Attention! Un projet peut en cacher de nombreux autres

jeu, 23. juin. 2016

La nouvelle gare de Bulle ne saurait faire oublier les autres dossiers à l’étude au sein des Transports publics fribourgeois. Leur directeur Vincent Ducrot évoque cette décennie (grosso modo) de chantiers à venir. A terme, la mobilité de l’ensemble du Sud fribourgeois pourrait en être modifiée.

PAR JEAN GODEL

La mise à l’enquête récente du PAD de la nouvelle gare de Bulle (La Gruyère du 2 juin) ne doit pas faire oublier les autres chantiers en cours des Transports publics fribourgeois (TPF) dans le sud du canton. Le point avec leur directeur, le Vevey­san Vincent Ducrot.

Où en est-on dans le dossier du passage en voie normale du Bulle-Broc?
La nouvelle gare de Bulle, dont il fait partie, devrait être mise à l’enquête à la fin de l’année. On va refaire tout le faisceau de voies depuis le pont sur l’A12, dans la zone de Planchy. L’ancienne voie Wolf (n.d.l.r.: ancien dépôt vis-à-vis de Liebherr) est déjà en cours de remblayage: la ligne principale y sera décalée, ce qui permettra la création d’une double voie ainsi que d’une voie de stockage, notamment pour le train Knie, particulièrement long. C’est la première partie du chantier. Ensuite, à côté de nos ateliers de Planchy, une zone marchandises sera aménagée, avec une grue ou un portique, notamment pour le ciment et le bois. Ce n’est qu’après avoir sorti ces activités du centre de Bulle que nous pourrons y lancer la construction de la nouvelle gare.

Et le Bulle-Broc lui-même?
La mise à l’enquête pourrait intervenir au printemps prochain. On a pris un peu de retard. Le site autour de Broc-Fabrique étant protégé ISOS (n.d.l.r.: Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale), il a fallu négocier l’intégration de la voie avec le Service des biens culturels. On est aussi dans une zone instable, en pente. Une pente d’ailleurs trop raide, de 50‰ – il faudrait arriver à 40‰.
Nous avons étudié une vingtaine de variantes intégrant ces contraintes, l’objectif étant de se fixer sur une seule en septembre. Il faudra aussi refaire le pont sur la Trême, à la sortie de La Tour-de-Trême (le projet est prêt). Il faut bien comprendre que ce dossier du Bulle-Broc en voie normale est gigantesque: il représente près de 500 documents. Mais il avance bien.

Quel est l’échéancier de tous ces chantiers?
Pour la gare de Bulle, il faut compter quatre ou cinq ans de travaux avec des mises en service par étapes. Avec le premier chantier, dans la zone de Planchy, la clientèle ne sera que très peu gênée. Elle le sera vraiment dès que nous attaquerons la gare de Bulle à proprement parler, soit vers 2019-2020. A cette date devrait être mis en service le secteur à voie normale. Celui à voie étroite suivra vers 2021. Tout se terminera avec le passage du Bulle-Broc en voie normale.

Vous parlez d’une future base logistique à Planchy: le potentiel existe-t-il pour relancer le transport de marchandises par rail?
Non. Il restera très limité car il concerne les entreprises travaillant avec de gros volumes, par wagons entiers en provenance de ports lointains. Cela ne correspond pas à ce que l’on trouve en Gruyère. En revanche, j’espère que nous développerons Nestlé, à Broc-Fabrique, et plus généralement l’offre existante (bois, ciment).

Donc pas de vraie plate-forme multimodale à Planchy?
Si. On sera capables de charger un container ou des wagons. Mais cela restera de petits volumes. Nous avons eu de nombreux contacts avec les industriels locaux pour connaître leurs besoins, lesquels ne sont pas encore très importants. Mais c’est à nous de créer les conditions-cadres. Pour l’industrie, c’est le prix qui est déterminant. Un diesel qui augmente peut changer la donne. Pour Nestlé, c’est le passage en voie normale du Bulle-Broc qui rend de nouveau intéressant le transport par rail.

Liebherr n’est-il pas un client potentiel avec ses gros volumes?
Tout à fait. On a des discussions avec eux. Ils réfléchissent à installer un accès à notre plate-forme depuis leur nouveau centre logistique voisin. Mais il s’agit aussi d’optimiser leur logistique autour du chemin de fer, comme l’a fait Nestlé, pour que le rail soit compétitif.

Qu’en est-il du doublement, même partiel, de la ligne Bulle-Romont?
Pour l’instant, nous devons intégrer à nos réflexions l’impact des horaires nationaux 2025-2030 sur cette ligne. Avec la réduction des temps de parcours entre Lausanne et Berne, il y aura forcément des conséquences. Mais pour l’instant, le système national, supérieur au nôtre, n’est pas encore fixé.

Le retour de gares intermédiaires entre Bulle et Romont n’est donc pas pour demain?
A priori, non. Les études menées à ce jour ne présentent pas un rapport coût/utilité mirobolant. Ce sera au canton et à la Confédération d’en juger.

Voilà une manière élégante d’enterrer le dossier…
Non. Pour nous, l’essentiel est d’optimiser le tronçon pour ramener le temps de parcours entre Bulle et Romont au plus près des 15 minutes, sans créer d’infrastructures, cela pour répondre à l’objectif du Conseil d’Etat d’arriver à 30 minutes entre Bulle et Fribourg. Nous étudions plusieurs options, dont le doublement de la voie entre Vaulruz et Bulle ou la réduction du temps de parcours entre Romont et Vuisternens-devant-Romont. D’ici cet automne, nous nous déterminerons avec l’Office fédéral des transports sur un projet que nous étudierons plus en détail.

Cela permettrait-il de nouveaux arrêts?
Non, car le temps de parcours serait alors rallongé.
En revanche, si l’on arrive aux 15 minutes entre Bulle et Romont, cela crée de la capacité. Ce qui, à moyen terme – au-delà de 2025 – nous permettrait d’envisager que le régional Fribourg-Romont soit prolongé vers Bulle, tout ou partiellement – par exemple jusqu’à Vuisternens-devant-Romont.

Et le Bulle-Palézieux, souffre-t-il du succès du RER Bulle-Romont?
Pas du tout. Deux lignes offrent plus de possibilités de se rendre à Lausanne. D’ailleurs, on constate une croissance du trafic vers la capitale vaudoise. Surtout, selon les planifications horaires des CFF en cours d’étude, il est vraisemblable qu’à moyen terme, il redevienne plus intéressant de passer par Palézieux pour aller à Lausanne. La réorganisation du RER vaudois apportera aussi de meilleures correspondances à Palézieux vers Lausanne. Enfin, en construisant la nouvelle gare de Châtel-Saint-Denis et en refaisant la voie, notre objectif est de réduire fortement le temps de parcours entre Bulle, Palézieux et Lausanne. On rend donc les deux axes compétitifs.

 

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«Je serai là, vous pouvez compter sur moi»


L’idée d’un réseau ferroviaire urbain dans l’agglomération bulloise, avec de nouvelles haltes et un système de tram-train, reste-t-elle d’actualité?
Vincent Ducrot. Oui, mais il faut d’abord créer les infrastructures de base, ce que nous sommes en train de faire. Alors seulement, à l’horizon 2030, voire plus loin, les conditions-cadres pour une cadence au quart d’heure et un tram/train existeront. Mais c’est un projet que Mobul doit porter. Cela dépendra de la politique d’urbanisme de la ville.

Le potentiel existe-t-il?
Oui, au vu du développement de l’agglomération bulloise, j’en suis convaincu. On parle de trajets très courts, qui peuvent se faire pour un coût relativement faible, le train et le personnel existant déjà.

Reste à convaincre les Fribourgeois de lâcher leur voiture…
Oui, indéniablement. Mais la part modale des transports publics augmente. On commence, surtout chez les jeunes, à voir des gens qui se passent de voiture, même en Gruyère. Cette mobilité-là devient intéressante. Mais c’est du long terme.
Ce qui deviendra vite indispensable, c’est de mieux coordonner la politique des agglomérations avec celle du canton. A ce jour, le système ne se construit pas assez en symbiose, il y a encore trop de sable dans les rouages. Le Grand Conseil s’apprête à réviser la Loi sur les transports. L’une des conséquences sera d’améliorer ces collaborations afin de développer un seul et unique système, plus attractif: ferroviaire national, ferroviaire régional, bus régionaux et bus d’agglomération.

Du sable? Quel sable?
Enormément d’initiatives sont lancées. Le canton, qui connaît une forte croissance démographique, et les agglomérations se montrent très volontaires. C’est normal. Mais à un certain stade, une coordination doit se mettre en place.

C’est la tâche du Service de la mobilité?
Oui, et du Conseil d’Etat. Quels que soient les résultats des élections cantonales cet automne, de nouvelles impulsions devraient être données.

Et à Bulle?
Là aussi, il y a une nouvelle équipe, donc une nouvelle dynamique à instaurer. Alors, le politique devra se positionner sur ce qu’il envisage en termes de mobilité. On ne fait pas de politique des transports sur cinq ans, mais sur du très long terme. Mobul a été un premier embryon. Maintenant, il faut en tirer le bilan et réfléchir à ce que devra être Mobul 2.

Mobul 2?
A moyen terme, on devra repenser notre mobilité. Car elle continuera de croître. Nous vivons actuellement une étape charnière dans cette réflexion. De plus Bulle se densifie avec le quartier de la gare et les autres PAD, donc avec potentiellement plus de trafic.

C’est un appel du pied aux responsables bullois…
J’ai eu d’excellents contacts avec l’équipe précédente, j’en ai déjà établi avec la nouvelle. Il faut lui laisser du temps. Je dépense beaucoup d’énergie à penser des choses que je ne verrai pas en tant que directeur. Mais si on ne le fait pas maintenant, on aura de gros soucis dans quinze ou vingt ans. Moi, je peux amener une réponse de technicien. Eux doivent amener une réponse de politiques. Les deux se complètent. C’est aussi mon rôle de susciter ce débat.

Où en êtes-vous dans votre parcours aux TPF, vous qui avez déjà lancé passablement de projets?
Je suis extrêmement motivé, j’ai vraiment à cœur de finir ce qu’on a commencé. Nos projets avancent très bien parce que nous y mettons de l’énergie et qu’une équipe magnifique y travaille. Et avec l’Office fédéral des transports, le climat de travail est excellent. Enfin, il y a tellement d’autres projets à lancer… Donc, ces prochaines années, je serai là, vous pouvez compter sur moi.

D’autres projets?
Rien que dans le domaine immobilier ou dans la réfection des gares, on a du pain sur la planche. Et en plus, j’aime construire… JnG

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