Urs Schwaller défend sa vision du service public de La Poste

| mar, 25. avr. 2017

Diminution des bureaux postaux, suppression d’emplois: La Poste est constamment sous le feu de la critique. Président de La Poste suisse depuis une année, le Fribourgeois Urs Schwaller donne la réplique. Pas le choix, dit-il, l’ex-régie fédérale doit se renouveler si elle entend toujours offrir un service universel.

PAR JEROME GACHET

A côté du Stade de Suisse, à Berne, le bâtiment est spectaculaire de modernité. C’est là que siège, au sixième et dernier étage, Urs Schwaller. Président de La Poste suisse depuis une année, le Singinois ne chôme pas. Ancien préfet, conseiller d’Etat et conseiller aux Etats, le démocrate-chrétien (64 ans) a repris une entreprise qui fait l’objet de critiques incessantes. La Poste remplit-elle toujours sa mission? Le président répond.

En octobre dernier, La Poste a annoncé la suppression de 500 à 600 offices postaux, tandis que 1200 emplois sont menacés. Où en êtes-vous dans ce processus?
Nous avons terminé le premier round de discussions avec les cantons. Notre idée est de publier en juin une première carte avec les 800-900 bureaux restants. Les échanges avec les communes vont se poursuivre. Pour la première fois, La Poste annonce clairement ce qu’elle veut faire. Et il n’y aura pas de suppression d’offices sans solution proposée.
Au final, le nombre de points de contacts va d’ailleurs augmenter, de 3700 à 4000. On maintiendra ainsi le réseau le plus dense d’Europe. Prenons le district de la Gruyère: 14 offices de poste, 5 agences, 21 services à domicile, un point de retrait, soit 41 points d’accès.
Un autre chiffre: parmi 1,7 million de ménages que compte ce pays, seuls 1000 ne bénéficient pas d’une distribution à domicile directe.

Et pour le personnel?
Dans la mesure du possible, nous chercherons des solutions afin d’éviter les licenciements pour les 1200 emplois concernés (700 équivalents plein-temps). C’est notre responsabilité d’employeur.

Quand les communes parlent de La Poste, elles disent pourtant qu’elles ne sont pas entendues, qu’elles se retrouvent face à un mur…
On ne peut pas nier que, par le passé, des erreurs ont été commises au niveau de la communication. Depuis le début de l’année, nous organisons des soirées d’information pour expliquer ce que nous faisons. Des soirées qui ne sont pas toujours faciles, mais nécessaires. C’est d’ailleurs pour cela que le nombre de bureaux – entre 800 et 900 – n’a pas été arrêté de manière définitive. Nous voulons ainsi bénéficier d’une marge de manœuvre.
Notez également que cette restructuration se terminera en 2020, ce qui laisse trois ans pour discuter, trouver des solutions et adapter notre plan de départ. Preuve que nous écoutons ce que l’on nous dit, nous avons déjà proposé des améliorations.

Lesquelles?
Par exemple que nous nous engageons, d’ici à quelques mois, à distribuer les journaux en abonnement jusqu’à midi au plus tard là où il n’y a pas de distribution matinale. Ou que nous offrirons la possibilité de faire des versements en espèces à domicile dans les cas où il n’y a plus de bureau postal. Nous augmenterons les possibilités de dépôt pour des PME.
Ces mesures nous coûteront 20 millions de francs. Sans oublier que, très souvent, les agences postales proposent des horaires plus étendus que les bureaux. Pour les besoins de tous les jours, elles présentent beaucoup de qualités. On me dit souvent que le postier est le dernier point de contact qui reste dans un village. Le boucher, le boulanger, l’épicier sont partis. Et maintenant, ce serait le tour de la poste. Non, nous ne disparaissons pas, mais nous nous adaptons. Les agences permettent d’ailleurs parfois de maintenir des structures comme des petits magasins.

Admettez qu’une agence n’offre pas non plus tout ce que propose un bureau…
C’est vrai, on ne peut pas tout faire. Mais quelle est l’alternative?

Les maintenir…
Là, on a un problème de volume. En une année, les versements aux guichets ont diminué de 5,4% et le nombre de lettres de 3,8%. Cette baisse induit un déficit d’au moins 130 millions pour les offices postaux. A terme, nous ne pouvons plus maintenir la même structure.
Partant de là, il existe trois solutions: 1) augmenter les prix, ce qui provoquerait peu d’enthousiasme; 2) diminuer l’offre, comme réduire les heures d’ouverture; 3) réclamer des subventions, ce qui n’est pas dans ma ligne politique et qui n’est pas une solution sur la durée. Nous essayons alors de nous adapter au besoin des clients. Vous savez, ce sont très souvent les mêmes gens qui nous critiquent, qui commandent par internet et qui veulent être livrés le jour même.

