«J’ai pris tous les boxeurs qu’on a voulu mettre face à moi»

| jeu, 27. jui. 2017

Deuxième volet de notre série consacrée aux moments clés dans la carrière des sportifs avec le boxeur Mauro Martelli, cinq fois champion d’Europe. Etabli à Semsales, le Vaudois revient sur sa carrière, et sur les hauts et les bas qui ont façonné sa vie. Derrière les plaisanteries et la bonne humeur, le boxeur se livre sans esquive.

PAR KARINE ALLEMANN

«Quand je suis monté sur le ring face à Alfonso Redondo, j’ai vu une statue. Une statue musclée, avec des bras tellement puissants que, quand j’esquivais ses coups, ça m’enrhumait. Il gagnait souvent par k.-o., mais j’avais su qu’il était asthmatique. Alors je voulais tenir jusqu’au 8e ou au 9e round pour faire la différence ensuite. A la 10e reprise, j’en ai pris une qui m’a vraiment sonné. A la 11e, c’est moi qui l’ai touché et Redondo a été compté par l’arbitre. Au dernier rond, je savais que le combat était pour moi. A la fin, j’étais tellement content que j’ai tout balancé au public qui m’avait soutenu: mon short, mes gants, mon peignoir… J’ai juste gardé mon slip!»
Le 25 juin 1987 à Palexpo, devant plus de 4000 spectateurs, Mauro Martelli est devenu champion d’Europe de boxe. Il avait 22 ans. «Je suis le plus jeune champion d’Europe de l’après-guerre. Georges Carpentier avait été sacré à 17 ans», glisse le Vaudois établi à Semsales depuis 2010. Il défendra victorieusement son titre à quatre reprises encore, pour devenir avec le Fribourgeois Fritz Chervet le boxeur le plus titré de Suisse.
Beau comme un acteur hollywoodien, Mauro Martelli a connu la gloire, l’argent et la foule qui l’acclame. Il a aussi connu la faillite, les gens qui se détournent et une vie qu’il faut reconstruire. Roi de l’esquive à ses heures de gloire, celui qui travaille désormais dans la construction comme surveillant de chantier n’esquive aucun sujet. S’il ne peut s’empêcher de faire le pitre au moment de la séance photo, s’excusant d’un large sourire qui envahit un visage étonnamment bien préservé malgré les coups, il se fait plus grave, sensible, quand vient le moment d’évoquer ses enfants, les trois femmes qu’il a épousées et la pression qu’il s’infligeait pour ne jamais décevoir son public.
«Gamin, j’aimais Bruce Lee, Mohamed Ali et Marvin Hagler. Mais, mes parents ne voulaient pas me payer des cours de sport de combat. Alors j’ai commencé une école de magie et de prestidigitation. J’ai même fait des spectacles avec Alain Morisod au piano. A 15 ans, en apprentissage, j’ai pu me payer les cours moi-même. Je suis devenu champion d’Europe professionnel de full-contact à 18 ans.»
Une année plus tard, une fracture au bras le fait changer de voie. «L’assurance n’a pas voulu payer les frais d’hôpital, car le full-contact était considéré comme un “acte téméraire”. Alors je suis passé à la boxe anglaise.»
Après 12 combats amateurs, le poids welter (68 kg environ) passe professionnel et entame une ascension fulgurante, qui le verra prendre sa retraite à 26 ans, avec un total de 41 combats pros pour 38 victoires, dont 13 par k.-o.. «Un sportif est à son apogée entre 24 et 28 ans. Mais, je m’étais prouvé ce que j’avais à prouver. Je n’ai jamais triché à l’entraînement, j’ai pris tous les boxeurs qu’on a voulu mettre face à moi. C’est ce qui m’a fait progresser aussi vite. J’ai été classé 6e mondial. Mais, les coups qu’on reçoit, c’est autant de lésions. J’ai toujours pensé que j’arrêterais assez tôt.»
A ses débuts, Mauro Martelli combattait deux fois par mois. Et, entre 1987 et 1988, il a remporté cinq combats pour le titre européen en une année. Un record en soi. «Je prenais peu de coups. J’avais une sorte de science du ring qui me permettait d’esquiver. Et, dès le 8e round, c’est moi qui asphyxiais mes adversaires. Je n’étais pas un puncheur à la Mike Tyson, qui pouvait mettre k.-o. sur un coup. J’étais un frappeur, qui donnait des coups à répétition.»


