«Je m’embête rapidement quand tout se passe bien»

jeu, 28. jui. 2016

Ancien hôtelier, le Saint-Gallois Albert Urscheler a parcouru le monde. De la Hollande à New York, en passant par l’Afrique du Sud, la Thaïlande, l’Inde et l’Iran notamment, celui qui habite désormais à La Tour-de-Trême a traversé les pays comme les époques. Quelques jours avant de fêter son nonantième anniversaire, il raconte son périple.

PAR VALENTIN CASTELLA

Les portes de l’ascenseur de l’appartement s’ouvrent. Au milieu de dizaines de statuettes, de diplômes et d’objets exotiques apparaît un homme en chemise hawaïenne bleue, coiffé d’une casquette de camionneur américain. «Moi, c’est Albert. Bienvenue.»
Les yeux s’égarent à gauche, à droite. Un bouddha, une cloche fribourgeoise, un minibar garni de nobles bouteilles d’alcool, un éléphant en bois, un tableau thaïlandais flirtant avec celui d’un chasseur gruérien… «Ce n’est plus une maison, mais un musée», concède l’hôte, qui s’étonne ensuite d’offrir à son invité un simple verre d’eau. «J’ai du champagne si vous voulez! Vous savez, en tant qu’ancien hôtelier, j’ai l’habitude de recevoir les gens dans les meilleures conditions.»
Sur la terrasse de son appartement situé à La Tour-de-Trême, Albert Urscheler regarde la Dent-de-Broc et explique qu’il s’est installé dans la région en 1978, lorsque son épouse Andrée, d’origine gruérienne et aujourd’hui décédée, a souhaité «rentrer à la maison».
Il attire ensuite l’attention sur sa salle de wellness, qu’il a construite sur son balcon. «A mon âge, il faut savoir garder la forme.» Le 5 août en effet, le Saint-Gallois fêtera son nonantième anniversaire. L’occasion de revenir sur un parcours qui l’a amené de Saint-Gall à New York, en passant par l’Afrique du Sud, la Thaïlande, l’Inde et l’Iran notamment.
Il dépose sa casquette sur la table et entame son récit. «Mon histoire avec l’hôtellerie a commencé à Genève en 1943. Afin d’apprendre le français, j’ai travaillé dans un restaurant, dont la spécialité était la fondue aux truffes. Nous étions en période de guerre et les seuls à proposer ce genre de mets. Ce domaine m’a tellement plu que j’ai ensuite commencé un apprentissage dans les cuisines du Carlton Elite, à
Zurich. Comme j’avais de l’ambition, je savais qu’il fallait connaître tous les autres métiers en rapport avec l’hôtellerie pour avancer. J’ai donc appris celui de serveur et de barman dans plusieurs régions de Suisse, à Davos, Saint-Gall, Saint-Moritz.»


De Rotterdam à New York
En 1948, Albert Urscheler quitte une première fois son pays natal pour rejoindre la Hollande. «Je me souviens des barbelés, qui longeaient encore la plage. Pendant la guerre, les officiers allemands occupaient l’hôtel pendant leurs permissions. Autour, les maisons étaient détruites.» Au terme de la belle saison, il trouve de l’embauche auprès de la compagnie Holland America Line. «A l’époque, les voyages commerciaux s’effectuaient en bateau. Nous partions de Rotterdam pour rejoindre New York deux semaines plus tard.»
L’aventure africaine
Les vagues de l’Atlantique font ensuite place à la sérénité du lac Léman, à Genève. Il franchit les portes de La Bonne Auberge en 1949. «Les patrons, un Allemand et un Américain, construisaient un hôtel dans une ancienne colonie allemande, aujourd’hui située en Namibie. J’aimais l’aventure, alors j’ai dit oui quand ils m’ont proposé de les rejoindre. Lorsque je suis arrivé dans la ville de Windhoek, l’hôtel n’était pas encore terminé et je devais dénicher 200 employés. Avec un fermier allemand, nous avons roulé en jeep dans la jungle, d’un village à l’autre, pour trouver du personnel.»
En 1951, soit une année plus tard, c’est l’Afrique du Sud qu’il découvre. Il y restera jusqu’en 1957. Une époque sombre où sévissait l’apartheid. «En tant qu’Européen, je traitais les personnes de couleur comme les autres, contrairement aux Afrikaners. Ce n’était pas un hasard si les autochtones souhaitaient travailler avec moi. Une discipline de fer régnait dans le pays. Si un de mes employés devait rentrer après le couvre-feu, à 18 h, il devait être muni d’un passe que je lui octroyais.»
La vie d’Albert Urscheler va être bouleversée entre 1958 et 1962, lorsqu’il reprend Le Gambrinus, à Fribourg. «C’est là que j’ai rencontré mon épouse. Je l’avais engagée comme gouvernante. A Fribourg, nous avons connu passablement de succès. Le problème est que je m’embête rapidement quand tout se passe bien. J’étais un homme de défi et c’est pour cette raison que je suis parti tenir une brasserie dans le Tyrol italien en 1962.»
Là-bas, il lit une annonce: un directeur est recherché pour un hôtel en Thaïlande. «Je n’étais pas encore marié. J’ai proposé à ma future épouse de m’accompagner. “Si tu es à l’aéroport ce jour-là, tant mieux. Sinon je m’en vais seul”.» Cinquante ans plus tard, Andrée et Albert étaient toujours mariés.


Le paradis thaïlandais
A Bangkok, le Saint-Gallois vit «au paradis», notamment lorsqu’il dirige l’Oriental Hôtel, entre 1965 et 1968. «J’y retournerais demain. Cette période était fantastique. L’établissement figurait parmi les plus beaux du monde et nous accueillions énormément de personnalités internationales. Nous avions même des généraux américains, en guerre au Vietnam, qui nous rendaient visite.»
Agé de 42 ans, Albert Urscheler souhaite se poser quelque temps et retrouver la Suisse. Il achète alors un hôtel à Coire en 1968. Un établissement qu’il revend deux ans plus tard pour rejoindre l’Inde et New Dehli. «Une compagnie hôtelière voulait s’installer là-bas. J’ai été engagé pour moderniser un palais appartenant à l’Etat et construit notamment par Jawaharlal Nehru, un ancien Premier ministre. Je n’ai pas conservé un grand souvenir de ce pays. En raison des castes, il était très difficile de gérer le personnel.»


«Les Iraniens aimaient la vie»
Une nouvelle ouverture d’hôtel aiguise l’appétit du Saint-Gallois l’année suivante, en 1971. Et c’est en Iran qu’il se rend pour y apporter son expérience. Un pays qui ne connaissait pas encore la République islamique (la révolution a eu lieu en 1979). «Les Iraniens aimaient la vie et la fête. Ce pays était formidable.»
En 1972, Albert Urscheler relève son dernier défi d’hôtelier dans la quiétude de la Bavière, à Bad Kissingen.
A 47 ans, l’hôtelier décide de se retirer pour s’installer en Floride, où il commence une autre vie (voir ci-dessous). De cette première existence, il retient «un formidable engouement des touristes pour le voyage», qui contraste avec l’époque actuelle. «Aujourd’hui, en raison du terrorisme, les gens ont peur de partir en vacances. Cela me rend triste, car il y a tellement de beaux pays à visiter. J’espère que les choses vont s’arranger un jour et que les futures générations auront la chance de découvrir le monde comme je l’ai fait.»

 

 

 

Commentaires

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