Lasse, Marie Garnier quitte le Conseil d’Etat

jeu, 09. nov. 2017
POLITIQUE. Réélue il y a un an à peine, la conseillère d’Etat Marie Garnier démissionne. La directrice des Institutions, de l’agriculture et des forêts dénonce un climat malsain. L’affaire de la préfecture de la Sarine, dans laquelle la Verte est soupçonnée de violation du secret de fonction, a agi, selon elle, comme un déclencheur. PAGE 3 CHLOÉ LAMBERT

CHLOÉ LAMBERT
POLITIQUE. Réélue il y a un an à peine, la conseillère d’Etat Marie Garnier démissionne. La directrice des Institutions, de l’agriculture et des forêts dénonce un climat malsain. L’affaire de la préfecture de la Sarine, dans laquelle la Verte est soupçonnée de violation du secret de fonction, a agi, selon elle, comme un déclencheur. 

«Je démissionne pour voir la lumière au bout du tunnel»

La conseillère d’Etat Verte Marie Garnier annonce sa démission pour le 30 avril 2018.

Elle dénonce un climat malsain qui l’a vidée de son énergie. «L’affaire de la préfecture de la Sarine a été le déclencheur», explique-t-elle.

L’élection complémentaire devrait avoir lieu en mars.

POLITIQUE. «Le moment est venu pour moi de mettre un terme à mon mandat au Conseil d’Etat.» C’est une bombe qui a éclaté hier après-midi dans le ciel politique fribourgeois. Elue en décembre 2011, réélue en novembre 2016, première Verte à accéder au Gouvernement, Marie Garnier (55 ans) jette l’éponge. D’entente avec la Chancellerie, elle quittera ses fonctions le 30 avril 2018.

La Villaroise dénonce «un climat malsain», «une charge qui a pesé sur elle et sur sa famille de manière insoutenable.» Et si elle démissionne, ajoute-t-elle, «c’est pour voir le bout du tunnel».

Les larmes aux yeux

Marie Garnier n’en peut plus. Fatiguée, vidée de son énergie. Hier, elle avait par moments les larmes aux yeux, ce qui ne l’a pas empêchée d’adresser quelques piques. A-t-elle été assez soutenue par ses collègues du Gouvernement? «Joker», répond-elle. Et par le Parti socialiste? Joker aussi…

A ses côtés, Bruno Marmier, président des Verts fribourgeois, insiste sur la coalition de droite qui a cherché à la déboulonner lors des dernières élections. «La plus grande alliance électorale jamais construite dans ce canton l’a été pour lui ravir son siège. Depuis qu’elle a entamé son année présidentielle, en 2016, la lutte contre elle a été permanente», déplore Bruno Marmier.

Alors oui, reprend-elle, «l’affaire de la préfecture de la Sarine a été le déclencheur». Le procureur Fabien Gasser, qui souhaite l’entendre dans le cadre d’informations confidentielles livrées à la presse, a demandé la levée de son immunité (lireci-dessous). Une situation qui l’affecte. «A l’époque, j’ai dit au procureur que cette affaire se solderait par une démission.»

Mardi prochain, le Grand Conseil doit justement se prononcer sur ce cas. Pense-t-elle y couper en annonçant sa démission? Elle ne le sait pas. «La procédure continue et je m’y soumettrai avec la certitude de n’avoir causé aucun tort», répond-elle. Et d’ajouter, amère: «Je regrette profondément qu’une conseillère d’Etat doive dépenser autant d’énergie pour ce très petit jeu politique au détriment de l’intérêt public.»

Dans sa déclaration, Marie Garnier a dressé un état des lieux de son action à la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF). Elle se dit «très fière d’être la première femme Verte à être entrée au Conseil d’Etat fribourgeois». Mais estime l’avoir payé cher. «C’est beaucoup plus difficile que d’être un homme venant d’un parti de la majorité. Pour moi, les années ont compté double.»

Le choix de Marie Garnier place son parti dans une situation inconfortable. Les Verts réussiront-ils à sauver leur siège? Pas sûr. «J’avais de toute manière averti mon parti que je n’irai pas au-delà de ce deuxième mandat», se défend-elle.

Président des Verts, Bruno Marmier ne lui en veut pas. «Pour un petit parti comme le nôtre, le danger est permanent. Nous serons prêts en mars 2018, avec une forte personnalité. Une femme dans l’idéal», explique-t-il.

Le premier tour est prévu le 4 mars et le second le 25 mars. Dans les partis, l’agitation est revenue comme le naturel: au galop. La droite, qui visait cinq sièges il y a une année, ne veut pas rater une si belle aubaine. Sauf que l’entente UDC-PLR-PDC n’a pas permis à l’UDC de retourner au Gouvernement.

A gauche, des questions se poseront. Le Parti socialiste lancera-t-il un candidat, ce qui réduirait les chances des Verts? Bruno Marmier n’y croit pas: «Le PS occupe déjà deux sièges. Je ne pense pas qu’il revendiquera un troisième siège. La gauche ne serait alors représentée que par un seul parti. Or, la gauche qui gagne est une gauche plurielle.» ■


Un parcours atypique

PARCOURS. Au sein d’un Gouvernement où trois grands partis se partagent les principales responsabilités, Marie Garnier présente un parcours atypique. Première conseillère d’Etat Verte, elle est élue en 2011 sans être passée par le Grand Conseil. Membre de la Constituante de 2000 à 2004, puis conseillère communale de Villars-sur-Glâne, elle profite du départ de l’indépendant Pascal Corminboeuf pour intégrer le Gouvernement.

La Verte reprend la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF). Elle peine toutefois à convaincre. Son style direct, maladroit à l’occasion, crispe. Au Grand Conseil notamment, où elle ne peut bénéficier du soutien d’un groupe important. Pourtant élue deux fois sur une liste de gauche, elle ne cache pas une position assez centriste sur les questions économiques. De quoi hérisser ses alliés du Parti socialiste.

Ce désamour, exacerbé par la perspective prochaine du renouvellement des autorités, se ressent lors de son élection à la présidence du Conseil d’Etat en 2015. Au premier tour, le Grand Conseil donne davantage de suffrages à la socialiste Anne-Claude Demierre. Au second tour, Marie Garnier est élue avec seulement 53 voix sur 93.

Pendant toute la campagne en vue des élections cantonales, la Verte subit une forte pression du centre droit qui ne cache pas ses velléités de ravir un cinquième siège, le sien de préférence. Elle est pourtant réélue, s’offrant le luxe, comme en 2011, de passer devant Anne-Claude Demierre. Pendant son premier mandat, elle coordonne le déménagement à Posieux de la station fédérale de recherches Agroscope. Sur l’impulsion du Grand Conseil, elle modifie la loi afin de faciliter la fusion du Grand Fribourg. Sur le plan institutionnel, elle trouve une solution pour le regroupement des cercles électoraux de la Glâne et la Veveyse.

Vives tensions

Cette législature commence mal pour la Verte. Après des mois intenses de campagne, elle est directement plongée dans le vif du sujet avec la révélation des tensions qui l’opposent au préfet de la Sarine Carl-Alex Ridoré. Le Conseil d’Etat la dessaisit d’une partie du dossier, réagissant à la parution d’un audit interne transmis à la presse par la conseillère d’Etat.

La justice s’en mêle et une enquête est ouverte par le Ministère public. En août, le procureur général demande la levée d’immunité de Marie Garnier. Le Grand Conseil doit se prononcer mardi prochain, mais la commission spéciale nommée pour examiner cet objet a d’ores et déjà rendu un préavis positif.

Dans le même temps, les députés reprennent la main dans le dossier des tâches des préfets et lancent, par voie de motion, une révision attendue depuis des années.

La directrice des Institutions, de l’agriculture et des forêts part, alors qu’elle vient de faire aboutir plusieurs chantiers: la révision de la Loi sur la péréquation financière intercommunale, la nouvelle Loi sur les finances communales et la modification de la Loi sur le droit de cité fribourgeois. DM


Les partis fourbissent déjà leurs armes

RÉACTIONS. Tous les partis, ainsi que le Gouvernement, se disent surpris de la démission de Marie Garnier. Si la compréhension et la langue de bois dominent concernant la démissionnaire, les critiques ne sont jamais loin.

Benoît Piller, PS. «Marie Garnier avait prévenu qu’elle se retirerait à la fin de la législature. Je n’avais pas pressenti que ce serait avant.

»Ce siège de gauche a été gagné grâce à une alliance. Nous devons regarder avec nos partenaires et trouver une personne pour relever ce défi. Mais peut-être qu’il n’y aura pas de défi. La répartition actuelle représente bien le canton. Dès lors, est-il raisonnable pour la droite de contester ce siège?

»Dans un souci de transparence, le PS était favorable à la levée de l’immunité de Marie Garnier. Une faute a été commise et toute la lumière doit être faite.»

Ruedi Schläfli, UDC. «Une démission n’est jamais une chose réjouissante, car cela veut dire qu’il y a eu un manquement. L’UDC est surprise par le timing, mais pas sur le fond. Ces derniers mois, on voyait Marie Garnier fragilisée, tant physiquement que mentalement. Je n’ai pas l’impression que l’UDC se soit acharnée. Bien sûr, nous nous sommes montrés critiques, mais elle a accumulé les maladresses et a creusé sa propre tombe.

»Présenter un candidat ou pas? Nous allons regarder les réactions au sein du parti. Mais on ne peut pas dire qu’on veut un siège et, si une opportunité se présente, ne pas y aller.»

Sébastien Dorthe, PLR. «Notre parti n’a jamais attaqué frontalement Marie Garnier. Nous avons toujours respecté la présomption d’innocence, mais nous sommes en droit d’attendre que les institutions fonctionnent.

»Le bureau du parti va faire un état des lieux et déterminer l’intérêt pour le PLR de présenter quelqu’un. Pour cette élection complémentaire, la gauche partira peut-être partagée. Des discussions vont avoir lieu entre les membres de l’entente de droite une fois que chacun aura sa propre analyse de la situation.»

André Schoenenweid, PDC. «Nous avons beaucoup d’empathie pour la démissionnaire. Elle vit des moments très difficiles et un échec personnel. Bruno Marmier, président des Verts, a parlé de cabale politique. Ce n’est absolument pas le cas. Jamais le PDC n’a mené d’action contre Marie Garnier.

»Tout reste ouvert, mais, a priori, le parti ne présentera pas de candidat à sa succession. Pas question pour autant de rester en retrait, à un an et demi des élections fédérales.»

Maurice Ropraz, président du Conseil d’Etat. «Le Gouvernement a pris connaissance avec regret de la démission de Marie Garnier. Il la remercie pour son grand engagement et salue sa contribution à la cause écologique.

»Elle était très affectée par la procédure en cours et les relations conflictuelles avec la préfecture de la Sarine. Nous l’avons sentie moins enthousiaste.

»Le Conseil d’Etat a soutenu Marie Garnier de manière collégiale. A sa demande, j’ai notamment repris le dossier de la gestion du personnel de la Sarine. Mais ce n’est pas le rôle du Gouvernement de s’immiscer dans des procédures de la justice ou du Grand Conseil.» XS

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