Cela dit, les particuliers, les entreprises font part de leur insatisfaction. Même les politiciens s’en mêlent pour demander la suspension de votre plan d’action. N’est-ce que pas là, la preuve que les solutions que vous proposez ne sont pas si bonnes que cela?
Je pourrais répondre par une autre question: que faire d’autre? Un moratoire, comme certains le demandent, n’a jamais réglé un problème. On attendra deux ou trois ans et, d’ici là, la situation aura empiré. Ne rien faire en espérant que ça ira mieux n’est pas responsable. Davantage d’emplois seront alors menacés. Les habitudes des clients ont changé, c’est un fait.

Acceptez-vous l’idée qu’une commune ou le canton subventionne les offices postaux afin de les maintenir?
Ce serait une erreur. On aboutirait à une poste à deux vitesses avec des communes qui auraient les moyens de le faire et d’autres pas. Et ça tiendrait combien de temps? Au bout d’un moment, les gens se demanderaient si cela est juste de payer 50 000 francs pour le bureau postal.

Vous avez parlé des versements et des lettres en diminution. Mais les paquets, eux, augmentent de 5,7%, non?
Oui, mais les marges sont minimes sur ce marché. Nous sommes très exposés à la concurrence nationale et internationale. Des géants comme Amazon peuvent décider de se lancer dans la livraison à domicile, aussi en Suisse. Et, ce jour-là, ils n’auront pas besoin de gagner de l’argent sur le transport, puisqu’ils font déjà leurs marges sur les produits qu’ils vendront. ■

 

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«Nous avons besoin de réaliser des bénéfices»


Vous parlez de la nécessité de restructurer alors que La Poste réalise des bénéfices importants…
En 2016, nous avons dégagé un bénéfice de 560 millions. Mais nous en avons besoin. D’abord, parce qu’une entreprise qui n’en fait plus ne survit pas à la longue. Et avec ces bénéfices, nous finançons un service universel d’une grande qualité dont il faut rappeler qu’il est pris en charge par La Poste à raison de 360 millions de francs par année.
La distribution des journaux, elle, nous coûte plus de 70 millions de francs, sans que nous recevions une subvention pour cela. Et puis, il y a les investissements, à hauteur de 450 millions de francs l’année dernière.

En quoi consistent-ils?
Nous avons d’abord besoin d’infrastructures performantes pour nos centres de tri et de distribution. Entre 50 et 60 millions leur sont consacrés. Pour être concurrentiels, nous devons aussi nous développer. Avec SwissPostSolutions, par exemple, nous proposons la gestion complète de documents.
Nous voulons faire partie des leaders en Europe en matière de numérisation. Depuis 167 ans qu’elle existe, La Poste suisse est gage de qualité, mais aussi de confiance. D’autres domaines sont appelés à se développer. Nous procédons à des essais, par exemple pour le transport par drone de médicaments d’un hôpital à l’autre.
Tout cela nous permettra de générer de nouveaux chiffres d’affaires, de rester concurrentiels et de pouvoir continuer à remplir notre mission de base.
Sans omettre que nous avons aussi des impératifs à remplir, vis-à-vis de notre caisse de pension ou de la Confédération. Cette dernière reçoit d’ailleurs 200 millions de dividende en plus des impôts.


Au rythme où les choses évoluent, que restera-t-il de La Poste dans dix ans?
Il y aura toujours des lettres, des paquets à distribuer. Tout comme il faudra de gens pour les trier et les acheminer. Tant que nous sommes aussi bons, voire meilleurs que les concurrents pour acheminer des marchandises, nous ne risquons pas grand-chose. Prenez le marché des paquets: il est ouvert, mais en restant performants, on est toujours numéro un.

Cela va faire une année que vous êtes président de La Poste suisse. Que lui avez-vous amené?
Certainement une expérience sur le plan politique. Je connais les rouages de ce pays et je possède un bon réseau. Cette entreprise nécessite une certaine polyvalence au vu de la multiplicité des acteurs (autorités de surveillance, syndicats, communes, cantons, Confédération). Je pense aussi avoir un sens développé des responsabilités vis-à-vis de nos 60 000 collaborateurs, dont 2200 apprentis. Je suis un défenseur du service public, convaincu qu’il doit rester fort, mais un service public qui répond aux besoins de notre temps. Il faut que, dans dix ans, cette Poste soit toujours à la pointe. JG

Commentaires

Et les 20 % d'augmentation des dirigeants fin 2016, quelle est la stratégie?

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