Aux Charmeysans de décider s’ils soutiendront leur tourisme

| mar, 18. jui. 2017

Les conclusions du rapport de l’audit demandé par l’Etat et l’ARG sont désormais connues: les remontées mécaniques de Charmey continueront de perdre entre 300 000 et 500 000 francs par an. Il revient à la commune et aux citoyens de Val-de-Charmey de définir si ce déficit est supportable ou non. Le couperet tombera à l’assemblée de décembre.

PAR SOPHIE ROULIN

La pérennité de la société n’est pas assurée. Telle est la conclusion de l’audit réalisé à la demande de l’Association régionale la Gruyère (ARG) et du canton sur la situation financière, d’exploitation et de gouvernance de la Société télécabine Charmey-Les Dents-Vertes, en Gruyère SA. La situation peut en revanche être améliorée pour ramener la perte annuelle à un «niveau acceptable pour le contribuable». La balle est à nouveau dans le camp de la commune de Val-de-Charmey et surtout de ses citoyens.
«Il n’existe pas de solution miracle», a expliqué Claude Gremion. Avocat spécialisé dans les questions de gouvernance, il comptait parmi le trio de mandataires avec Stephan Müller, spécialiste en finance, et Pierre Besson, directeur de Télé-Villars-Gryon-Diablerets SA. «Dans toutes les hypothèses que nous avons étudiées, pour des raisons structurelles et conjoncturelles, la société continuera à faire des déficits.»
Six scénarios différents – dont un fonctionnement uniquement estival ou une station avec le Rapido Sky pour seule installation – ont été analysés par les trois spécialistes. Ils constatent que «des économies potentielles peuvent permettre de stabiliser une perte annuelle entre 300 000 et 500 000 francs, mais pas de garantir un résultat positif.» Ils y sont allés de leurs propositions pour améliorer la situation (lire ci-dessous).


Inquiétudes de l’Etat
Pour Olivier Curty, directeur de l’Economie et de l’emploi, les conclusions de cet audit sont inquiétantes: «Repositionner la station prendra du temps et la viabilité économique ne sera pas atteinte.» Or, l’Etat n’est prêt à soutenir les travaux nécessaires au renouvellement de la concession que si la pérennité de la station est assurée (La Gruyère du 13 mai). «Cette condition ne sera atteinte que si la commune accepte de couvrir le déficit annuel», souligne le conseiller d’Etat.
Malgré tout, le canton comme l’ARG ont accepté de financer les travaux urgents, sans lesquels le Rapido sky ne pourrait pas rouvrir pour la saison hivernal. Cette première étape coûtera 200 000 francs et sera financée solidairement par les partenaires impliqués. «Dans deux saisons, c’est-à-dire à la mi-2019, la société devra tirer un bilan et prouver sa pérennité si elle entend toucher le reste de la somme.» En tout, les travaux coûteront 1,1 million de francs.


Pour maintenir l’emploi
Reste que pour pouvoir exploiter cet hiver, la station aura besoin de liquidité. «Nous proposerons vraisemblablement une contribution de 600 000 francs à l’assemblée du budget, en décembre», indique Yves Page, syndic de Val-de-Charmey. «L’année suivante, on espère que ce sera 500 000 francs, avec un concept sérieux de développement touristique à l’appui.» Un projet de stratégie venait d’être soumis aux mandataires de l’audit et il devra l’être encore aux autorités touristiques régionale et cantonale. Avant de connaître les avis de ces différentes instances, il était trop tôt hier pour en dire plus.
Les Charmeysans, qui ont fait savoir qu’ils n’étaient plus d’accord d’éponger les déficits chroniques des remontées mécaniques – en moyenne 815 000 francs ces sept dernières années – vont-ils continuer de soutenir leur tourisme? «On est confiants, répond Yves Page. Une grande partie de notre économie dépend du tourisme. Avec la lex Weber, le secteur de la construction s’affaiblit. Et l’agriculture ne fait plus vivre nos villages depuis longtemps. Si on veut des emplois à Charmey, il faut soutenir ce secteur.» ■

 

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«Pas une chasse aux sorcières»


L’objectif de cet audit n’était pas de chercher des responsables à la situation actuelle des remontées mécaniques charmeysannes. Le préfet Patrice Borcard l’a rappelé en préambule au point presse d’hier: «Nous voulons comprendre les raisons de cette situation pour trouver des pistes d’amélioration. Ce n’est en aucun cas une chasse aux sorcières.»
Le rapport d’audit n’a d’ailleurs pas été rendu public. «Il aurait fallu caviarder trop de noms et cela aurait rendu le texte incompréhensible», note le préfet. Mais les constats et les recommandations des trois mandataires ont été communiqués. Et ils sont sans appel.
Au niveau financier, l’audit relève que les charges de personnel n’ont pas été maîtrisées ces dernières années, même si une amélioration a eu lieu pour la saison 2016-2017. Les coûts de marchandises liés au restaurant sont plus élevés que les bonnes pratiques du secteur. Une inconstance des coûts fixes est également signalée. Quant aux prix de vente, ils sont «nettement inférieurs aux pratiques du secteur».
Pour améliorer les choses, les mandataires préconisent de réorganiser la structure vers davantage de professionnalisation et de flexibilité. La station devra aussi s’aligner avec les bonnes pratiques des domaines concernés. Autres suggestions: rendre le parking payant et ajuster le prix de vente moyen.
En ce qui concerne la gouvernance de la société, l’audit relève un organigramme inadapté, sans directeur, avec un responsable technique jeune qui mériterait un appui. Il souligne aussi l’absence d’un spécialiste du domaine au sein des organes dirigeants et la «focalisation du conseil d’administration sur le court terme urgent et opérationnel plutôt que sur la stratégie de fond».
Les remèdes: recomposer un conseil d’administration (CA) de 5 à 7 membres, expérimentés et d’horizons différents; nommer un administrateur délégué avec de l’expérience dans le domaine, en appui au jeune responsable technique ou un directeur au poste partagé avec d’autres sociétés de la commune ou de remontées mécaniques; ne garder que deux postes d’encadrement fixes (un responsable technique et un responsable administratif).
D’un point de vue technique, un constat essentiellement: les installations téléportées sont plus coûteuses. Mais quand elles sont là, il faut faire avec. Dans un premier temps, l’audit recommande de ne faire que les travaux d’urgence, nécessaires au renouvellement de la concession.
Quant aux pistes stratégiques, les mandataires conseillent une ouverture vers les autres sociétés de remontées mécaniques. Ils insistent également sur la nécessité de «déployer une stratégie de différenciation, en coordination avec le tourisme régional». En d’autres mots, Charmey doit se trouver une identité propre. SR

 

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