«Mettre des mots sur des événements et des émotions»

| jeu, 14. déc. 2017

Alain Berset présente sa vision de la fonction de président de la Confédération et revient sur son parcours politique. Le Conseil d’Etat fribourgeois le reçoit aujourd’hui pour fêter son élection. Le train spécial du conseiller fédéral s’arrêtera jeudi à Guin, Belfaux, Fribourg et Bulle.

PAR XAVIER SCHALLER

Alain Berset, vous avez été élu président de la Confédération le 6 décembre avec 190 voix sur 210, l’un des meilleurs scores qu’ait réalisé un socialiste…
Ce score me fait plaisir, mais je ne vais pas le surestimer. Ce qui est important dans une élection, c’est qu’à la fin quelqu’un soit élu ou pas.

De membre de la Constituante fribourgeoise en 2000 à président de la Confédération en 2018, quel regard portez-vous sur votre parcours politique?
Mon destin personnel m’importe assez peu. La vraie question est: que faire quand on a la passion du débat politique chevillée au corps? On peut s’engager au niveau local dans des sociétés, ce que j’ai beaucoup fait étant jeune. On peut s’engager dans la politique communale, ce que j’ai fait aussi. On peut s’engager au niveau cantonal – vous avez parlé de la Constituante – ou au niveau fédéral. Quelque part, c’est toujours le même type d’activité: s’investir pour des idées, pour organiser ou pour faire bouger.
Quant au parcours, il est souvent lié à un développement que l’on ne peut pas prévoir. Il n’y a pas non plus un mérite personnel derrière tout ça. C’est une question d’engagement, de possibilités, d’envie.

Avez-vous toujours imaginé faire de la politique?
Non, je n’ai pas rêvé de ça toute ma vie. J’ai simplement eu l’occasion de m’engager pour un projet qui m’intéressait, la révision de la Constitution fribourgeoise. J’avais 27 ans, j’étais déjà actif politiquement et il y avait une place sur une liste.
Participer à cette assemblée cons-tituante reste l’une des plus belles choses que j’aie faites dans ma vie politique. Après, une fois que l’on est dans ce type de débat et que l’on aime ça, on va forcément continuer. Je me souviens par exemple de ma première interview politique importante. C’était avec La Gruyère, lors du premier tour pour le Conseil d’Etat en 2003.
Cela a vraiment commencé comme ça. Plus jeune, j’avais d’autres ambitions, d’autres envies.

Sportives notamment?
Mais oui. On peut en rigoler un peu parce que je n’ai jamais été très loin dans le sport. Mais j’ai vraiment eu un intérêt très marqué pour cela. Après j’ai fait des études, j’ai voyagé un peu… Mais sans trop savoir où cela allait me mener. Etre très ouvert, très curieux de ce que la vie nous réserve, je pense que c’est une assez bonne manière d’appréhender les choses. A la fin, le plus important est d’être heureux.

Vous êtes-vous appuyé sur votre famille pour mener votre carrière?
Pas politiquement. On s’est développés ensemble dans cette situation particulière, mais, et c’est très important pour moi, on parle très peu de politique à la maison. Des fois, mes fils, le plus grand notamment, voudraient en savoir plus sur certains dossiers. Je leur dis parfois: «Ecoutez, j’ai passé ma journée là-dedans. On parle un peu d’autre chose?»

Avec la charge de travail supplémentaire liée à la présidence, comment allez-vous vous organiser avec votre famille?
Difficile à dire. Je ne pense pas que ce sera une révolution, mais je reste particulièrement attentif à concilier vie de famille et vie professionnelle. Pour moi et pour l’ensemble de la population.
Les grandes évolutions qu’il a fallu opérer en famille, c’est quand j’ai commencé la politique active et à mon entrée au Conseil fédéral.

En parlant d’enfants, les écoliers fribourgeois auront congé le 22 décembre. Un seul jour pour deux présidents, ne vont-ils pas être déçus?
Avec la présidence de Dominique de Buman au Conseil national et, de mon côté, la présidence de la Confédération pour 2018, c’est une situation très particulière. Et il y a cette tradition de donner congé aux élèves. Nous n’avons pas souhaité compliquer les choses. Nous nous sommes coordonnés et cela s’est réalisé avec l’Instruction publique fribourgeoise. En tant que père de famille, je suis conscient que changer l’organisation familiale à si court terme peut être assez compliqué. Mais j’espère que ce vendredi de congé juste avant Noël permettra aux parents d’organiser plus facilement de belles fêtes en famille.

Quelle touche personnelle allez-vous donner à cette fonction présidentielle principalement honorifique?
Je pense que je peux influencer le climat politique. J’ai beaucoup insisté sur ce point lors de mon discours devant le Parlement, pour rappeler que l’on travaille en équipe. Conduire des discussions, aider à trouver un compromis ou une réponse à certains éléments, l’activité présidentielle exige de porter attention au fonctionnement de l’ensemble du collège gouvernemental.
C’est aussi une fonction importante dans le pays pour expliquer, accompagner le débat intérieur, mettre parfois des mots sur des événements ou des émotions. De manière à ce que toute la population soit impliquée.
Le dernier élément, ce sont les relations internationales où le président a une fonction de représentation, que ce soit en Suisse ou à l’étranger.

