Morat-Fribourg, une classique vouée avant tout aux surdoués

| sam, 01. oct. 2016

Il suffit de se poster dans la montée de la Sonnaz, un premier dimanche d’octobre, pour s’en rendre compte: hormis la souffrance sur les 17,17 kilomètres d’un tracé «mal plat», les 13000 participants annoncés demain à Morat-Fribourg ne partageront pas grand-chose avec l’élite...

PAR QUENTIN DOUSSE

La réalité du chrono fait état du monde qui sépare les cadors du reste du peloton. En effet, l’an dernier, ils n’étaient que 17 à avoir franchi la ligne d’arrivée dans la même heure que le vainqueur kényan, Bernard Kiplangat Bett (51’58).
Si cette différence éloquente n’est pas nouvelle, elle ne manque pas d’impressionner les observateurs, année après année. La 83e édition de la course commémorative offrira néanmoins une particularité à l’avant, puisque le dossard de favori se trouvera sur un maillot suisse. Celui de Tadesse Abraham précisément, 7e du marathon des Jeux de Rio et champion d’Europe de semi cet été. L’occasion de s’intéresser d’un peu plus près à ces virtuoses du bitume.


Chronos références exigés
Pour prétendre à la victoire sur la place Georges-Python, l’exigence première est déterminée par l’impitoyable chronomètre. «Des références sont indispensables, amorce Gérald Rumo, entraîneur au SA Bulle. Il faut être capable de courir le 10000 m en moins de 30 minutes, et d’approcher l’heure sur le semi-marathon. A Morat-Fribourg, la qualité de relance est aussi indispensable.» A titre indicatif, seuls cinq athlètes suisses ont rempli le premier critère en compétition, sur cette année 2016. Voilà qui réduit considérablement le champ des prétendants, coureurs africains mis à part.
Galoper à un tempo de trois minutes au kilomètre est une chose, le tenir sur le profil accidenté de Morat-Fribourg en est une autre. Car la montée de la Sonnaz n’est de loin pas la seule difficulté du parcours, lequel propose aussi plus d’un «faux plat montant». Parmi les meilleurs Fribourgeois au départ ce dimanche, Thomas Meszaros connaît l’exigence de «la classique» pour avoir établi son record personnel à 57’15. «Pour conserver de la vitesse et franchir ces faux plats, il est important d’avoir de la force dans les jambes. Celui qui veut l’emporter doit également avoir des facultés de vitesse, pour la fin de course depuis le sommet de la Sonnaz notamment.»
Ce profil montant – 162 mètres de différence d’altitude entre Morat et Fribourg – n’est pas commun pour les épreuves sur route de notre pays. Pour le Genevois Tadesse Abraham, «Morat-Fribourg se distingue vraiment de toutes les autres courses. Mais je pense que ce profil me convient bien, je m’entraîne par ailleurs en côtes une fois par semaine.»


Des foulées différentes
A l’instar des autres grands rendez-vous pédestres en Suisse, les athlètes africains ont régné en maîtres sur Morat-Fribourg. C’est simple, ils ont raflé 21 des 24 dernières éditions en terres fribourgeoises. Reste que leur foulée légère et aérienne – illustrée par celle, impressionnante, du recordman du parcours Abraham Kipyatich – ne constitue pas un impératif en vue de la victoire. «Cette attaque médio-pied est la plus dynamique et efficace, relève Thomas Meszaros. Mais, on l’a vu avec Stéphane Joly (n.d.l.r.: le Jurassien vainqueur en 2011, mais déchu pour des anomalies dans le profil sanguin), une foulée en force avec une attaque talon peut aussi aller vite. ça reste une exception. Même si Tadesse Abraham n’est également pas le plus aérien... Chacun a son style, finalement.»
Quel que soit le type de foulée, prétendre à la victoire sur la «classique» n’est pas envisageable sans un volume d’entraînement considérable. «Quand je prépare une épreuve comme Morat-Fribourg, je cours entre 120 et 140 kilomètres par semaine, précise Tadesse Abraham. Avant un marathon, je tourne plutôt autour des 200-220 kilomètres.»
Autant le dire tout de suite: pour assumer un tel «régime kilométrique», mieux vaut faire de la course son métier. «Pour gagner aujourd’hui, il est devenu obligatoire d’être professionnel à 100%, assure Frédéric Dumas, responsable du plateau élite. En plus des une à deux séances quotidiennes, il est essentiel de pouvoir consacrer du temps à la récupération.»


