«Le sens moral ne vient pas avec l’âge»

mer, 09. mar. 2016

Le procès de Claude D., accusé d’avoir tué Marie S., se poursuit à Renens. Hier, deux experts sont venus éclairer l’assistance sur la personnalité du tueur. Ils estiment qu’il ne pourra changer.

PAR VALENTIN CASTELLA

L’argument de poids qu’entendait utiliser la défense de Claude D. s’est écrasé mercredi au Tribunal de la Broye et du Nord vaudois. En effet, les avocats du Gruérien, Mes Yaël Hayat et Loïc Parein, espéraient beaucoup de la venue des experts qui ont analysé la personnalité du prévenu. Sauf que les deux psychiatres se sont accordés sur le fait que le tueur souffre d’un trouble psychique important et de divers troubles de la personnalité, qu’ils jugent incurables en l’état actuel. De quoi amener de l’eau au moulin à la question de l’internement à vie.
«Je ne peux pas imaginer qu’un pronostic légal soit favorable, a expliqué le Dr Lutz-Peter Hiersemenzel. Une thérapie régulière n’est pas possible. Il manipule les thérapeutes et je n’ai détecté aucun trait sain dans sa personnalité. Le risque de récidive est très élevé.»
Même son de cloche de la part du psychiatre Philippe Vuille: «Les personnes souffrant de ces troubles sont insensibles. Elles ne changent pas. Le sens moral ne s’acquiert pas avec l’âge.»


Deux points de désaccord
Les deux experts ont toutefois émis deux points de désaccord. Le premier concerne la possibilité qu’un traitement puisse modifier la personnalité de Claude D. «Je ne suis pas en mesure de me déterminer sur l’accessibilité d’un traitement à l’avenir, a dit Lutz-Peter Hiersemenzel. Je ne connais pas de base scientifique sur laquelle on pourrait s’appuyer pour définir un diagnostic d’ici à vingt ans.»
Autre différence de point de vue: Philippe Vuille estime que la responsabilité pénale de l’accusé n’est pas amoindrie: «Il instrumente ses émotions.» Au contraire de son confrère: «Je constate une difficulté quant à sa faculté de se déterminer face à la situation. Il n’a aucune conscience de ses troubles. Ce qui me permet de parler d’une faculté à apprécier l’acte de manière moyenne.»
Les experts ont aussi dévoilé quelques traits de la personnalité du tueur. «Il est impulsif et prend des décisions sans réfléchir, décrit Philippe Vuille. Si ce qu’il a décidé de faire implique une agression, il lâche les chiens. Et, quand il a décidé que c’est terminé, il les siffle et ils reviennent.»


Le dialogue pas possible
Souffrant de troubles de la préférence sexuelle sadique, Claude D. aurait aussi une tendance à l’exhibitionnisme. Lorsque la défense a demandé à l’expert si ce trouble avait été traité en prison, Philippe Vuille a relevé: «L’établissement d’un dialogue thérapeutique n’a jamais été possible.» Une réponse qui contredit les dires du prévenu, qui souhaitait, mardi, effectuer un travail sur lui-même. Réponse du psychiatre: «A propos des psychopathes, il faut s’en tenir à ce qu’ils font, et non à ce qu’ils disent.»
Lutz-Peter Hiersemenzel a complété le sombre tableau en confirmant certains traits de caractère déjà relatés ces trois derniers jours: «Il adopte une attitude dominatrice envers les femmes. Il est d’une extrême susceptibilité et il n’effectue aucune réflexion autocritique, le tout en se plaçant toujours en position de victime.»
Interrogé sur ce qu’il avait entendu, l’accusé, muet jusque-là, a nié. «On veut me faire passer pour un sadique. Mais je n’ai fait que répondre au désir de mes partenaires. Au départ, je n’y connaissais rien en sadomasochisme.»
Après avoir énuméré quelques pratiques sexuelles auxquelles il s’adonnait avec Marie et une prostituée, il a été stoppé dans son élan par le président du tribunal Sébastien Schmutz. A son plus grand regret, tant il semblait prendre du plaisir à se ressasser ces soirées-là.
Après les experts, ce sera au tour des témoins de prendre place devant la Cour.

