Travail au noir mis au jour sur un chantier bullois

sam, 21. mai. 2016

Une vaste opération de contrôle a été menée jeudi sur un chantier à Bulle. Une cinquantaine de policiers sont intervenus. Résultats: six travailleurs en situation de séjour illégal et une vingtaine d’autres soupçonnés d’infraction à la Loi sur le travail au noir.

PAR FRANCOIS PHARISA

Les autorités ont voulu donner un signal fort: non, le travail au noir ne restera pas impuni. Service public de l’emploi (SPE), Association fribourgeoise de contrôle (AFCO), police cantonale, Fédération fribourgeoise des entrepreneurs (FFE) et préfecture ont livré, hier devant la presse, les résultats d’une opération de contrôle d’envergure, effectuée la veille sur un chantier de l’agglomération bulloise. Le travail au noir, mais aussi le non-respect des conventions collectives de travail et des normes sécuritaires ou environnementales étaient visés. Une action «d’une ampleur exceptionnelle», selon les intervenants.
Elle a commencé jeudi sur le coup de 8 h et s’est terminée vers 11 h. Plus de 50 agents de la police cantonale ont été dépêchés sur le terrain, un chantier d’une vingtaine de villas et d’immeubles. «Nous avons ciblé ce site, parce que nous avions déjà des suspicions d’irrégularités depuis un premier contrôle réalisé en février dernier», justifie Patrice Borcard, préfet de la Gruyère, qui a coordonné cette opération coup de poing.
Les policiers ont quadrillé le périmètre et ont rassemblé la quarantaine de personnes qui travaillaient sur le site. Elles étaient employées par 16 entreprises différentes. Tous les bâtiments ont été intégralement fouillés. «Certaines personnes tentaient de se dissimuler dans les constructions», raconte André Progin, chef de la Région Sud à la police cantonale.
Après s’être assurés qu’aucun fuyard n’avait pris la clé des champs, les six inspecteurs de l’AFCO et les représentants des divers services de l’Etat impliqués (SPE, Service de la population et des migrants, Service de l’environnement, Service de l’énergie) sont entrés en scène. Chacun a procédé à ses investigations. Les irrégularités constatées ont été innombrables.


«C’est de l’exploitation»
Au total, 42 travailleurs ont été appréhendés. Six d’entre eux ne possèdent pas de permis de séjour légal. Ils seront expulsés du territoire suisse. Sur les 36 autres, «deux tiers sont soupçonnés d’infraction à la Loi sur le travail au noir», précise Patrice Borcard. Une prise impressionnante au regard de ce qui se passe habituellement.
«La sécurité individuelle des travailleurs était en outre quasiment nulle, ajoute le préfet, qui se base sur le rapport du SPE. Certains portaient même des baskets.» Jean-Daniel Wicht, directeur de la FFE, juge la sécurité sur le chantier «inacceptable». Il se dit «choqué». A tel point qu’à ses yeux, la situation s’assimile à «de l’exploitation d’êtres humains».
Le constat du Service de l’environnement révèle également de multiples fautes: tri des déchets inexistant, fouilles utilisées comme poubelles, bidons d’huile traînant ici et là sans sécurisation… «La ville va réclamer des mesures immédiates à ce niveau pour protéger l’environnement», relève Patrice Borcard.


Enquêtes à venir
Quant au Service de l’énergie, il a lui aussi décelé des infractions, tout en qualifiant la situation de «convenable». Des analyses seront encore menées sur des matériaux d’isolation notamment. De même, des enquêtes seront conduites quant au respect ou non des conventions collectives de travail.
L’intervention passée, il s’agit désormais d’analyser les informations récoltées. «Nous allons effectuer les démarches de vérification nécessaires, puis nous transmettrons nos conclusions au SPE», décrit Mike Aguet, responsable de l’inspectorat à l’AFCO. Le SPE dénoncera ensuite les infractions à la Loi sur le travail au noir auprès des instances compétentes, «selon qu’il s’agit d’un manquement au droit relatif aux étrangers, aux assurances sociales ou à l’imposition à la source», reprend Eric Broccard, chef de la section Marché du travail au SPE.
Et ensuite? «Pour une entreprise, les amendes, quand il y en a, ne vont pas au-delà de 10000 francs. Les sanctions sont trop gentilles à côté de ce qu’elles gagnent en employant des travailleurs au noir», s’énerve Jean-Daniel Wicht, qui estime que l’économie représenterait entre 10000 et 20000 francs par travailleur et par année.
Malgré les événements de jeudi, le chantier bullois se poursuit. «Le bloquer péjorerait les entreprises honnêtes qui y travaillent aussi», justifie Patrice Borcard.

