L’œil du tigre, le moment venu...

| jeu, 19. avr. 2018

PAR KARINE ALLEMANN

La question est de savoir comment Rémi Bonnet, son gentil sourire et son air un brin détaché, peuvent réussir dans un sport où il faut s’arracher, se faire mal, dépasser les limites pour battre ses adversaires. Car, à discuter avec le Charmeysan, sportif professionnel et favori de la Patrouille des glaciers, rien ne semble le mettre dans le stress. A-t-il quand même la niaque, le fameux œil du tigre au moment de s’élancer pour une course? La question le fait sourire, encore… «Oui, j’arrive à me motiver, à ne penser plus qu’à la course. Mais c’est juste que je ne le montre pas, ça reste dedans. On doit rester le plus confiant possible, alors il faut rester calme. Et ne pas faire une obsession de ce que l’on mange, de notre matériel, du planning jusqu’au départ… Ça rend parano. Je pense qu’une de mes forces est que, en dehors du sport, je reste quelqu’un de tout à fait normal.»

Autre fait particulier chez Rémi Bonnet: gagner n’est pas la motivation principale. Il pourrait faire sienne une phrase du gardien de la Juventus Gigi Buffon: «Se battre est beaucoup plus beau que vaincre.» «C’est vrai que j’aime la compétition, sinon je ne ferais pas de courses. Mais j’aime surtout quand il y a de la bagarre, c’est le plus joli. Je préfère terminer troisième avec deux bons coureurs devant moi que faire toute la course seul en tête et finir avec vingt minutes d’avance. D’ailleurs, samedi, je pense qu’il y aura une belle bagarre entre les équipes suisses, italiennes et françaises.»

C’est donc un Rémi Bonnet détendu, sympa et souriant qui évoque, à deux jours du grand départ, les duels en haute altitude qui l’attendent entre Zermatt et Verbier. Pour celui qui a remporté le petit parcours en 2014 alors qu’il était junior, il s’agira d’une grande première sur le tracé d’origine.

Quelle a été votre préparation ces derniers jours?

Ce week-end, avec l’équipe de Suisse nous avons effectué le parcours sur deux jours, pour voir les conditions. Elles sont vraiment top! Si ça reste comme ça, un nouveau record est possible (le chrono le plus rapide a été établi en 2010 en 5 h 52’20). Comme nous allons courir entre 3 h et 9 h, la neige sera encore bien dure, malgré la chaleur annoncée. Du coup, il y aura moyen d’aller très vite.

Et quel est le programme jusqu’au départ?

Ces dernières semaines, nous avons fait beaucoup de volume et beaucoup d’altitude. Maintenant, la récupération, le repos et le sommeil sont plus importants que l’entraînement. Je fais une sortie par jour de 1 h à 2 h, puis jeudi nous partons pour Zermatt avec toutes les équipes suisses. Vendredi matin, ce sera une sortie de 40 minutes pour prendre l’air après le contrôle du matériel.

Sur les réseaux sociaux, quand vous évoquez vos deux partenaires du Swiss Team 1 Werner Marti (Berne) et Martin Anthamatten (Valais), vous parlez toujours de Theperfectteam. En quoi estelle parfaite cette équipe?

Nous sommes très homogènes, nous nous sommes beaucoup entraînés ensemble et nous nous comprenons sans nous parler. Collaborer entre membres d’une équipe, c’est surtout bien s’entendre et savoir quoi faire quand l’un de nous est moins bien. Et les deux autres sont vraiment cool: ils sont un peu comme moi, ils ne se stressent pas tellement. Pour faire une bonne patrouille, il faut être copains. Sinon, l’aventure peut s’avérer très pénible.

Comment fonctionne le trio, qui en est le patron?

Werner, c’est un des plus gros moteurs du ski-alpinisme mondial. Il a quelques lacunes en descente mais, à la Patrouille, elles ne sont pas difficiles. Donc ce ne sera pas un problème. Martin, lui, est vraiment complet. C’est quelqu’un qui amène énormément de confiance à l’équipe. En plus, il est guide de montagne, il sait comment s’organiser pour skier encordés. Il possède le record sur la Patrouille et il connaît vraiment bien le parcours. C’est là qu’il habite. Du coup, Werner et moi, on n’a qu’à suivre.

Et vous, quel est votre rôle?

Sportivement, on a quasiment le même niveau, alors ça devrait bien aller. Sinon, personnellement j’essaie toujours d’encourager les autres quand ça ne va pas. Après, on a décidé de laisser Martin Anthamatten devant, c’est lui qui va gérer la course. Par exemple, si c’était moi devant, je partirais trop vite. Car les courses longues comme celle-ci, c’est nouveau pour moi.

L’équipe italienne composée de deux anciens vainqueurs (Boscacci et Eydallin en 2014) est votre concurrente principale, non?

