En skicross, Bastien Murith a renoué avec plaisir et succès

| sam, 30. Jan. 2016

Jeudi à la Lenk, le skicrosseur Bastien Murith s’est qualifié pour la première fois pour les quarts de finale d’une épreuve de Coupe d’Europe. Reconverti au skicross depuis une année, le Morlonais de 20 ans parle de son plaisir retrouvé dans une discipline des plus complètes.

PAR QUENTIN DOUSSE

Pour ce dernier jeudi de janvier, la famille du skicross s’est donnée rendez-vous à la Lenk, dans l’Oberland bernois. Au programme des «retrouvailles», une épreuve de Coupe d’Europe. Deux télésièges plus tard, voilà les meilleurs skieurs européens au lieu-dit de la Mülkerblatten, 1936 mètres au-dessus du niveau de la mer. Et surtout, au sommet de la piste Hasler, qui servira de «rampe» vers le succès européen pour les meilleurs, vers les points FIS pour les autres.
Parmi ces autres, on retrouve le Morlonais Bastien Murith, 20 ans, prêt à s’élancer pour un quatrième «run» européen. Dix mois après avoir quitté le ski alpin et son circuit FIS, le jeune homme est venu pour faire ses preuves dans sa nouvelle discipline, le skicross. Une sorte d’opération «séduction» auprès de l’entraîneur du groupe suisse de Coupe d’Europe, l’Autrichien Walter Albert. Une «bonne journée» passe au préalable par les qualifications, promises aux 32 meilleurs skieurs. En à peine plus de 50 secondes, l’écueil est franchi. «Je suis satisfait. Je savais que j’avais les capacités de décrocher cette qualification et je connaissais bien le parcours», réagit le Gruérien.
Un tracé qui, justement, ne semble pourtant pas taillé pour les 68 kilos de ce poids léger de la discipline. Trois vrais sauts et trois virages relevés jouent les obstacles sur les quelque 920 mètres de course, pour seulement 162 mètres de dénivelé négatif. «Sur ce terrain plat, il n’y a que deux segments pour dépasser. Ailleurs, tu joues avec ta vie si tu veux le faire.»


Un protêt gagnant
Vingt-sixième des qualifications, Bastien Murith attaque son huitième de finale avec le dossard jaune qui, contrairement au leader du Tour de France cycliste, retombe sur les épaules du dernier venu. La ligne de ce couloir offrant des premiers mouvements de terrain défavorables. «J’ai manqué mon départ et, au bout de la première ligne droite, un Allemand et mon coéquipier Bryan (Zooler, du Sentier) se sont heurtés dans le premier saut», raconte le dossard 78, qui a profité de l’accrochage pour passer en deuxième position. Le verdict est finalement tombé dans le dernier virage relevé, endroit où le concurrent allemand a coupé sa ligne de trajectoire. «Il m’est rentré dedans et il a sorti les coudes, ce qui est interdit par le règlement. Sitôt arrivé, j’ai posé protêt et les juges m’ont donné raison.»
Non content d’atteindre pour la première fois les quarts de finale en Coupe d’Europe, Bastien Murith a bien lutté pour créer l’exploit au stade suivant. C’était compter sans une touchette et un gros freinage après le premier saut, ruinant toute ambition dans la manche. Une élimination en quarts de finale et une 12e place (79,20 points FIS), voilà qui ravit le jeune espoir. Et par la même occasion son entraîneur, Walter Albert, venu le féliciter après son run. «Si on m’avait dit ce matin que je terminerais troisième d’un quart avec des athlètes de niveau Coupe du monde, j’aurais signé tout de suite, indique cet étudiant en dernière année de la filière collège, à Brigue. Je suis content de mon ski et je réponds pour l’heure aux attentes du coach, qui espère me voir passer les qualifications sur la scène européenne.»