Vous parlez de travail d’équipe. Mais avec un Gouvernement de plus en plus à droite, est-ce qu’il n’est pas plus difficile d’y travailler en tant que socialiste?
Dans la population ou dans les discussions, il y a un besoin de positionner le Conseil fédéral. J’ai toujours eu un peu de peine avec cela. Je n’arrive pas à dire, comme vous, que le Conseil fédéral est plus à droite maintenant qu’il y a quatre ans.
Tous les jours, nous recherchons ensemble des solutions à des problèmes très concrets. Et cela ne s’organise pas simplement sur un axe gauche-droite. Il y a une culture du débat et de la discussion très forte au Conseil fédéral, même si j’avais entendu autre chose avant d’y entrer.

Comment analysez-vous le non à la réforme de la prévoyance vieillesse du 24 septembre? Que changeriez-vous si c’était à refaire?
Je pourrais faire une analyse du non, mais elle serait très partielle et partiale. Il y a des scientifiques qui ont fait l’analyse Voto. On peut la lire et se faire une idée des causes du rejet. A la fin de la campagne, le débat sur quelques éléments a créé une certaine insécurité, ce qui a conduit à un non. C’est le jeu démocratique. Aujourd’hui, la question est comment pouvons-nous poursuivre le travail, pour résoudre de manière un peu différente le problème. Recommencer à zéro serait faux.

On parle tellement des réformes de la prévoyance vieillesse et de la santé que l’on oublie les autres offices de votre département. Avez-vous d’autres gros dossiers dont on ne parle presque pas?
Si vous saviez comme cette question me fait plaisir. Effectivement, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) est très diversifié. Il est composé de dix offices dans des domai-nes parfois très différents les uns des autres. D’ailleurs, Ruth Dreifuss disait que le DFI est tellement vaste qu’il y a toujours quelque part quel-que chose qui va bien. C’est un peu la réalité que je vis aussi. Je citerais l’égalité hommes-femmes qui représente une question extrêmement importante, notamment sous l’angle de l’égalité salariale ou de la lutte contre la violence domestique. La météo est un domaine à succès, avec l’application Meteoschweiz qui a encore reçu un prix la semaine dernière.
Il y a encore la statistique, un très gros office, qui offre une base de décisions pour tout le pays. La culture aussi, les archives fédérales ou encore l’Office de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.
Si vous prenez l’ensemble des activités du DFI, vous vous rendez compte qu’elles touchent toutes directement la vie des gens. C’est aussi pour ça que c’est un département si intéressant.

Malgré tout l’intérêt que présente ce département, un autre pourrait-il vous intéresser, vous qui êtes un jeune conseiller fédéral?
Nous verrons bien. J’ai beaucoup de plaisir à la tête du DFI. Sur la question des départements, nous avons toujours essayé de faire une répartition qui permette à l’équipe de fonctionner le mieux possible. On ne vient pas au Conseil fédéral comme au marché en disant «moi je veux ceci, moi je veux cela». ■

 

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Le train d’Alain Berset à Bulle

Jeudi dès 12 h 30, Alain Berset arrivera dans le canton pour fêter son élection à la présidence de la Confédération pour l’année à venir. Un train spécial s’arrêtera d’abord à Guin et à Belfaux, le village du conseiller fédéral. Il repartira à 15 h 05 pour Fribourg où auront lieu l’acte officiel, au théâtre Equilibre, et une rencontre avec la population sur la place Jean-Tinguely.
Les Gruériens pourront également participer à la manifestation, puisque Alain Berset est attendu à la gare de Bulle à 18 h 30. La population pourra ensuite le rencontrer à Espace Gruyère jusqu’à 19 h 15 – heure où la circulation sera rétablie entre ce lieu et la gare. «C’est un immense plaisir pour moi d’emmener toute la délégation, toute la fête jusqu’en Gruyère, indique le conseiller fédéral. C’est quelque chose que j’ai souhaité depuis le début et l’un des rares éléments auxquels je tenais vraiment. Les fêtes qui ont eu lieu ces dernières années s’arrêtaient à Fribourg. Cette fois-ci, j’ai souhaité que l’on puisse venir à Bulle pour la soirée, la partie la plus festive.»
Une façon pour lui de célébrer le dynamisme du sud du canton. «Le Sud et Bulle en particulier représentent ce développement démographique très fort qu’a connu Fribourg ces dernières années. C’est quelque chose qui a accompagné ma vie politique, car j’étais au Parlement quand, grâce à l’évolution de sa population, le canton a gagné un siège au Conseil national.» XS

 

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