Le terroir n’est plus seulement une histoire d’artisans

| jeu, 27. oct. 2016

Le Salon des goûts et terroirs ouvre ses portes demain. Chaque année, cette manifestation rencontre un succès qui met en exergue la popularité des produits de proximité. Plusieurs protagonistes évoquent et analysent ce retour en force.

PAR VALENTIN CASTELLA

Dès demain, le Salon des goûts et terroirs accueillera près de 45000 personnes à Espace Gruyère. Un succès qui révèle la popularité des produits artisanaux. Ce retour aux sources a retrouvé grâce aux yeux des consommateurs après avoir été, durant les années 1970 et 1980, mis de côté au profit des produits de grande distribution. «En 2000, lors de la première édition du Salon, on faisait office de précurseurs, se souvient la directrice Marie-Noëlle Pasquier. Aujourd’hui, le terroir est mis en avant partout.»
Plusieurs raisons expliquent ce virage. Selon l’exposant Marc-Henri Horner, de la fromagerie de Marsens-Vuippens, l’une d’elles est due aux scandales alimentaires. «Les gens sont désormais attentifs à ce qu’ils mangent. Notamment les jeunes, qui ne souhaitent plus manger n’importe quoi.»
Boucher à Châtel-Saint-Denis et également du rendez-vous à Espace Gruyère, David Blanc complète: «Avant, les consommateurs voulaient savoir d’où provenait le produit. Maintenant que les étiquettes sont longues comme un dictionnaire, ils ont envie de savoir comment il est fabriqué.»


Raconter une histoire
Plusieurs protagonistes l’affirment: les gens souhaitent raconter une histoire lorsqu’ils servent un plat. «Dans un monde qui s’ouvre, ils ressentent le besoin de s’identifier à leurs racines», continue David Blanc. A ce propos, Romain Castella, gérant de l’Association pour la promotion des produits du terroir du pays de Fribourg, tient à préciser que le terroir «englobe toutes les facettes de l’artisanat, les produits AOP et l’ensemble des produits de l’agriculture. Et pas seulement les recettes vieilles de 200 ans.»
En vogue, le terroir est-il toutefois rentable? «Il l’est pour les artisans qui ont pris le train en marche et qui possèdent une structure capable d’assurer un certain chiffre d’affaires», détaille Romain Castella.
Paradoxalement, ce retour en grâce ne parvient pas à limiter l’érosion de l’artisanat. «Beaucoup d’entreprises de transformation ont disparu ces vingt dernières années, cons-tate Romain Castella. De nombreux artisans ont cessé ou diminué leur activité en raison de la législation, parfois trop rigide. Elle fait peur aux jeunes, qui n’osent plus se lancer.»
Si certains artisans parviennent à tirer profit du retour au premier plan du terroir, les grandes surfaces semblent être les gagnantes de ce phénomène. «Les produits Ma région sont très demandés, confirme Ramon Gander, porte-parole de Coop. C’est pour cette raison que nous avons élargi l’assortiment.»
En 2015, ce label a réalisé un chiffre d’affaires de 140 millions. Selon Ramon Gander, la popularité des produits régionaux est une chance pour les artisans: «Coop offre un débouché aux producteurs locaux. Grâce à la demande croissante, ils sont motivés à créer de nouveaux produits.»


Concurrent et partenaire
Percevoir les grandes surfaces comme les méchants et les profiteurs de l’histoire serait une mauvaise interprétation. Car une collaboration existe entre ces dernières et les artisans. «Cette offre maintient l’emploi de proximité et favorise l’économie locale», assure Sandra Leuenberger, responsable des relations publiques pour Migros Neuchâtel-Fribourg.
Romain Castella abonde: «Ces entreprises sont des concurrentes, mais également des partenaires.» Le Gruérien n’oublie toutefois pas de rappeler que, grâce à la popularité de ces produits, elles réalisent des marges plus importantes, étant donné que certains sont prêts à payer plus cher pour un aliment de la région et que, dans un même temps, elles exercent sur les producteurs, «une pression au niveau des prix».


Conserver l’esprit terroir
Selon le Romontois Didier Ecoffey, président des boulangers romands et fribourgeois, la qualité du produit est l’une des armes pour se distinguer: «Les gens qui sont prêts à dépenser un franc de plus pour un produit ont envie de déguster un pain qui sort de l’ordinaire.» Le Veveysan David Blanc évoque aussi le service: «Une étiquette de cochon qui gambade dans un pré ne remplace pas le contact avec le client.»
Au sommet de leur popularité, les produits de proximité risquent-ils, à l’avenir, d’être victimes de leur succès? «Le marché actuel permet encore de poursuivre le développement de ce secteur, lance Da-vid Blanc. Il faut toutefois être attentif à ne pas trop en faire, au risque de perdre le contact avec ses racines.»


La rançon de la gloire
Marie-Noëlle Pasquier, qui voit chaque année des milliers de dégustateurs arpenter les couloirs d’Espace Gruyère, fait confiance aux consommateurs: «Dans chaque effet de mode, il existe une tentative de récupération. Sauf que les gens ne sont pas naïfs. Ils repèrent rapidement les entreprises qui tentent de profiter du phénomène. On nous le signale d’ailleurs parfois durant le Salon.» Longtemps snobés, les produits régionaux se retrouvent aujourd’hui sur le devant de la scène et attisent les convoitises. La rançon de la gloire.

 

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Une édition bien garnie


La 17e édition du Salon des goûts et terroirs se déroulera du 28 octobre au 1er novembre. Près de 45000 visiteurs sont attendus sur les 200 stands construits à Espace Gruyère. Cette année, l’Arène gourmande accueillera des personnalités de la cuisine, comme Jérémy Desbraux (sous-chef du Restaurant de l’Hôtel de Ville, à Crissier), Claude Frôté (chef du Bocca, à Saint-Blaise) ou Pierrot Ayer (chef du Pérolles, à Fribourg).
Autre événement: le Swiss bakery trophy, qui mettra en exergue 1400 produits issus de toute la Suisse. Comme d’habitude, les ateliers du goût devraient attirer du monde, tout comme l’Amuse-bouche, cet espace interactif basé sur les cinq sens.
Cette année se déroulera la première édition du Trophée de la fée verte. Le 30 octobre, le meilleur cocktail à base d’absinthe sera honoré. Les hôtes d’honneur seront l’Aveyron et ses ambassadeurs Noémie Honiat et Quentin Bourdy, de Top chef, ainsi que le canton de Neuchâtel. De vendredi à lundi, le Salon sera ouvert de 10 h à 22 h et mardi de 10 h à 17 h. Programme complet sur www.gouts-et-terroirs.ch. VAC

 

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