Lumière sur les compositeurs passionnés par la littérature

| jeu, 03. nov. 2016

Dès jeudi et jusqu’à dimanche, Bulle vibrera aux mélodies et aux harmonies que promet la belle programmation des Fêtes musicales. Pour sa 8e édition, le festival a donné une carte blanche à Frédéric Wandelère pour élaborer le programme. Interview.

Par Simon Rossier

 

Schubert, Schumann, Brahms, ou encore Debussy, pour ne citer que quelques compositeurs, sont à l’honneur dans cette nouvelle édition des Fêtes musicales de Bulle, qui débutent ce jeudi. Après six ans de silence, le festival renaît sur un concept nouveau: proposer à un invité de choix l’élaboration d’un programme cohérent qui lui tienne à cœur. Cette année, les Fêtes musica-les ont demandé au poète Frédéric Wandelère, grand amateur de musique (pour ne pas dire connaisseur), de participer au projet. Egalement traducteur de plusieurs poètes allemands, l’écrivain propose d’articuler la programmation autour d’une alliance entre poésie et musique.

Comment est né ce projet d’un festival centré sur le lied?
Les organisateurs sont ve-nus me chercher un jour. Je ne sais pas ce qui leur a pris… Il se trouve que j’avais publié des traductions de lieder qui ont paru dans des livres-disques consacrés à Hugo Wolf, à Schumann, à Mahler, et enfin au Winterreise de Schubert. C’est probablement à partir de ces traductions que ces amateurs éclairés de Bulle ont rencontré mon nom et m’ont demandé de composer un programme.

Et de quoi sera-t-il composé?
Dans ces Fêtes musicales, il y a deux récitals de lied: l’un consacré à la Schöne Müllerin de Schubert, le second au Dichterliebe de Schumann et à des lieder de Wolf. Ces œuvres sont interprétées par des musiciens que j’aime beaucoup. Julian Prégardien, qui chantera le cycle de Schubert, a la plus belle voix de ténor actuelle. C’est un grand Liedersänger. De son côté, Stephan Genz est pour moi le meilleur interprète actuel de Wolf, l’un de mes compositeurs favoris.
Au fond, ce festival se con-centre autant sur de grands poètes du romantisme allemand – Müller, Heine, Goethe, Eichendorff et Mörike – que sur des musiciens très poètes eux-mêmes: Schubert, Schumann, Brahms et Wolf, quatre compositeurs très littéraires qui se sont identifiés aux poètes qu’ils mettaient en musique. Cette passion que les compositeurs avaient pour la littérature a été pour moi une sorte de clé dans l’organisation des concerts.

Mais le festival ne comporte pas que des lieder…
En effet. Nous avons aussi un récital de piano dans lequel Eric Le Sage jouera du Brahms et du Schumann, deux compositeurs qui s’adoraient et qui sont comme les deux pôles de la poésie: Schumann est par excellence un compositeur poète, spontané, très inventif par nature, mais pas vraiment inspiré par les formes classiques, au contraire de Brahms qui s’y sent parfaitement à l’aise. Le festival comporte également une petite partie française, avec des œuvres pour viole de gambe de Marin Marais, interprétées par Paolo Pandolfo et le quatuor de Debussy que présentera le merveilleux quatuor Ebène.

C’est une chance que ce type d’événements puisse avoir lieu à Bulle!
Oui. Beaucoup de ces interprètes aiment venir à Bulle parce que les organisateurs sont des gens passionnés qui adorent la musique et la connaissent très bien. Ces musiciens sont souvent indispo-sés par le snobisme ambiant de certaines grandes salles de concert. A Bulle, Notre-Dame-de-Compassion est un endroit plus petit, avec une acoustique qui se prête bien à la musique de chambre, au récital de piano et au lied.
C’est une taille idéale parce que les lieder présentés, bien que les compositeurs les aient parfois entendus dans de grandes salles, étaient conçus, à l’origine, pour de petits intérieurs, des volumes sonores plus étroits.

Dimanche, certains de vos poèmes seront mis en musique par Michel Rosset. Quel a été votre rôle dans cette création?
L’idée des organisateurs était effectivement qu’après les travaux que j’avais publiés il serait bien de faire entendre quelques-uns de mes poèmes. En lisant mes recueils, Michel Rosset a sélectionné des textes qui se prêtaient à la mise en musique et qu’il a réorganisés de façon à ce qu’il puisse lui-même cons-truire une œuvre qui se tienne. Il a puisé principalement dans mes Leçons de simplicité, et dans La Compagnie capricieuse. Il n’a pas repris l’organisation des recueils, mais il a imaginé un chemin personnel, en prenant des poèmes ici et là, et
en les agençant par saison, par thème… ce que je n’avais pas fait moi-même! Avec sa musique, il leur a donné une tonalité, des couleurs particulières.

Par rapport à ce réarrangement et cette mise en musique, avez-vous quelques réticences sur un éventuel changement dans la façon de percevoir vos poèmes?
A partir du moment où des poèmes sont publiés, les lecteurs sont libres d’en faire ce qu’ils veulent. Dans mon cas, je suis très intéressé par un regard extérieur porté sur ces textes, par une personnalité qui va se les approprier pour en faire quelque chose qui lui convienne et qui s’harmonise avec sa propre sensibilité. J’ai d’ailleurs permis à Michel Rosset de retoucher un ou deux de mes poèmes. Je pense qu’il faut laisser à un créateur le maximum de liberté pour qu’il soit le plus inventif possible, pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

Cette composition se présente donc comme une sorte de cycle de lieder?
Oui, à peu près. Michel Rosset l’a intitulé Ombre dans le vent. La plupart des textes qu’il a choisis sont courts. Ils évoquent des états, des flashes, des choses momentanées. Les poèmes plus narratifs convenaient moins au type de composition qu’il envisageait.
L’œuvre dure une vingtaine de minutes environ. J’en ai pris connaissance. Elle est très belle. Je suis très honoré de l’avoir inspirée.

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Au programme des Fêtes musicales

Jeudi 3 novembre. Les Fêtes musicales s’ouvrent sur une conférence
de Frédéric Wandelère sur le thème Découvrir le lied. Elle a lieu
à 18 h à la grande salle des Halles, à Bulle. Tous les concerts
se dérouleront ensuite à la chapelle de Notre-Dame-de-Compassion. A commencer par La belle meunière, de Schubert, par le ténor Julian Prégardien et le pianiste Christoph Schnackertz, à 20 h.
Vendredi 4 novembre. Le baryton Stephan Genz et le pianiste Michel Dalberto interpréteront Dichterliebe, de Schumann, ainsi que trois œuvres de Hugo Wolf, à 20 h.
Samedi 5 novembre. A 17 h, place à la partie française avec Pièces
à une et à deux violes et basse continue, de Marin Marais. A 20 h, Eric Le Sage proposera un récital de piano avec des œuvres de Brahms et de Schumann.
Dimanche 6 novembre. La création de Michel Rosset sur des poèmes de Frédéric Wandelère, Ombre dans le vent, sera interprétée
à 14 h 30. Le quatuor Ebène et le pianiste Eric Le Sage donneront
le concert final à 17 h, avec des œuvres de Haydn, Debussy
et Brahms.
Réservations sur www.labilletterie.ch ou au 026 913 15 46
ou sur place 30 minutes avant le début des concerts

 

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