Ces alpages si proches, mais si difficiles à entretenir

| sam, 09. jui. 2016

Cette année, les inspections d’alpages ont concerné la zone des Alpettes, entre Gruyère et Veveyse. Des pâturages de basse altitude, mais difficiles d’entretien. Reportage, à Semsales, avec l’une des quatre commissions de la Société fribourgeoise d’économie alpestre.

PAR JEAN GODEL

Il est là, le chalet de Pra Cucu, juste en dessus de Semsales. Tellement proche que l’on y entend le trafic de l’A12, à moins d’un kilomètre de là. Pourtant, ce petit pâturage étroit, coincé entre deux langues de forêt, entre 900 et 1000 mètres, n’est pas le plus facile à exploiter de la région, loin s’en faut. Les membres de l’une des quatre commissions qui ont procédé, jeudi et vendredi, aux inspections d’alpage 2016 de la Société fribourgeoise d’économie alpestre (SFEA) ont pu s’en rendre compte.
Selon le tournus de la SFEA, cela faisait dix-huit ans que la zone II «Les Alpettes», sur les communes de Châtel-Saint-Denis, Semsales, La Verrerie, Vaulruz, Vuadens et Bulle, n’avait pas été inspectée. Cette zone de flysch compte passablement de pâturages marécageux, assez peu productifs, aux glissements de terrain fréquents et où prospère le «poil de chien», ces touffes d’herbe de piètre qualité.
A cela s’ajoute, à Pra Cucu comme ailleurs, une pression croissante de la forêt. Propriétaire depuis quatre ans, Frédéric Maillard, exploitant à La Rougève, renonce à passer avec son tracteur sur la piste en amont du chalet: les jeunes arbres y ont poussé si serrés et si près des ornières qu’ils arracheraient la cabine. Du coup, l’entretien du haut du pâturage n’en est que plus compliqué.


Coupes contrôlées
Robert Genoud, adjoint du forestier de l’arrondissement 4 (Veveyse, Glâne et Broye), illustre le phénomène: chaque année, les branches poussent de 30 cm autour du tronc, 60 cm en comptant les deux bords d’un champ. Donc, en dix ans, la forêt comble un trou de six mètres! Frédéric Maillard le dit sans ambages aux membres de la commission, venus non seulement mettre à jour les données de chaque alpage, mais aussi recueillir les souhaits des exploitants: «J’ai vu une sacrée avancée de la forêt. Alors, c’est sûr, j’aimerais bien couper plus d’arbres…»
Le problème, c’est qu’au-delà des dix arbres de plus de 16 cm de diamètre que tout agriculteur peut couper chaque année pour son propre usage, les choses sont très cadrées: il faut alors demander un permis de coupe. Autre restriction: si la coupe d’arbustes isolés est libre, les arbres de plus de 20 ans sont considérés comme appartenant à une forêt. Leur coupe est donc soumise à permis.


Commission compréhensive
«On ne peut que t’encourager à ne pas relâcher l’entretien de ton pâturage», conclut Philippe Dupasquier, président de la SFEA – et de la commission 1. Aucun reproche de sa part, mais au contraire, beaucoup de compréhension: un exploitant âgé, pas assez de monde sur l’exploitation, un accès difficile (parfois les trois ensemble) et c’est l’entretien qui en pâtit. «Ici, on ne parle pas de négligence, insiste-t-il. Mais cela montre bien le travail que la tenue d’un alpage exige.»
Or, les bras ont tendance à se faire rares dans l’agriculture. Pour Frédéric Ménétrey, directeur de la Chambre fribourgeoise d’agriculture, Pra Cucu est un exemple emblématique: «Pas besoin d’aller en haute montagne pour rencontrer ce genre de problèmes.» Cela dit, le bilan des deux journées d’inspections est globalement positif: les chalets communaux sont dans l’ensemble bien entretenus, mais certains privés montrent des signes de fatigue.
Invité de la commission 1, Pascal Krayenbuhl, chef du Service de l’agriculture, apprécie cette vision d’ensemble et sur presque deux décennies que ces inspections permettent. Pour lui, si l’économie alpestre reste bien vivante dans le canton, elle dépend beaucoup de la qualité des accès et de la main-d’œuvre disponible. «Car ce dynamisme tient surtout aux gens qui font vivre les alpages.»
Dans l’ancien trintsâbyo, c’est l’heure du café. Sur la table décorée d’une belle gentiane, croissants et chocolats attendent les inspecteurs. Jeannette Beaud (41 ans de secrétariat communal à Grandvillard) finit de remplir un dossier. Parmi les invités de la commission, l’ancienne syndique et députée de Semsales Raymonde Favre remonte le temps avec les tantes du propriétaire. C’est bien simple: elle qui a aussi œuvré dix ans au comité de la SFEA connaît tout le monde. La scène se répétera sur la demi-douzaine d’alpages au programme du jour.

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