Jeunes, agriculteurs et pleins d’espoir malgré tout

sam, 16. avr. 2016

Les agriculteurs vivent actuellement une situation difficile, notamment en raison du prix du lait. Cette atmosphère n’empêche pas plusieurs dizaines de jeunes Fribourgeois de choisir ce métier chaque année. Margaux Genoud, Gaëtan Gremaud et Lionel Dumas parlent de leur quotidien, de leurs attentes et de leurs inquiétudes.

PAR VALENTIN CASTELLA

Chaque année, plus d’un millier d’agriculteurs suisses mettent la clé sous la porte. Dans le canton, l’Institut agricole de l’Etat de Fribourg annonce que 55 exploitations disparaissent annuellement. En regard de ces chiffres, l’avenir de cette profession semble bien compromis et la grogne est générale, à l’image des manifestations qui se sont déroulées l’automne dernier au pied du Palais fédéral.
Un tableau bien sombre qui n’empêche pas certains jeunes de commencer une carrière dans ce domaine. Dans le canton, ils sont entre 70 et 80 à recevoir leur CFC chaque année. Certains crient au choix suicidaire. D’autres préfèrent y déceler une lueur d’espoir. C’est le cas de Margaux Genoud (20 ans), Gaëtan Gremaud (20 ans) et Lionel Dumas (21 ans). Tous ont choisi d’entreprendre un apprentissage dans ce secteur d’activité. Pourquoi? La question les surprend, tant la réponse paraît logique: «Lors­que j’avais 6 ans, j’aidais mon père à la ferme, se souvient Lionel Dumas, de Mézières. C’est une vocation et je ne me suis jamais vraiment demandé quel métier j’allais choisir.»
Egalement fils d’agriculteur, Gaëtan Gremaud, d’Epagny, abonde. La situation de la Châteloise Margaux Genoud était différente: «Mes parents ne sont pas du tout de la branche. Mais je ne me voyais pas faire autre chose. Lorsque je leur ai avoué mon souhait, ils m’ont demandé de bien réfléchir. Mais, alors que j’étais en première année du CO, mon choix était déjà arrêté.»


«J’ai réussi à cacher»
Si leur destin était scellé depuis longtemps, les intéressés, une fois adolescents, ont toutefois dû subir les quolibets de leurs camarades de classe. «Je me souviens qu’un jour, au CO, nous devions tous dire ce que nous souhaitions faire comme métier, explique Gaëtan Gremaud. Et, lorsque j’ai dit “agriculteur”, tout le monde a rigolé.» Lionel Dumas complète: «A l’école, pas beaucoup de monde était au courant que j’allais fourrager après les cours. J’ai réussi à cacher pendant longtemps que j’étais fils d’agriculteur.»
Selon Margaux Genoud, cette image négative est due à une mauvaise perception de la profession: «Les gens imaginent juste qu’on trait des vaches et qu’on conduit un tracteur. Alors que notre métier est varié. S’ils savaient tout ce qu’on fait, ils se moqueraient moins.»


Incertitude de l’avenir
A peine lancés, les jeunes agriculteurs font face à la réalité et sont confrontés, sans préambule, à l’incertitude de l’avenir: «Bien sûr que nous ressentons de la peur lorsqu’on lit certains chiffres ou qu’on voit toutes ces exploitations qui disparaissent, soupire Gaëtan Gremaud. On se pose des questions et on se demande comment évoluera la situation dans vingt ans.» Le sujet du prix du lait fait alors irruption dans la discussion: «Actuellement, nous ne pouvons pas nous en sortir, concède Lionel Dumas. Depuis décembre, nous avons par exemple dû vendre douze vaches. De nombreux agriculteurs vivent la même situation.»
Les intéressés pointent toutefois quelques solutions, comme la diversification. «Afin d’éviter de tout perdre lorsque les prix chutent, il est indispensable de pouvoir compter sur d’autres revenus», explique Margaux Genoud. L’association entre agriculteurs a également été citée comme une action efficace.