Arrivée à Malley en Rolls-Royce
Le Vaudois souhaite mettre un terme à sa carrière après son cinquième titre européen. Son entourage le persuade de disputer un championnat du monde. Le 14 octobre 1988 à Lausanne, il affronte le champion en titre, le Jamaïcain Simon Brown. «Je me souviens être arrivé à la patinoire de Malley en Rolls-Royce, les organisateurs devaient faire s’écarter la foule. J’avais l’impression d’être le Michael Jackson de Lausanne!»
Jusqu’à lors, le Jamaïcain avait remporté tous ses combats par k.-o.. «J’ai tenu les 12 rounds, mais je n’ai jamais réussi à trouver la faille. C’était lui le champion. Je suis quand même fier, parce que nous ne sommes que deux boxeurs à être restés debout face à lui.»
Une nouvelle fois, le Vaudois veut mettre un terme à sa carrière. «Après ce que j’avais réussi contre Brown, on m’a persuadé de retenter le coup. J’ai affronté l’Américain Mark Breland une année plus tard. J’ai perdu par arrêt de l’arbitre au deuxième round. J’ai pris un coup sur la pointe du menton, ça a éteint la lumière. Si on regarde le match, on voit qu’avant cela, j’avais déjà pris 40 coups au visage. 40 coups! J’ai vraiment regretté d’avoir infligé ça au public. Cette fois, c’est moi qui n’ai pas voulu arrêter là-dessus. Alors j’ai encore disputé une dizaine de combats, mais un ressort était cassé.»
Mauro Martelli s’avoue volontiers un brin nostalgique. «De temps en temps, j’aime bien regarder mes combats sur youtube, surtout avec mes enfants. Chaque combat a été important, je ne pourrais pas n’en retenir qu’un seul. En fait, mon plus beau moment, c’est ma vie toute entière, que j’ai placée sous la protection de Dieu. Je suis fier de ce que j’ai fait et d’avoir pu boxer pour mon pays. Je n’ai aucun regret, car la boxe m’aide encore aujourd’hui et, avec elle, je suis allé jusqu’où je pouvais aller.» ■

 

------------------------

 

Les cinq titres européens


Mauro Martelli se souvient bien de ses cinq combats remportés pour le titre de champion d’Europe, avec à ses côtés son entraîneur de toujours à Morges, Sergio Meneguzzi.
Alfonso Redondo (Espagne), le 25 juin 1987 à Palexpo. «Nous avions fait une belle offre financière à Redondo, à qui nous avons proposé 100000 francs, tandis que ma bourse était de 20000 francs. Quand j’ai gagné, je ne réalisais pas vraiment.» (lire aussi ci-dessus).
Erwin Heiber (Allemagne), le 9 octobre 1987 à Morges. «C’était un vieux briscard qui mettait des coups de tête et des coups de coude. J’avais un œil tout gonfle. J’ai remis beaucoup de pression au 12e round et j’ai gagné aux points.»
Jean-Marie Touati (France), le 26 décembre 1987 à Martigny. «Mon premier adversaire fausse-patte (gaucher). Tout est différent, il faut notamment faire attention au foi, qui est sur sa gauche. J’ai bien su gérer ce combat.»
Antoine Fernandez (France), le 4 mars 1988 à Genève. «II avait 30 combats et autant de victoires. Un sacré puncheur, qui est d’ailleurs devenu champion d’Europe après moi. Il m’a sonné au 4e round. Mais on est allés au bout, ce fut un combat très dur.»
Efisio Galici (Italie), le 4 juin 1988 à Gagliari. «Il comptait 22 combats, 22 victoires par k.-o.. J’étais sûr que j’allais perdre le titre. En plus, là-bas, on n’était pas à l’abri que, même k.-o., ils le relèvent pour le déclarer vainqueur… Galici m’a fait très mal. Comme j’esquivais et je courrais beaucoup, les 10000 spectateurs se sont mis à chanter, c’était incroyable. Quand j’ai été déclaré vainqueur, Galici m’a porté sur ses épaules. Il a reconnu que j’avais été meilleur et il a mis un terme à sa carrière. On a fini tous les deux à l’hôpital. Moi avec 10 points de suture et lui avec une tête pas possible. Quel combat! On avait imprimé un rythme de fou durant les 12 rounds. C’était le choc des titans.» KA

Commentaires

Très bon article qui détaille bien son histoire! J'ai vu un article similaire sur boxeanglaise.net aussi!

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses