La Corrida, cette confrontation où seule la place compte

| sam, 18. nov. 2017

Habitués à courir contre le chrono, les athlètes de l’élite abordent la Corrida bulloise avec une seule priorité: le classement final. Parmi les favoris au départ ce samedi, le Genevois Julien Wanders parle de l’atmosphère de confrontation propre aux courses en ville.

PAR QUENTIN DOUSSE

Durant toute l’année, ils courent après le temps. Chassant la moindre petite seconde, voire centièmes pour certains en quête de minimas. Et puis, d’un seul coup, ils doivent totalement oublier leur chrono pour ne penser plus qu’à une seule chose: le rang à l’arrivée. Qu’ils soient marathonien, spécialiste des 10 km ou même pistard, tous se retrouveront dans cette configuration de course ce samedi après-midi, au départ de la 42e Corrida bulloise. «A Bulle, on se fout complètement de notre temps. C’est un combat d’homme à homme où il n’y a que la gagne qui importe», certifie le Genevois Julien Wanders, 4e l’an dernier et parmi les candidats à la victoire cet après-midi (départ à 16 h 55).
Dans la Grand-Rue bulloise règne depuis toujours cette atmosphère particulière de confrontation. Serrée et disputée jusqu’au dernier tour, jusqu’à l’emballage final lors de certaines éditions. Le scénario avec un coureur-fugitif, à la manière d’un Günther Weidlinger, demeure bel et bien une anomalie dans l’histoire de l’épreuve gruérienne.


Comme un championnat
Et il est peu probable de voir la tendance s’inverser, au vu du plateau une nouvelle fois dense et équilibré présent cet après-midi. Avec le tenant du titre Patrick Ereng, Julien Wanders, deux trouble-fête marocains (Bouqantar, Talbi) et plusieurs autres Africains au départ, la confrontation s’annonce des plus indécises sur le pavé bullois. Une incertitude propre aux courses en ville et qui fait le charme de la Corrida bulloise: «Dans l’approche, elle ressemble à une épreuve de championnat, note le fougueux Julien Wanders (21 ans). Chacun possède sa tactique et il faut s’attendre à tout. Si tu as la tienne bien en tête, ce n’est pas déstabilisant.»
Si cette configuration à suspense – souhaitée et entretenue au fil des ans par les organisateurs – est indispensable pour susciter l’intérêt du public, elle modifie quelque peu l’approche pour le coureur. Qui ne se prépare pas tout à fait de la même manière à défier frontalement l’adversaire plutôt que son seul chronomètre. «Les confrontations sont à la base de la course à pied, poursuit Julien Wanders. Je les entraîne au Kenya durant mes séances de fartlek (n.d.l.r.: jeu de variation d’allure) sur des 200 mètres. Après, ce n’est jamais comparable à la compétition. Ces courses en ville sont donc de bonnes expériences pour apprendre cette gestion tactique. Même si j’ai déjà réalisé des progrès, cela me prendra quelques années encore.»


Une lutte aussi mentale
Outre la bataille physique, la lutte entre les cadors a aussi lieu sur un plan mental. Un aspect que l’espoir du Stade Genève travaille quotidiennement par la sophrologie. «Des exercices de respiration et de méditation me permettent d’être plus serein et confiant face à la pression. Après, il n’est pas bon de trop y réfléchir non plus.»
Reste que ces luttes en ville comportent aussi une forme «d’intimidation». Celle-ci commence dès l’échauffement. Les uns et les autres se scrutent, tentant de jauger la forme de l’adversaire avant même le coup de pistolet. Puis, sitôt les premiers «tours de chauffe» effectués, les plus intrépides y vont de leurs attaques, vrai tour de force ou coup de bluff dans certains cas. L’an dernier, ces changements de rythme avaient eu raison de la ténacité de Julien Wanders, qui s’estimait «un peu juste pour s’accrocher» alors qu’il découvrait la boucle gruérienne.
«A Bulle, les nombreuses relances rendent cette course encore plus nerveuse qu’à Bâle ou à Genève (l’Escalade). Je la connais désormais et j’ai réalisé un pas en avant par rapport à mon niveau de 2016. Je n’aurai ainsi pas peur de tenter de nouvelles choses», promet celui qui n’est plus à qualifier d’espoir de la discipline. N’a-t-il pas signé, le 8 octobre dernier en Afrique du Sud, le nouveau record de Suisse des 10 km (28’13)?