Vers les Mondiaux juniors
Le temps de ranger ses skis de course – 1,96 m et 35 m de rayon, pour les spécialistes – Bastien Murith s’épanche volontiers sur sa nouvelle vie et ses objectifs dans le skicross. «J’ai bon espoir d’intégrer officiellement le cadre C de Swiss-ski en fin de saison. Et pourquoi pas voir plus loin. Il y a bien les jeux Olympiques dans deux ans, non?» ose-t-il. Mais auparavant, Bastien Murith veut profiter de sa dernière année juniors pour participer aux championnats du monde, les 23 et 24 mars à Val Thorens, en France. «J’en ai fait mon objectif principal cet hiver. Tout en sachant qu’à côté, je travaille dur pour augmenter mes points et grappiller des dossards.»
A la fois posé dans le discours et battant sur la neige, Bastien Murith fait partie de ceux qui préfère voir le verre à moitié plein, comme lorsqu’il évoque son avenir. Les compétitions de la journée terminées, il est déjà l’heure de songer à celle du lendemain, sur cette même piste Hasler de la Lenk. Une épreuve du vendredi qui n’a guère souri au Morlonais, 47e et contraint d’observer les huitièmes de finale depuis l’aire d’arrivée. Qu’importe, le jeune homme sait qu’il doit rapidement passer à autre chose. Lundi déjà, Bastien Murith mettra le cap sur les Hautes-Alpes, à Orcières. Avec l’objectif, à nouveau, de marquer des points et les esprits de ses entraîneurs. Ainsi va la vie d’un skicrosseur en devenir.

 

---------------------

 

«Beaucoup à apprendre au niveau tactique»


A l’instar de la plupart des 76 athlètes classés jeudi à la Lenk, Bastien Murith a dans un premier temps roulé sa bosse en ski alpin, écumant cinq hivers durant le circuit FIS et ses disciplines techniques. Son destin a néanmoins pris un virage à 180 degrés au cours de la saison 2014-2015. Blessé à un genou en préparation, ce féru de compétition est bien revenu dans le grou­pe 1 du Centre national de performance à Brigue (VS). Mais il a par la suite enchaîné éliminations sur éliminations. «Le déclic s’est fait en février dernier, lorsque j’ai officié comme ouvreur aux épreu­ves de Coupe d’Europe de slalom à Bellegarde. J’ai été relégué à trois ou quatre secondes des premiers, alors qu’eux-mêmes concédaient le même écart sur la tête en Coupe du monde. J’ai ainsi mesuré tout le chemin à accomplir», confie le Gruérien.
En mars 2015, décision est prise de quitter les piquets pour les virages relevés du skicross. Ce fils unique a alors toqué à la porte de Swiss-ski. Une initiative récompensée, puisque Bastien Murith a intégré en septembre dernier le groupe national de Coupe d’Europe, composé de 12 athlètes dont quatre Romands. Surnommé le «Röstigraben» par ses coéquipiers grâce à sa maîtrise du suisse allemand, le skicrosseur a d’emblée fait sa place, n’hésitant pas à jouer les intermédiaires linguistiques. «A mon arrivée dans ce sport, j’ai immédiatement trouvé une famille soudée, comme jeudi, quand plusieurs coéquipiers sont remontés me donner des informations sur la piste.»
Dès lors, son entourage proche a redécouvert un Bastien «plus agréable et serein». «J’avais besoin de retrouver du plaisir, souffle-t-il. J’ai également découvert une adrénaline nouvelle, provoquée par la pression de mes adversaires. Enfin, le skicross va relativement vite, avec des pointes à 81 km/h comme à Saas-Fee.»


Une progression éclair
En l’espace de dix mois de pratique, Bastien Murith a franchi de nombreux paliers. Une ascension éclair due en partie à une concurrence moins féroce que celle présente en ski alpin, mais pas seulement. «J’ai la chance d’être quelqu’un qui apprend vite. Mais j’ai aussi fait les efforts pour progresser à ce rythme. Durant l’été, mon préparateur physique Jan Seiler m’a programmé deux séances quotidiennes, cinq jours par semaine. Endurance, force, coordination, équilibre: tout entre en jeu et ce sport demande d’être particulièrement complet.»
Malgré des résultats prometteurs, Bastien Murith reste conscient du travail à effectuer pour titiller les meilleurs. «J’ai beaucoup à apprendre au niveau tactique. Par exemple, lors des séries finales, il faut adapter ton ski pour éviter de te faire prendre à l’intérieur dans un virage relevé. Dans une course à quatre, tu ne peux pas faire n’importe quoi. Il faut aussi penser aux autres, tout en étant combatif», explique celui qui se décrit comme «un mauvais perdant».
De l’avis de Martine, sa maman, la combativité est l’un des points essentiels dans sa progression. «Parfois, en course, j’ai l’impression qu’il préfère se retirer. Il doit oser passer devant et jouer des coudes.» Bryan Zooler, son coéquipier, pointe lui un aspect essentiel dans une discipline où la tactique rivalise avec le physique. «Il peut travailler les sauts, mais le déficit se situe certainement au niveau de l’expérience. Pour cela, il n’y a pas de miracle: il faut enchaîner les runs», conclut le Vaudois de 21 ans, 20e et 18e à la Lenk. QD

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses