Les cendres de bois entre déchets et engrais

sam, 13. Jan. 2018

Une nouvelle version de l’ordonnance fédérale sur les déchets est actuellement en consultation. Entré en vigueur en 2016, le texte de base exigeait que les cendres issues des chauffages à bois soient traitées.

PAR XAVIER SCHALLER

Que faire des cendres des chauffages à bois? Considérées comme de riches engrais dès l’Antiquité, elles sont classées déchets dangereux depuis que l’Ordonnance fédérale sur la limitation et l’élimination des déchets (Oled) est entrée en vigueur, en janvier 2016. Mais le texte, qui exigeait d’onéreux traitements des cendres n’a jamais été appliqué et, après des mois de négociation entre l’Office fédéral de l’environnement et la filière du bois-énergie, une nouvelle mouture du texte est actuellement en consultation.
Si les cendres ont maintenant si mauvaise presse en Suisse, c’est surtout à cause du chrome hexavalent ou chrome VI, un oxyde de chrome extrêmement toxique. Dans sa première version, l’Oled exigeait que toutes les cendres soient débarrassées de ce métal avant entreposage. Un règlement qui posait plusieurs problèmes.
«Le prix pour gérer une tonne de cendres serait passé de 50 fr. à quelque 240 fr.», note Richard Golay, responsable romand pour Energie bois suisse, la faîtière de la «chaleur issue de la forêt». D’autre part, cela concernait l’ensemble des chauffages, du simple poêle de salon à la grande centrale de chauffe. Or, une seule installation, dans le canton de Bâle, était en mesure d’effectuer l’opération de réduction du chrome VI en chrome III non toxique. La mesure n’a donc pas pu être appliquée et une période transitoire de cinq ans a été décrétée, à partir de l’automne 2018.


Traitement aux oubliettes
Dans la nouvelle version de l’Oled, en consultation jusqu’au 4 février, il n’est plus question de traitement. L’élimination se fait avec les ordures ménagères pour les petites quantités – dans le canton, jusqu’à 600 litres de cendres refroidies. Pour les grandes installations, celles-ci sont stockées avec les déchets dangereux en catégorie D, avec les mâchefers des usines d’incinération d’ordures ménagères. «Le traitement que proposait la Confédération n’était pas parfait, explique Richard Golay. Et en mélangeant les cendres avec des mâchefers, le chrome VI se transforme aussi, au contact des oxydes de fer, en chrome III.»


Des situations différentes
Si passer de déchet inerte à déchet dangereux a un coût, celui-ci est bien moindre que le traitement: le prix de la tonne passe de 50 fr. à quelque 90 fr. Parmi les gérants de chauffages à distance (CAD) du sud du canton, certains sont déjà prêts, d’autres vont profiter de la période de transition.
Acteur majeur, Groupe E Celsius gère 42 réseaux de chauffage à distance, dont 29 au bois comme celui de Romont. «La gestion des cendres chez nous est très simple, explique Steve Hablützel, chef de projet. Elles sont évacuées par l’entreprise Hubert Etter, dans des camions aspirateurs étanches. Avant, elles étaient acheminées dans différentes décharges pour déchets inertes. Depuis que la nouvelle ordonnance est en vigueur, elles vont toutes en type D, à la décharge de Châtillon, à Posieux.»
Le surcoût n’est pas supporté par le client final, car les contrats permettent une indexation selon le prix de la matière première, mais pas pour les changements de réglementation. «Il y a donc très clairement une diminution de notre marge.»


Quelques milliers de francs
Chaque réseau à sa propre organisation. Suivant les contrats passés avec les fournisseurs de bois, l’évacuation des cendres est comprise ou non. A Châtel-Saint-Denis par exemple, la gestion du chauffage à distance a été confiée à Genossenschaft Elektra Baselland (EBL). «Mais la gestion des cendres est à la charge de la commune», note Julien Rey, responsable énergie au Service technique de la commune.
«Mais ce ne sont pas des sommes énormes, tempère Richard Golay. On parle de quelques milliers de francs par an. Pour un réseau où 10 000 m3 de bois sont annuellement brûlés, comme celui de Châtel-Saint-Denis, c’est de l’ordre de 3000 francs par an.»
A Bulle, c’est Gruyère Energie SA qui gère le CAD, il n’y aura pas de changement. «Nous sommes déjà conformes et une taxe de mise en décharge exis-te», explique François Caille, responsable maintenance et exploitation des sites de production. La première version de l’ordonnance ne l’a pas inquiété outre mesure: «On a tout de suite vu qu’elle ne pourrait pas être appliquée telle quelle.»


La piste de l’engrais
Le surcoût généré par les cendres pourrait n’être que temporaire. L’Agroscope de Changins, dans le canton de Vaud, étudie depuis 2011 les effets agronomiques de l’épandage des cendres sous foyer. Une pratique traditionnelle, qui n’est plus permise dans l’agriculture suisse.
«En France, plus de la moitié des cendres sont utilisées ainsi», note Richard Golay. Il souligne que ni ce pays ni l’Allemagne ni l’Autriche ne s’inquiètent du peu de chrome VI présent dans les cendres issues du bois naturel.
La valorisation de plusieurs types de cendres riches en phosphore comme engrais est d’ailleurs exigée par l’Oled. Comme le précise le site de l’OFEV, «le phosphore contenu dans les eaux usées, les boues d’épuration et les cendres devra, dès 2026, être récupéré et faire l’objet d’une valorisation matière. Les nutriments ainsi obtenus pourront servir à produire des engrais de recyclage.»
Un projet existe déjà pour les cendres de boues d’épuration, selon Richard Golay. «Les cendres de bois constituent un engrais de qualité similaire voire supérieure.» ■

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