Un «chasseur de primes»
Autre possibilité pour gagner un peu d’argent: devenir un «chasseur de primes». Une expression devenue courante dans le milieu. «Ce n’est pas glorieux, mais tout le monde est obligé d’adopter cet état d’esprit, convient Gaëtan Gremaud. Les agriculteurs doivent se tenir au courant de toutes les nouveautés, qui font partie du catalogue du projet de contributions à la qualité du paysage. Aujourd’hui, un paysan reçoit de l’argent s’il installe un banc à tel endroit ou s’il utilise des bassins en bois. Il récolte 30 francs par 100 mètres de clôture en bois.»
Margaux Genoud poursuit: «Parfois, tu gagnes plus en laissant un tas de cailloux dans une prairie que de la cultiver.» A noter que ces mesures ont été définies par des comités d’agriculteurs, puis validées par la Confédération et le canton. Ecoutant sa camarade, Lionel Dumas conclut sur le sujet: «C’est fou, mais j’ai lu que, aujourd’hui, un agriculteur gagne 70% de son salaire dans son bureau.»
La paperasse, justement, est un fléau maintes fois dénoncé par la profession. Les jeunes, eux, sont nés avec: «Depuis petit, je vois mon père dans son bureau le soir, raconte Gaëtan Gremaud. Cela fait partie de mon quotidien.»
Si le métier a évolué, certaines choses semblent immuables, à l’image de la relation parents-enfants qui subsiste dans les familles d’agriculteurs: «C’est une tradition et cela ne me dérange pas de travailler avec mon père, d’habiter dans la même maison et de dîner chez mes parents», décrit Lionel Dumas, qui avoue toutefois que ce n’est pas tous les jours évident: «Nous n’avons pas toujours les mêmes points de vue. Lui applique ses méthodes et moi, j’arrive avec les miennes, celles que j’ai apprises aux cours. Ce n’est parfois pas facile de trouver le bon mélange entre la modernité et la tradition.»


De la naïveté?
Après plus d’une heure de discussion durant laquelle les trois Sudistes ont pu dévoiler leurs craintes et raconter leur quotidien de jeunes agriculteurs, ils ont tenu à rappeler qu’ils ne changeraient leur quotidien pour rien au monde. «Nous aimons notre métier, clame Margaux Genoud. Travailler dans la nature, apprendre tous les jours quelque chose de nouveau et surtout se sentir utiles envers la population nous procurent de grandes satisfactions et un sentiment de fier­té.» Gaëtan Gremaud croise les bras, hausse les épaules, fait balancer sa chaise et conclut: «C’est peut-être de la naïveté, ou l’amour du métier, mais nous restons malgré tout positifs lorsque nous pensons à l’avenir.»

 

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Un avenir pas tout tracé

Margaux Genoud accumule plusieurs particularités. Premièrement, la Châteloise est une femme dans un monde traditionnellement masculin. «Chaque année, quelques filles commencent un apprentissage pour devenir agricultrices. Les garçons ont donc l’habitude de travailler avec nous. Ce qui n’est pas le cas des plus anciens. Les clichés existent toujours. J’entends souvent que je n’exerce pas un métier de femme, que je devrais plutôt me retrouver à la cuisine. Moi, je leur réponds que des filles conduisent aujourd’hui des camions et que je peux tout à fait assumer mon travail.»
Autre particularité: la Veveysanne n’est pas une fille d’agriculteur. Son avenir n’est donc pas tout tracé: «Actuellement, je travaille à Givisiez, où je termine mon apprentissage. Ensuite, je ne sais pas encore ce que je vais faire. Mon objectif n’est pas de rester une employée toute ma vie, mais de détenir un domaine. Sauf que ce n’est pas évident
d’en acquérir un, surtout au niveau financier. J’espère toutefois y parvenir un jour.» VAC

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