Un «air de déjà-vu»
Autant entraînés soient les cadors, la spécificité de Morat-Fribourg exige également une reconnaissance des difficultés. Souvent sommaire, elle existe bel et bien. Même pour les athlètes du continent africain ignorant tout du tracé. «Ils sont toujours au minimum “briefés” sur le parcours par leur manager. En 2004, j’avais fait Morat-Fribourg en voiture avec le Néo-Zélandais Jonathan Wyatt, la veille de son record (51’18, 2e temps absolu)», raconte Frédéric Dumas. Sur ce point-là, Tadesse Abraham n’a plus rien à apprendre, lui qui a déjà franchi six fois l’arrivée à Fribourg. Sa dernière expérience remonte à 2014. L’Helvète de 34 ans avait alors terminé 3e en 53’27.
On l’aura compris, porter le rameau de tilleul sur la place Georges-Python est une affaire de (sur)doués. Cela tombe bien, Tadesse Abraham en est un et il connaît la route, entre Morat et Fribourg. Une route vers le sacre qui, sauf invité africain de dernière minute, semble bien dégagée pour le Genevois. Il possède en tout les cas le profil type du vainqueur.

Les principaux favoris
Hommes: Tadesse Abraham (Genève), Fikru Dadi (Ethiopie), Mohammed Boulama (Maroc), Robbie Simpson (Ecosse), Tolossa Chengere (Ethiopie).
Dames: Martina Strähl (Soleure), Charity Kiprop (Kenya), Vivian Kiplagati (Kenya), Laura Hrebec (Collombey).
 

 

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«Cette victoire manque à mon palmarès»


Demain matin, sur les pavés du centre-ville de Morat, Tadesse Abraham sera le grandissime favori à la victoire. Sous réserve néanmoins d’un invité de dernière minute. Les suiveurs se rappelleront du tenant du titre Bernard Kiplangat Bett. En 2013, le Kényan s’était présenté au départ à la surprise générale, avant de signer le meilleur chrono du jour. Tadesse Abraham, lui, préfère se concentrer sur sa personne. Le marathonien helvétique souhaite plus que tout triompher, un jour, sur la place Georges-Python. En six participations, Morat-Fribourg s’est toujours refusé à lui: deux podiums et une référence à 53’27 (2014), mais jamais de victoire au bout. Cette année, l’athlète de 34 ans a brillé de mille feux. Avec un record national sur  le marathon (2 h 06’40), un titre de champion d’Europe de semi et un diplôme olympique sur les 42,195 kilomètres de Rio, il a prouvé avoir les jambes pour parvenir à ses fins, à Fribourg.

Tadesse Abraham, vous avez dû vous contenter d’une 3e place au Greifenseelauf il y a quinze jours, quelle est votre forme actuelle?
Au Greifensee, mes jambes n’étaient simplement pas prêtes pour figurer tout devant. La fatigue de Rio se faisait encore ressentir. Maintenant, la forme comme le moral sont bons. Mon dernier entraînement de vitesse s’est bien passé et je me sens en confiance pour aborder ce Morat-Fribourg.

Quelle importance accordez-vous à cette course?
Elle est grande. Morat-Fribourg reste une course très connue et populaire, en Suisse, mais à l’échelle internationale également. J’éprouve un grand plaisir rien que de prendre le départ. Mais ce que je veux, c’est jouer la gagne. Cette épreuve fait partie de celles que j’entends remporter au moins une fois dans ma carrière. Elle manque à mon palmarès. Quand j’ai fait 2e en 2006, la forme était vraiment là. Mais j’avais commis une erreur tactique: après la montée de la Sonnaz, j’avais regardé par-dessus mon épaule gauche en pensant que j’étais seul, pendant que mon adversaire m’avait dépassé par la droite.

Quelle est votre plus grande satisfaction en 2016?
Je ne retiens pas une course en particulier. C’est à Séoul, au mois de mars, que j’ai acquis un maximum de confiance pour la suite de la saison. Depuis ce record national (2 h 06’40), je n’ai connu que des bons moments. Il est vrai que je ne m’attendais pas à remporter les championnats d’Europe à Amsterdam. La 7e place au marathon olympique a également été un moment fort. Mon ascension éclair? Je n’ai pas progressé particulièrement cette saison. C’est plutôt la récompense de plusieurs années de travail, durant lesquelles j’ai beaucoup appris des expériences – parfois mauvaises – passées.

Votre prochain objectif, le record national sur 42,195 km?
C’est certain. J’aimerais même viser le record d’Europe (n.d.l.r.: détenu par le Turc Ozbilen en 2 h 06’10). J’ai prévu de tenter ma chance au prochain marathon de Londres, qui aura lieu le 23 avril 2017. QD

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