Oui en effet, avec les Français Bon Mardion et Gachet, qui font équipe avec l’Autrichien Hermann. Ça se jouera sûrement entre nous trois. Mais les Italiens occupent les rangs 1, 2 et 3 du classement individuel de la Coupe du monde…

Dès lors, comment les battre?

La Patrouille, c’est complètement différent d’une course de Coupe du monde, qui dure 1 h 30. Et on a l’avantage de bien connaître le terrain. On aura du monde sur le parcours pour nous ravitailler. En plus, ils viennent parce qu’ils ont l’obligation de participer avec l’armée italienne. Ce n’est pas leur objectif principal. Même si, bien sûr, samedi ils vont tout donner. Et ils sont très forts.

La course principale ayant été annulée en 2016, il s’agira de votre première sur le grand parcours. Comment imaginezvous cette Patrouille des glaciers?

Je m’attends à une belle bataille, jusqu’au bout. Je ne vois pas une équipe s’imposer facilement. Pour moi, je devrai gérer la notion de distance car, en effet, c’est une première. Sinon, honnêtement, le parcours n’a rien de particulier et il n’est pas très intéressant. C’est une traversée, presque toujours toute droite. Il ne requiert pas une grande technique. Mais c’est sûr que, pour un Suisse, la course est mythique. C’est souvent la seule que les gens connaissent, quand on parle de ski-alpinisme. Mais je ne crois pas que c’est la course d’une vie.

La victoire reste l’objectif, non?

Bien sûr! Quand on se lance dans une course, c’est pour gagner. Surtout, ce serait une superbe aventure à vivre avec mes coéquipiers, un très beau souvenir qui restera en tête pour toujours.


Les petits détails pour faire la différence

Rémi Bonnet n’est pas quelqu’un de maniaque, notamment en ce qui concerne son matériel. «C’est vrai que ça m’a parfois joué des tours», sourit-il, promettant d’être plus méticuleux à l’avenir. Reste qu’au sein du Swiss Team, on préfère ne pas trop s’en remettre au hasard. Explications.

Le ravitaillement: «Les entraîneurs de l’équipe nationale seront sur le parcours et on a tous dû trouver du monde, de la famille et des amis. Le ravitaillement sera composé uniquement de boissons sportives, tenues à température ambiante.»

Le changement de lampe: «Le règlement impose une lampe par coureur. Mais, après Zermatt, la première montée ne nécessite pas un gros phare. Dès lors, nous partons avec une petite et, au sommet, quelqu’un nous donne une grande lampe pour la descente, que nous collons grâce au velcro qui se trouve sur notre casque, ainsi qu’une batterie dans le sac à dos. Puis, on la rend à Arolla et on repart avec une petite lampe.»

L’alimentation: «Je ne fais pas de régime particulier. Avec tout le sport qu’on pratique, c’est important de se faire un peu plaisir et de ne pas se montrer trop strict avec soi-même. Personnellement, trois jours avant la course, je vais juste faire attention à manger des pâtes ou d’autres glucides à chaque repas. Même le matin de la course, je déjeune tout à fait normalement. La nourriture, il ne faut pas en faire une obsession.

Apprendre de ses erreurs: le Charmeysan l’admet volontiers, cette saison ponctuée «seulement» de podiums espoirs en Coupe du monde n’est pas celle dont il rêvait. «Je n’ai pas été au top, c’est vrai. Mais je pense que ça arrive dans une carrière. En début de saison, j’ai sans doute fait trop d’entraînements en altitude et j’étais fatigué pour les courses. J’apprends chaque année de mes erreurs, car je préfère m’organiser moi-même. Je préfère fonctionner ainsi, car pour moi c’est important de garder du plaisir. Sinon, ça ne marcherait pas. Mais je sens que la forme remonte, ce qui est très bien pour la Patrouille!» KA


D’autres Gruériens dans l’élite

Séverine Girard/Paola Cavalli/Claudia Stettler: «On va donner le meilleur de nous-mêmes et essayer de rester homogènes durant toute la course, mais nous n’avons pas d’objectif précis. J’ai la chance de participer avec deux filles qui ont de l’expérience», se réjouit Séverine Girard.

David Brodard/Maxime Brodard/Romain Guillet: «Normalement, la forme est bonne. En tout cas, on a tout fait pour que ce soit le cas», présente Maxime Brodard, qui rêverait d’un chrono en dessous de 7 h.

Didier Moret/Gilles Moret/David Moret: «On est dans les startingblocks! On se réjouit beaucoup de cette traversée, en espérant que la chaleur annoncée n’empêche pas le coup d’envoi», souffle l’ancien vainqueur Didier Moret qui, avec ses frères, serait très heureux de terminer en 7 h 30.

Patrick Fragnière/Michaël Crausaz/Damien Bapst: «Pour l’instant, il n’y a ni bobo ni malade, nous n’aurons aucune excuse, sourit Patrick Fragnière. On s’est inscrits un peu sur le tard, mais comme nous avons participé à toutes les épreuves des Grandes Courses, nous avons été repêchés. Nous serions très heureux de terminer dans les 7 h 30.»

Annoncé dans la course élite avec Marcel Theux, Steven Girard ne prendra pas le départ, le duo n’ayant pas trouvé de coureur pour compléter l’équipe. KA


RÉSULTATS DE LA PREMIÈRE COURSE

Eugénie Tornay et Eloi Schornoz en 7 h 31

Le coup d’envoi de la Patrouille des glaciers a été donné dans la nuit de mardi à mercredi. Lors de l’épreuve reliant Zermatt à Verbier, les Sudistes Eugénie Tornay et Eloi Schornoz, accompagnés par le Valaisan Florent Bolis, ont réalisé le deuxième temps en 7 h 31. A noter que l’équipe composée de la Gruérienne Anne Favre a remporté la course féminine du jour en 9 h 41. Entre Arolla et Verbier, le trio composé de François Glasson, Jonas Schouwey et Loïc Oberson s’est classé 5e en 3 h 55. Loïc Michel, Robin Monnard et Antoine Perrottet ont fini 6es en 3 h 58. Les Charmeysannes Joëlle Livache, Agathe Overney et Nicole Beaud se sont classées premières féminines en 4 h 58. VAC Zermatt - Verbier: 1. Yannick Gundi, Markus Julier, Matthias Imsand 7 h 07; 2. Eugénie Tornay, Eloi Schornoz, Florent Bolis 7 h 31; puis: 7. Jérôme Rossier, Lionel Nanchen, Patrick Sauthier 8 h 16; 20. David Cordey, Vincent Butticaz, Yvan Crettenand 9 h 14; 27. VanjaKistler, Anne Favre, Emily Vaudan (1re patrouille féminine) 9 h 41; 39. Daniel Devaud, Daniel Ryter, Pierre-Alain Saudan 10 h 17; 53. Jean-François Barbey, Bernard Roch,Charles Saudan 11 h 08; 55. Marcel Butty, Stéphane Eltschinger, Xavier Butty 11 h 11; 61. Valérie Cottens,Valérie Bugnard, Laure Baudois 11 h 20; 62. Jérôme Epiney, Laurent Schaller, Nathaniel Kleiner 11 h 22;
90. Patrick Behn, Julien Leyvraz, Nicolas Mory 12 h 21; 95. Lionel Gosteli, Guillaume Fasel, Christophe Bastino12 h 30 – 204 équipes classées.

Arolla - Verbier: 1. Anthony Bonvin, Marc Bonvin, Didier Bonvin 3 h 40; puis: 5. François Glasson, Jonas Schouwey, Loïc Oberson 3 h 55; 6. Loïc Michel, Robin Monnard, Antoine Perrottet 3 h 58; 8. Bertrand Chenaux, Nicolas Chenaux, Philippe Chenaux 4 h 12; 9. Ludovic Riedi, Alexandre Zahnd, Nicolas Birchmeier 4 h 13; 10. Marc-Aimé Vernier, Christophe Montavon, Nicolas Montavon 4 h 13; 16. Marcel Pugin, Jacques Rouiller, Benoît Bourqui 4 h 41; 18. Marc Slinger, Christophe Baron, Céline Kritter 4 h 45; 25. Joëlle Livache, Agathe Overney, Nicole Beaud (1re patrouille féminine) 4 h 58; 26. Maxime Jaquier, Marc Jaquier, Florian Prélaz 5 h 04; 27. Vincent Python, Sébastien Brodard, Cédric Marchon 5 h 05; 30. Marcel Talamona, Pierre-André Magnin, Vincent Meia 5 h 05; 44. Louis Christe, Arthur Macherel, Antoine Christe 5 h 23; 48. Joël Baeriswyl, Guillaume Julmy, Stéphane Broillet 5 h 26; 49. Alexandre Bovet, Johann Jaggi, Olivier Gloor 5 h 26; 53. Stéphane Oberson, Christophe Waeber, Jean-Luc Roulin 5 h 29; 65. Katja Landgraf, Kaspar Schwendimann, Adrian Köppel 5 h 33; 77. Laura Matti, Philippe Décotterd, Jean-Claude Matti 5 h 39; 81. François Bossel, Bernard Maeder, Guy Perroud 5 h 41; 82. Bertrand Leuenberger, Christian Genilloud, Claude Besson 5 h 41; 84. Toni Wolf, Guillaume Chevallaz, Pascal Roh 5 h 44; 87. Stéphane Maret, Jean-Jo L’Homme, Gilles L’Homme 5 h 46; 88. Daniel Cotting, Marc Vonlanthen, Benoît Villermaulaz 5 h 46; 89. Olivier Jemmely, Frédéric Bifrare, Joël Perritaz 5 h 46 – 374 équipes classées.

Les organisateurs ne fournissant par les domiciles des participants mais uniquement les cantons, les équipes composées d’au moins un Fribourgeois figurant parmi les cents premières sont signalées dans ces classements.

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