«La situation a certes évolué, mais l’égalité est encore loin»

| mar, 31. mai. 2016

Avec le partenariat enregistré, on pourrait croire que la condition des gays et lesbiennes s’est
normalisée en Suisse. La Pride est là pour rappeler le chemin qu’il reste à parcourir vers l’égalité.

Par Dominique Meylan

Du 24 au 26 juin, Fribourg se parera de couleurs arc-en-ciel. Après le succès de 2013, la ville accueillera une nouvelle fois la Pride. Cet événement, dans son organisation actuelle, a quelques gènes gruériens, puisque l’idée est née à Bulle sur la place du Marché en mars 2011.
Défilé, village et fête sont au programme. Alors qu’il y a quelques années l’organisation d’un événement LGBTQI (qui réunit des personnes lesbiennes, gays, bissexuelles, transgenres, queers et intersexuées) fleurait bon le scandale, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pourtant, le combat pour l’égalité continue, comme nous l’expliquent le président du comité d’organisation de la Pride Alexandre-Julien Robatel et la chargée de communication Amandine Bayizila.

Est-ce que la Pride a encore une raison d’être en 2016?
Alexandre-Julien Robatel: Votre question est sérieuse? Référez-vous simplement à la dernière carte de l’ILGA Europe (Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués) où la Suisse se place en 33e position sur 49 pays dans un classement qui reflète les lois, politiques et pratiques affectant les LGBTQI. ça se passe de commentaire. On souffre toujours autant d’homophobie. Le mariage, l’adoption ou l’insémination artificielle ne sont pas admis.
Amandine Bayizila: Dans ce classement, la Suisse, un pays a priori démocratique, se retrou-ve derrière l’Albanie ou l’Estonie.

Comparativement à d’autres pays occidentaux, la situation est-elle mauvaise en Suisse?
AJR: C’est toujours soumis à discussion. Ce n’est pas ici qu’on nous jette en bas des ponts ou qu’on nous caillasse la figure. Par contre, au niveau des droits, nous sommes en retard. Nous étions en avance quand nous avons fait passer le partenariat enregistré en 2007. Maintenant, on stagne.

C’est donc essentiellement une question de droits politiques?
AJR: Oui, mais il y a aussi le taux de suicide dû à des problèmes d’identité de genre chez les jeunes, les actes homophobes et les agressions. La proportion est gentiment pareille partout en Europe. La dernière attaque homophobe a eu lieu il y a deux ou trois semaines à Genève. Donc oui, les Prides ont encore leur raison d’être.

Hormis les droits politiques, l’homosexualité n’est-elle pas mieux acceptée dans la société?
AJR: Oui, ça a évolué. Mais je ne suis pas persuadé qu’on soit arrivé à l’égalité couple hétéro-couple homo. On est mieux qu’il y a vingt ans, mais on est moins bien que dans vingt ans.

Dans l’organisation de cette Pride, avez-vous ressenti des discriminations ou de l’homophobie?
AJR: Oui. Nous avons fait un partenariat avec l’association des hôteliers de la ville de Fribourg. Tout d’un coup, un des établissements s’est réveillé et a écrit en disant: «Nous refusons de collaborer à ce partenariat, parce que cette manifestation va à l’encontre de nos principes.» Clairement, c’est
un acte homophobe, avéré et confirmé.

Comment un événement festif peut-il contribuer à votre lutte pour l’égalité?
AJR: Le point le plus militant du week-end, c’est le défilé qui va traverser toute la ville. Là, on peut toucher des gens qui n’iraient pas de prime abord au village ou à la soirée.
AB: Avec un événement festif, on a la possibilité d’agir au-delà du politiquement correct. Au niveau des droits, oui, nous sommes censés être tous égaux, mais les mentalités ne changent pas et c’est le problème. Dans un environnement festif, les gens peuvent se rendre compte qu’on n’a rien de différent.

Les Prides n’ont-elles pas déjà contribué à changer l’image du monde LGBTQI?
AB: Je ne fais pas partie du monde LGBTQI, j’ai donc une vision extérieure. Mais quand je découvre que dans mon pays des gens de la communauté LGBTQI, par exemple des enfants qui naissent avec les deux sexes, subissent des mutilations chirurgicales, quand j’apprends qu’on stérilise chimiquement les gens qui veulent changer d’état civil, personnellement ça me cho-que.
AJR: L’origine des Prides vient de quelques folles excitées en talons aiguilles qui en avaient marre de la ségrégation et de la violence. Les premières marches, c’était pour dire: «Je peux être gay, je peux sortir en tutu, je peux être efféminé, je peux être une femme masculine, je peux être féminine et lesbienne.» Je prends cette violence que j’ai reçue et je l’utilise comme une arme.
Puis, nous avons eu le partenariat – personnellement j’y étais opposé, parce que je veux l’égalité – et c’est bien. Mais les évolutions ne sont pas abouties. Allez dire dans une administration ou à un employeur: «Je suis lié par un partenariat ou j’ai mon partenariat qui est désolidarisé.» L’image de l’étoi-le jaune – c’est violent j’en ai conscience – n’est pas loin. C’est clairement un coming out forcé. Alors que si on avait une union civile, le problème ne se poserait pas.
La Pride, c’est le seul moment de l’année où on peut mobiliser 5000, 10000, 20000 personnes et dans ces 20000 personnes il y a peut-être 10% de la communauté LGBTQI, tous les autres sont des A, des alliés. C’est une occasion uni-que de mettre tout ce petit monde autour de la table.

 

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