Booster sa confiance
Pour les coureurs élites, sortir vainqueur de la Corrida permet à la fois d’envoyer un signal à leurs adversaires et de booster leur capital-confiance. Précieux bonus pour ces athlètes qui, pour la plupart, se recroiseront ces prochaines semaines dans les autres rendez-vous urbains de Suisse. La Corrida bulloise offre également un premier point de repère intéressant sur le plan physique. «Cela te conforte dans le contenu de ton entraînement. Et sur ce genre de course, battre un coureur qui possède de meilleures références indique que tu as franchi un autre niveau.»
Voilà qui tombe bien: cet après-midi, Julien Wanders se mesurera notamment à Soufiyan Bouqantar, un Marocain de 24 ans qui vaut 13’14’’06 sur 5000 m. Soit vingt-trois secondes de moins que lui. L’arène des confrontations vous est ouverte messieurs. ■

Corrida bulloise, courses enfants dès 10 h 40, départ élite dames à 16 h 15, élite hommes à 16 h 55

 

 

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Régionaux aussi à la fête


S’ils ne peuvent parler de réelle confrontation avec l’élite, les coureurs régionaux invités sont chaque année enjoués à l’idée de se «mêler» à la fête et de profiter de l’ambiance dans la Grand-Rue. Attendus respectivement aux rangs de meilleur Fribourgeois et de meilleur Sudiste, Andreas Kempf et Jérémy Schouwey évoquent leurs attentes liées à ce rendez-vous toujours
à part dans leur calendrier.

Andreas Kempf (Heitenried, 29 ans, 14e en 2016 à 1’34 du vainqueur): «La tête de course, je l’accompagne seulement sur le premier demi-tour (rires). Après quoi je cherche immédiatement à me placer au sein du groupe des meilleurs Suisses. La gestion est particulière: il faut essayer de se cacher sur les six premières boucles en restant toujours attentif à la position des autres. J’aime bien ce petit jeu tactique dans ces courses au rang. Mentalement, c’est assez différent. Après, de par mes objectifs, je ne suis jamais à 100% de ma forme à Bulle et cette course représente plutôt un bon entraînement. L’atmosphère avec le public est toujours incroyable ici. Et la Corrida est aussi intéressante par ses primes versées aux meilleurs Suisses et Fribourgeois. Les sommes restent modestes, mais c’est agréable de gagner un petit quelque chose.»

Jérémy Schouwey (Villars-sous-Mont, 25 ans, 37e en 2016 à 4’08): «C’est un privilège de figurer au départ avec de tels coureurs. Cette invitation représente une récompense et une belle reconnaissance pour ma saison. L’an passé, j’avais du mal à réaliser. Ce qui m’avait le plus impressionné? L’allure des meilleurs. Il faut vraiment y être confronté pour s’en rendre compte. Hormis l’objectif de terminer à nouveau meilleur régional, je cours aussi dans l’idée de me “faire un nom”. Malgré ma progression rapide durant cette saison, je remarque que je ne suis pas connu dans le milieu. La Corrida est donc la bonne occasion de sortir une course référence, avec les médias présents notamment. Cela pourrait aussi me permettre d’être convié au départ de certaines compétitions élite dans d’autres cantons, comme la Corrida d’Octodure à Martigny (n.d.l.r.: où il a gagné samedi dernier l’épreuve populaire).» QD

 

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