Sonnée, l’entente de droite cherche à comprendre

| mar, 29. nov. 2016

Arrivée à son terme, l’entente bourgeoise n’a pas atteint tous ses objectifs. Dans l’impasse, elle devra analyser son échec avant de se réinventer.

PAR JEAN GODEL

«L’UDC, qui a joué les porteurs d’eau du PDC et du PLR, se retrouve cocue de service.» Si ce jugement vient certes de la gauche (du chef de groupe socialiste au Grand Conseil Pierre Mauron), il résume assez bien ce qui s’est passé dimanche, au terme de cette première entente de droite nouée en 2013. Car son bilan final est plutôt négatif.
Toute historique qu’elle soit, l’élection de quatre élus PDC et PLR au premier tour ne saurait cacher la panne sèche de l’UDC au second tour. Ni l’échec de l’entente qui n’a pas atteint ses objectifs. Elle voulait cinq élus au gouvernement? Elle n’en aura que quatre, malgré son poids à la pesée d’avant-match (deux tiers de l’électorat). Chacun de ses membres devait participer à la fête? L’UDC reste sur le trottoir. Pire: la droite régresse au Grand Conseil.
Ses responsables se consolent en se disant que leur union a au moins servi à faire élire – de justesse – Jean-Pierre Siggen contre Jean-François Steiert, en 2013. Et à gonfler le socle de l’UDC par rapport à 2011, quand elle partait seule au combat. Pas assez toutefois pour lui éviter de se faire écraser, dimanche, par le rouleau compresseur de la gauche.
On admet donc la défaite qu’à demi-mot, soulignant le maintien de la majorité au Conseil d’Etat et au Grand Conseil. Pour les nuances, c’est le verre à moitié plein ou à moitié vide. Ainsi, quand Didier Castella (président du PLR) avoue un «semi-échec», son homologue du PDC, André Schœnenweid préfère voir un «beau succès, mais incomplet».


Où est le problème?
Mais qu’est-ce qui a cloché? D’abord, un manque de discipline chez les électeurs du PDC et du PLR, alors que l’électorat UDC, lui, a l’habitude de voter compact. «Je reconnais une certaine perte de dynamique au PDC et au PLR», concède André Schœnenweid. Le sacrifice du très bien placé Peter Wüthrich a aussi laissé des traces.
Un autre point de friction: fallait-il partir à cinq ou six candidats pour décrocher les cinq postes visés? Préférer la posture philosophique (offrir un choix) ou la realpolitik? Difficile de refaire le monde. Mais le constat est là: le PLR, qui a joué la carte de l’ouverture, a dû retirer l’un de ses deux candidats dans l’entre-deux tours… Dura lex sed lex. Pourtant, Didier Castella ne regrette rien. «Présenter deux candidats figure dans la convention. Sans cela, nous ne la signions pas.»

Convention-diktat
Cette convention, justement, a été vue comme un diktat chez bon nombre d’électeurs, surtout au PDC. L’affaire de la remise à l’ordre, par André Schœnenweid, de Laurent Dietrich, conseiller communal PDC de Fribourg qui a admis à la RTS ses réticences à voter pour Stéphane Peiry, a achevé chez beaucoup le peu de loyauté qui les liait à cette entente mal digérée. «Il y avait le feu à la maison, je l’ai éteint, maintient le patron du PDC. J’ai assumé mon rôle. Mon parti est traversé par une grande diversité, je dois le fédérer.»
Au-delà de cet épisode périphérique, Didier Castella justifie ce bloc à droite par la présence, à gauche, d’une alliance qui performe depuis des années: «A la majoritaire, nous n’avons pas le choix. Mais je reconnais que ce jeu à deux blocs imposé par les états-majors des partis représente un déficit démocratique.»


Le profil du candidat
Pour le responsable de campagne de l’entente de droite Jacques Boschung, si l’UDC reste un parti qui polarise plus que les autres, Stéphane Peiry est une personnalité «intégratrice». Peut-être, mais beaucoup ont continué à voir en lui un UDC fidèle à la ligne fédérale du grand parti blochérien. Paradoxalement, au sein même de l’électorat UDC, cette fable du doux agneau agrarien à la sauce fribourgeoise – par ailleurs col blanc issu de la capitale – a pu déplaire.
Figure respectée du Grand Conseil, Stéphane Peiry n’a peut-être pas rallié derrière son nom autant d’électeurs non-UDC que ne l’aurait fait un leader charismatique. «J’ai mes propres réseaux dans l’économie, corrige Stéphane Peiry. Ils sont peut-être plus restreints que ceux de Jean-François Steiert. Mais lui se présentait pour la troisième fois. Moi, c’était ma première tentative.»
Reste que, pour Gilbert Casasus, professeur à l’Université de Fribourg, Stéphane Peiry «n’a pas le profil type pour l’électeur UDC moyen qui n’a pas nécessairement eu envie de voter pour lui». Le député UDC Gabriel Kolly n’est pas loin d’acquiescer: «Quand l’UDC présente des candidats droits dans leurs bottes comme Freysinger en Valais ou Perrin à Neuchâtel, ça passe.»
En fait, estime Gilbert Casasus, l’UDC n’est pas aussi forte à Fribourg qu’elle ne le pensait, elle qui, il y a treize mois à peine, terminait en tête des élections fédérales, poussée par une dynamique nationale. «Fribourg n’est pas un canton UDC, mais “socialo-démocratico-chrétien”. Pas réactionnaire ni fermé, mais où l’humanisme chrétien et social joue un rôle important. Le PLR peut regretter de ne pas avoir présenté Peter Wüthrich, bien plus dangereux pour la gauche que Stéphane Peiry.»

Et la suite?
Les tensions surgies dimanche à l’Hôtel cantonal entre PDC et PLR – La Liberté rapporte qu’André Schœnenweid a reproché à Didier Castella son manque de mobilisation – n’auguraient rien de bon pour une reconduction de l’entente. André Schœnenweid, qui revendique le droit aux émotions dans de tels moments de déception – il s’est excusé auprès de Didier Castella – veut prendre le temps de l’analyse. «Après, tout sera ouvert. Mais au sein du PDC, peu de courants sont vraiment opposés à cette collaboration.» Rien ne sera décidé avant le congrès de juin 2017. «Mais le PDC est un grand parti incontournable.» Pour Didier Castella, il faudra repenser des thèmes tels que le nombre de candidats ou la marche à suivre entre les deux tours. «Mais la collaboration est moins facile qu’à gauche, où un parti, le PS, domine.»
A l’UDC enfin, on sent un certain abattement, notamment chez son président Roland Mesot: «Peut-être que la population ne veut pas de nous au Conseil d’Etat…» Là aussi, le temps de l’analyse est venu. Les décisions viendront après que les instances du parti auront été en partie renouvelées au printemps prochain. Gabriel Kolly, lui, reste convaincu de la nécessité d’une alliance: «Elle ne nous a pas assez servis. Mais le but n’est pas de jouer la politique de la terre brûlée au Grand Conseil. Ce ne serait pas dans l’intérêt du canton.»
Même modération chez Roland Mesot qui refuse de tirer d’emblée sur ses alliés de l’entente. Mais certains de ses sympathisants, eux, ne s’en sont pas privés sur les réseaux sociaux et sur les sites des médias. Nul doute que des règlements de compte se préparent. Et ils s’annoncent virulents.

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