaient fait connaître grâce au succès de leur application Dans ton quiz (La Gruyère du 19 février), téléchargée à 20000 reprises. Puis, Nathanaël Monney, Nicolas Gachoud, Martin Charrière et David Hofer ont fait encore mieux en sortant Antyz le 18 novembre. L’histoire d’une fourmi qui a réussi à survivre à une ère glacière et qui doit creuser en direction du centre de la Terre, a permis à cette société de séduire 260000 personnes provenant de 109 pays.
Le Gruérien Rinaldo Wirz et son équipe sont en train de créer Spirit, qu’il décrit de cette manière: «C’est un jeu d’aventure-exploration en vue isométrique. Une femme se réveille dans un monde froid, vide et étrange, d’un bleu éblouissant. Sous ses pieds, elle commence à apercevoir un autre monde, peuplé d’habitants frappés par un mal étrange. Spirit raconte la rencontre entre cette femme et ces deux espaces parallèles.»
Première différence entre le jeu pour console et pour smartphone: le temps consacré à sa création. Les membres de DNA Studios ont travaillé durant trois ans pour développer Antyz. «Aujourd’hui, avec l’expérience, nous aurions besoin de la moitié moins d’heures», explique Nathanaël Monney. Rinaldo Wirz avait prévu de travailler six mois rien que sur le prototype. «Nous avons prolongé le délai à neuf mois, compte tenu du fait que nous travaillons de manière indépendante et sur notre temps libre.»


Un savant mélange
L’autre différence est la manière de jouer. Une application pour smartphone doit être immédiatement accessible, afin que l’adepte puisse s’amuser dans le train, pendant des pubs ou sur les toilettes. Ce qui oblige les créateurs à être efficaces, sans pour autant négliger la «jouabilité». Un produit destiné aux consoles demande à l’utilisateur davantage d’implication et de patience. Un savant mélange qui doit être pris en compte. Mais est-ce possible d’allier beauté et plaisir? «Oui, répond Rinaldo Wirz. Par contre, il y a des concepteurs qui ont tout misé sur l’image et négligé le gameplay (n.d.l.r.: «la jouabilité»). C’est vite lassant. Actuellement, il existe tellement d’offres que le consommateur est exigeant. Ce n’est plus possible de séduire seulement avec l’image.»
Que cela soit sur smartphone, sur ordinateur ou sur console, l’idée de base doit se démarquer. «Il faut proposer quelque chose de différent, dit Nicolas Gachoud. Regrouper par exemple des thèmes comme l’histoire et l’écologie nous a permis de figurer sur la page d’accueil d’iTunes dans 108 pays.»
Même si le gameplay et le design sont de qualité, il n’est pas certain qu’un produit trouve son public. «Il existe plusieurs manières de concevoir un jeu, explique Rinaldo Wirz. Les grandes entreprises vont penser rentabilité, en sachant qu’en créant un tel produit, elles sont pratiquement certaines d’être rentables. La deuxième manière est de partir d’un gameplay et de créer ensuite une histoire et un visuel autour. Personnellement, j’avais déjà une histoire dans ma tête.»
Aujourd’hui, le sud du canton est gâté au niveau de la création d’offres numériques. Un hasard? «Oui, lance Rinaldo Wirz. Car, en Suisse, les boîtes se créent dans leur coin. On est encore indépendants.»


Un manque d’expérience
Rinaldo Wirz est parti pour acquérir l’expérience qui n’existait pas en Suisse. «Chez nous, j’ai l’impression que le fait de travailler dans l’animation n’est pas encore pris au sérieux.»
La bande de DNA Studios a choisi de rester au pays: «La Confédération essaie de rattraper son retard, reprend Nathanaël Monney. Nous avons par exemple eu la chance d’être soutenus par Pro Helvetia, qui promeut la culture numérique.» «Au niveau de la formation, ce n’est pas encore le top, rebondit Martin Charrière. Mais on sent que les choses commencent à bouger.»
Une école dédiée uniquement à la création de jeux vidéo est effectivement compliquée à mettre sur pied, compte tenu du fait que plusieurs professions doivent s’allier. «Nous avons besoin d’un programmateur, d’un illustrateur, d’un animateur et d’une personne qui s’occupe des finances et du marketing», résume Rinaldo Wirz.
Si la Suisse a encore du pain sur la planche pour tenter de batailler au même niveau que d’autres pays, cela n’empêche pas les créateurs de fourmiller d’idées. DNA Studios va, en 2016, proposer deux nouveaux produits. «Nous nous sommes lancés dans le concept airconsole, qui permet de jouer sur son ordinateur et d’utiliser son téléphone comme manette.» Rinaldo Wirz va, lui, poursuivre son projet, qui est considéré comme l’un des plus ambitieux réalisé par un Suisse, selon les spécialistes.

 

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Comment financer son jeu?
Selon Rinaldo Wirz, le coût final de son projet est estimé entre 150000 et 250000 francs. «Plus nous récolterons d’argent, plus la qualité s’en ressentira.» Indépendant après avoir quitté l’entreprise qui l’avait embauché à Tokyo, dans laquelle il a notamment participé à la création de Dragon Quest XI, le Gruérien a misé sur le financement participatif (www.patreon.com/ryofougere), «un système de mécénat mensuel». «J’essaie de faire participer les gens qui m’aident. Si une personne mise 5 dollars, je lui donne accès à différentes informations type artworks (n.d.l.r.: œuvre de l’artiste) et recherches. Avec 10 dollars, elle recevra en plus des wall-papers du jeu. Pour 100 dollars, je lui dessine chaque mois un tableau A5.» L’argent récolté permettra à l’artiste de pouvoir terminer son prototype. «Nous réalisons celui-ci pour avoir une base et rechercher ensuite des fonds pour le jeu final.»
De leur côté, les membres de DNA Studios ont pris l’option de proposer gratuitement leur produit. Un choix qui est compensé par l’apport de la publicité, insérée dans le jeu. «On se connecte à un réseau qui stocke différentes annonces et nous sélectionnons les critères, comme l’âge ou les durées des projections, détaille David Hofer. Environ 1000 vidéos visualisées nous rapportent 7 dollars.» VAC

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