Pour cause de LAT, des villages privés de zones à bâtir

mar, 26. avr. 2016

Les PAL d’Albeuve et Montbovon datent d’avant l’entrée en vigueur de la première Loi sur l’aménagement du territoire, en 1980. Le délai de 1988 pour mettre à jour les documents étant largement caduc, ces villages ne disposent plus d’aucune zone constructible.

PAR SOPHIE ROULIN

Les terrains à bâtir sont une denrée rare en Gruyère. A Albeuve, aux Sciernes et à Montbovon, ils sont carrément inexistants. Pourtant, des projets existent, avec des acquéreurs et des vendeurs. Mais la loi de l’offre et de la demande n’est pas la seule à régir l’aménagement du territoire. Dans ces trois villages de Haut-Intyamon, les Plans d’aménagement locaux (PAL) datent de 1977 et de 1978. Le Migros data a été dépassé, a fait savoir le Service de l’aménagement et des constructions (SeCA): légalement, les zones à bâtir n’existent plus dans ces trois secteurs.
«Même si les constructions projetées le sont dans les zones à bâtir figurant sur ces PAL, elles sont considérées comme hors zone», relève le nouveau syndic Boris Fringeli. Il­ glisse que la révision du PAL occupe les autorités depuis des années. «Près de 217000 francs y ont déjà été consacrés.» Trois versions de révision ont en effet déjà été présentées pour un examen préalable, selon Corinne Rebetez, porte-parole de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC).


140 points à corriger
La dernière en date a été déposée à Fribourg en mai 2015. «Le document reçu en retour comporte 140 points à corriger ou à éclaircir, soit deux fois plus – 72 questions – que la version soumise précédemment», fait remarquer le syndic. Il faut dire qu’entre la deuxième version déposée en 2011 et la troisième la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) a été révisée.
S’il ne souhaite pas mettre de l’huile sur le feu, Boris Fringeli s’étonne quand même de recevoir des commentaires et des questions totalement contradictoires de la part des différents services de l’Etat. «D’un côté, on nous félicite d’avoir placé une zone d’intérêt général à côté de la gare de Lessoc pour y construire un bâtiment réunissant l'édilité et le service du feu, qui sera bien centré dans la commune et ne gênera pas la population. Et de l’autre, on nous reproche une construction éloignée du village, alors qu'elle jouxtera la déchetterie.»


Espoir pour l’automne
Malgré tout, le syndic de Haut-Intyamon garde l’espoir de soumettre cette révision du PAL à l’enquête publique cet automne. «Notre commission d’urbanisme et le bureau mandaté, qui est reconnu, planchent sur le dossier. On demande aux personnes intéressées à s’installer dans nos villages d’Albeuve, des Sciernes et de Montbovon de rester patientes.» Une rencontre avec la DAEC a été mise sur pied pour essayer de trouver des solutions et faire avancer le dossier.
Reste le grief principal de cette révision: «Au troisième examen préalable, le PAL n’est toujours pas adapté, commente Corinne Rebetez. Les zones sont toujours surdimensionnées.» Et de reconnaître que l’équation n’est pas simple pour les communes.
A Haut-Intyamon, le territoire couvre plus de 60 km2 et comporte cinq villages. «Nous sommes desservis par deux li­gnes de chemin de fer et comptons sept gares, ajoute le syndic. Or, Montbovon ne figure pas dans les nœuds ferroviaires cantonaux reconnus.» Ce fait réduit le facteur de dimensionnement du secteur et complexifie la donne.

 

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Chronique d’un gel annoncé à Haut-Intyamon


Les Plans d’aménagement locaux d’Albeuve et de Montbovon ont été approuvés avant l’entrée en vigueur de la première Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), en 1980. A ce moment-là, il était spécifié aux communes qu’elles avaient jusqu’en 1988 pour se conformer aux nouvelles directives. «Si elles ne le faisaient pas, étaient considérés comme zones à bâtir provisoires les secteurs déjà largement bâtis. Ce qui a été le cas à Albeuve et Montbovon», indique Corinne Rebetez, porte-parole de la DAEC.
En 2002, la fusion des deux communes avec Lessoc et Neirivue fait naître Haut-Intyamon. Pour être conforme aux lois – celle sur l’aménagement, mais aussi celle sur les fusions – la nouvelle commune aurait dû adapter son PAL et le faire approuver au plus tard deux ans après la fusion. «En 2001, il ne manquait que l’approbation finale du canton à la révision du PAL d’Albeuve, précise le syndic de Haut-Intyamon Boris Fringeli. Elle n’a pas été donnée en raison de la fusion en cours.» Un fait qui «punit» encore la commune fusionnée.
«En 2003, le SeCA (Service des constructions et de l’aménagement) a demandé des calculs de dimensionnement des secteurs largement bâtis en lien avec des projets à Albeuve, poursuit Corinne Rebetez. La commune n’a pas donné suite.» Haut-Intyamon n’est cependant pas restée inactive: elle a déposé deux programmes de révision, en 2004 et 2007. «Le SeCA signale alors un surdimensionnement», note la porte-parole. Un premier examen préalable de la révision du PAL est demandé en mai 2009.
En 2011, le SeCA a invité la commune à accélérer la révision et lui a signalé par courrier que, légalement, il n’y avait plus d’attribution possible de permis de construire. Les zones à bâtir n’existent plus. En février 2012, un arrêt du Tribunal cantonal annule les zones à bâtir de Portalban, dont le PAL date aussi de 1978. «Les circonstances sont les mêmes que dans l’Intyamon», reprend Corine Rebetez. Le SeCA est conforté dans ses positions.
En juillet 2013, Haut-Intyamon a soumis une deuxième version de son dossier. En retour, de nombreuses remarques et questions et un avertissement concernant le fait qu’il n’y a plus de zones à bâtir.
En juillet 2014, le SeCA a demandé une nouvelle fois un plan du largement bâti pour les villages concernés. «La commune a refusé de l’établir», note la porte-parole. C’est qu’une troisième mouture de la révision est en préparation. Elle est soumise en examen préalable en mai 2015. Le retour vient en mars 2016, avec 140 remarques et questions.
Dernier épisode en date: en avril, le SeCA préavise défavorablement des demandes de permis de construire. «Comme il n’y a légalement pas de zones à bâtir, aucune procédure n’est possible. Sauf dans la zone considérée comme largement bâtie. Et là, la procédure est celle des constructions hors zone», précise encore Corinne Rebetez. SR

 

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