 

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Tentative d’humanisation par la défense


La journée de mardi s’est déroulée en deux phases. La première a vu Claude D. auditionné par les différentes parties. Alors qu’il répondait aux questions du procureur général Eric Cottier, le meurtrier présumé a stupéfié la Cour à plus d’une reprise. En effet, lorsqu’on l’a questionné sur l’achat de scotch le 13 mai, soit quelques heures avant l’enlèvement, il a répondu: «Dans mon appartement, plusieurs câbles traversent les pièces. Je souhaitais les attacher pour faire de l’ordre.» Au final, ce matériel servira à immobiliser sa victime.
Une autre sortie a fait grincer des dents. Alors que le Ministère public lui a demandé quelle était la nature du couple qu’il formait avec Marie S., Claude D. a affirmé qu’il n’avait «jamais été dans une relation amoureuse avec elle. C’est elle qui voulait être ma copine, car ma famille a de l’argent.» Dans un message, il lui a toutefois avoué qu’il l’aimait: «Oui mais, Monsieur le procureur, vous me connaissez un peu. Je suis capable de faire preuve d’ironie.»
Enfin, le procureur a interpellé le Tourain sur son souhait de se procurer une arme. «Je voulais me protéger d’une bande de blacks, qui était menaçante. Par contre, je ne vais pas expliquer pourquoi ces personnes étaient menaçantes, car ça touche au mobile.»
Le président du tribunal, le procureur général ou Me Jacques Barillon, avocat de la famille, ont tenté d’en savoir davantage sur le mobile. Sans succès. Claude D. a toutefois reconnu que la situation avait «dégénéré» le 13 mai lorsque la victime était sortie de son lieu de travail. «Lorsque je l’ai empoignée par la veste, j’ai aperçu un témoin. Je ne suis pas Monsieur Tout-le-monde, mais Claude D. Je me suis dit que je serais dans la merde si Marie allait tout raconter à la police. Alors, foutu pour foutu...»


«J’ai eu envie de me suicider»

Le prévenu a ensuite décrit le meurtre mécaniquement. Il a stipulé que Marie S. n’avait manifesté aucune résistance à quelques heures de mourir. Elle lui aurait même quémandé de «l’embrasser et de lui caresser les seins».
Après avoir tué, Claude D. a dit avoir eu envie de se suicider: «J’ai cherché un moyen de mettre fin à mes jours. C’est pour cette raison que j’ai roulé très vite, à 160 km/h, où j’ai subi mon accident (n.d.l.r.: sur la butte se trouvant entre Sâles et Vuisternens-devant-Romont). Je savais que cet endroit était dangereux.»
Le Gruérien s’est décrit comme méticuleux et maniaque. «Je tends à la perfection.» Il a également rappelé à l’ordre la Cour à plusieurs reprises: «Vous avez fait une erreur, mais je vous pardonne.»
Auditionné par la défense, il a tout à coup changé de comportement, devenant plus calme et collaborant. Notamment lorsqu’il a parlé de son premier meurtre, commis en 1998. «Si je pouvais donner ma vie pour Pascale, je le ferais.» Il a ajouté: «J’ai besoin d’avoir une relation fusionnelle avec une femme. Un sentiment qui m’a été inculqué par ma mère, qui compensait l’absence de mon père, très occupé. Je n’ai plus de nouvelles d’eux depuis trois ans. Je ne leur jette pas la pierre. Ils ont vécu l’enfer.»
Enfin, à propos de sa victime, Claude D. a dit: «Je pense tous les jours à Marie. J’ai d’ailleurs une photo d’elle dans ma cellule.» VAC

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