 

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Cinq cents inspections l’an


«Pourquoi n’y a-t-il pas plus souvent des opérations comme celle menée jeudi à Bulle?» Jean-Daniel Wicht, directeur de la Fédération fribourgeoise des entrepreneurs, relaie la colère «des patrons honnêtes, pénalisés par le travail au noir auquel recourent certains de leurs concurrents». Vendredi en conférence de presse, il réclamait «cinq ou six policiers» spécifiquement chargés d’attraper les travailleurs au noir. Et ceux-ci ne sont pas rares dans le canton.
En moyenne, d’après les chiffres fournis par Eric Broccard, chef de la section Marché du travail au Service public de l’emploi, 500 inspections sont menées chaque année dans le canton tous domaines confondus (restaurants, maraîchers, travail à domicile), permettant ainsi de contrôler 1800 travailleurs. Parmi ces inspections, environ 200 sont effectuées sur des chantiers de construction. «En général, 30% des personnes contrôlées sont soupçonnées d’infraction», précise Eric Broccard. Jeudi, à Bulle, deux tiers des travailleurs approchés ont été pincés.
Pour lutter contre cette concurrence déloyale, Jean-Daniel Wicht pense tenir la solution: la création d’une carte professionnelle, sur laquelle figureront le nom et la photo de l’employé, le nom de l’employeur et un code-barres. «En le scannant, inspecteurs et employeurs sauront si le travailleur concerné possède des papiers d’identité en ordre et s’il est annoncé auprès de l’AVS.» Ces badges existent déjà dans le canton de Vaud. Les entreprises fribourgeoises y travaillant doivent se les procurer. «Nous espérons le rendre obligatoire dans le canton de Fribourg le plus rapidement possible», conclut Jean-Daniel Wicht. FP

Commentaires

Bravo ! Excellent travail
Je pense pour ma part que ce n'est pas assez sévère... Sous prétexte de ne pas porter préjudice aux sous-traitants, on fait une pichenette... Mais des entreprises comme ça portent préjudice à bien des entreprises honnêtes. C'est de l'injustice et de l'encouragement à ne pas respecter les lois une sanction aussi insignifiante !!
Vous tenez des propos dignes de petits frustrés de banlieue française. Arrêtez de jouer les victimes du système et demandez plutôt à votre entrepreneur à succès s'il a gagné son argent honnêtement. Dommage que ce contrôle soit ciblé sur des entreprises ayant des patrons étrangers, mais il n'y a pas de fumée sans feu. A bon entendeur.
Hahahaha, bande jaloux! Ça vous fait péter les plombs quand des étrangers réussissent dans la vie et vous faites tout pour les en empêcher. Ce promoteur a adjugé la plupart des travaux à de jeunes entreprises dont les patrons ne sont pas Suisses et c'est là où est votre problème. Les entreprises implantées de longue date dans la région n'ont rien eu et comme les différents Services sont à la solde de ces dernières( cela s'apparente à un cartel), la pilule a du mal à passer c'est ce qui explique tout ce foin que vous faites. Mais vous avez raison d'avoir peur pour cela le train est en marche et vos habitudes seront de plus en plus bousculées. Vous feriez mieux de parfaire votre compétitivité au lieu de mettre les bâtons dans les roues à ceux qui vous bousculent. Pour ce qui est des infractions annoncées dans cet article vous feriez mieux de les vérifier avant de les publier.
Bravo Patrice Borcard, enfin! Cela fait déjà de nombreuses années que des personnes agissent sans vraiment être inquiétées, non déclarées ou exploitées à des prix défiant toutes concurrences déséquilibrant tout le marché de la construction et autres, sans compter les dommages (faillites, incapacité financière d'assumer les charges) causés à des entreprises honnêtes, appliquant des prix correspondant à des couvertures sociales correctes aussi. Concernant les badges, c'est une bonne initiative (déjà existante sur des chantiers du canton de Vaud), mais on vit dans un monde qui a la capacité de produire aussi des faux, déjouant aussi l'électronique. Je pense qu'il faudrait aussi sensibiliser ces personnes non déclarées et/ou abusées (Salaire horaire, conditions de travail) des conséquences pour d'autres personnes qui vivent déjà ici et qui sont intégrées. D'autre part pour ceux qui acceptent d'engager des personnes non déclarées devraient assumer des heures d'intérêt générales au même prix que celui appliqué pour un travailleur ou travailleuse qu'il aurait engagé (Personnes R.H.ou la personne qui engage pour le compte d'une société)! Et que ces heures soient directement diminuées de son temps de travail déclaré, d'où un salaire moindre à son crédit fin de mois et bien entendu en bloquant son bonus ou gratification en fin d'année. Je suis pour un renforcement des contrôles pour endiguer les inégalités. Si nous avons des bonnes structures sociales, c'est que nous les assumons et nous devons les protéger. J. Cuhat

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