«Ne pas trahir un héritage fait d’innovations et d’adaptations»

jeu, 14. juin. 2018

PAR SOPHIE ROULIN

Elle est née pour faire passer la fée Electricité dans les rues de Bulle, en 1893. Depuis, ses activités se sont diversifiées. Après l’éclairage public et privé, Gruyère Energie et ses ancêtres (lire ci-dessous) ont accompagné le développement de la région. Misant souvent sur l’innovation, elle n’a cessé d’ajouter des compétences à sa palette. Cette fin de semaine, Gruyère Energie SA (GESA) fête ses 125 ans, notamment par une fête populaire.

Le Vuadensois Claude Thürler en est le septième directeur, depuis 2012. Il jette un regard admiratif sur le passé de son entreprise.

Qu’est-ce qui vous étonne le plus quand vous vous penchez sur l’histoire de Gruyère Energie et de ses aïeules?

L’esprit visionnaire qu’ont eu les propriétaires de la société. Ils ont investi dans des services innovants pour le bien des habitants, avec le téléréseau ou avec le chauffage à distance, par exemple. Ils ont aussi osé remettre en question les modèles d’affaires avec un tournant majeur, en 1999, lorsqu’ils ont décidé que les Services industriels de la ville de Bulle (SIB) allaient devenir une société anonyme.

Concrètement qu’est-ce que cela a changé?

Jusque-là toutes les décisions se prenaient de manière «communale», c’est-à-dire qu’elles devaient avoir l’aval du Conseil communal, voire du Conseil général, selon leur importance. Donc devenir une SA a changé la vie de l’entreprise et lui a permis le développement quasi exponentiel qu’on lui a connu ensuite.

L’électricité reste-t-elle essentielle dans vos activités?

On lui doit 40% de notre chiffre d’affaires si on parle uniquement de Gruyère Energie. Si on tient compte de nos sociétés filles, alors cette part descend à 30%. L’électricité est inscrite dans l’ADN de Gruyère Energie, mais son marché subit de telles mutations qu’il est salutaire d’avoir d’autres activités. Ce n’est pas nouveau pour notre entreprise qui, dès sa fondation, a misé sur les services à côté de la distribution.

Quels sont les défis à venir pour votre entreprise?

Les 100 premières années de GESA se sont inscrites dans un monde plutôt stable. Mais ces derniers vingt ans, nous sommes entrés dans une ère de changements continus. Notamment d’un point de vue législatif où certaines décisions, comme l’ouverture des marchés, ont eu un impact énorme sur notre modèle économique.

De plus, la branche ellemême est en pleine mutation. Alors que, jusqu’à récemment, le réseau électrique était unidirectionnel – du fournisseur vers le client – il est aujourd’hui multidirectionnel, avec de multiples unités de production décentralisées.

Sur quels outils misez-vous pour vous adapter à tous ces changements?

Nos métiers liés aux infrastructures ont besoin de personnes compétentes. En ce sens, la formation nous semble essentielle. Notre entreprise s’implique beaucoup, notamment dans la formation d’apprentis, qu’on appuie par des cours. Sur les 224 collaborateurs actuels de GESA, 37 sont des apprentis. Notre société fille Philippe Andrey SA en compte 12 pour 50 employés.

Les formations continues et postgrades ne sont pas oubliées. A l’heure où la pression est énorme sur les prix, notamment dans les métiers du bâtiment, il est indispensable que nos collaborateurs soient à la pointe. Nous devons sans cesse revoir nos processus pour rester concurrentiels et il n’est pas question de sacrifier la qualité ni la sécurité. Nous devons rester une entreprise de référence.

Quid de l’innovation?

Nos prédécesseurs ont été visionnaires et innovants. Ça nous met la pression. Nous devons nous adapter aux nouvelles attentes de notre clientèle par nos produits, mais aussi par notre structure. L’innovation figure dans l’héritage de l’entreprise. Nous ne devons pas le trahir, mais veiller à poursuivre sur cette lancée. ■


Une histoire qui s’accélère depuis 1993

L’histoire de Gruyère Energie SA commence par un conflit. Celui qui opposait les autorités bulloises à leur fournisseur de gaz. La Gruyère du 4 novembre 1891 en faisait état: «L’éclairage plus que défectueux de ces derniers jours devrait engager le Conseil communal à intervenir d’une manière énergique. Les contribuables de Bulle ne paient pas 5000 francs par an pour se casser le nez à chaque coin de rue.»

1890. Les autorités, fascinées par une visite à l’Exposition universelle de 1889, à Paris, s’intéressent à la possibilité de s’éclairer à la lumière électrique. En 1892, les citoyens décident de se tourner vers cette nouvelle énergie. Un projet d’usine électrique est à l’étude pour profiter de l’énergie de la Jogne, au lieudit les Tines de la Tzintre, à Charmey.

1893. Concession en poche, la commune de Bulle lance les travaux de construction en mai. Le 9 se tient le premier conseil d’administration. Il est composé de cinq membres, comme aujourd’hui. La Société électrique de Bulle (SEB) est née. Elle appartient pour moitié à la ville et pour moitié à des propriétaires privés. Le 1er octobre, la cité est illuminée par des lampes électriques, une semaine avant la Foire de la Saint-Denis.

1897. En plus de Bulle et de Charmey, dix autres communes se sont connectées au réseau. La facturation est faite au nombre d’ampoules en fonction.

1900. L’usine de Charmey est agrandie pour faire face aux besoins grandissants. La SEB accompagne le développement industriel de la région.

1948. Le capital de la SEB est entièrement repris par la collectivité publique. La SEB devient le SEB, le Service électrique de la ville de Bulle.

1963. Bulle regroupe son service des eaux et celui de sa distribution électrique. Le SEB devient les SIB, Services industriels de la ville de Bulle.

1971. Décision est prise d’installer une antenne collective et de créer un téléréseau. Une fois la concession obtenue, en 1973, l’antenne est placée à Vaulruz, un câble souterrain assurant la liaison jusqu’à Bulle.

1973. L’aménagement hydraulique– soit le barrage, la prise d’eau, l’amenée et la chambre d’équilibre de la conduite forcée – de Charmey est reconstruit. La capacité de l’usine est plus que doublée.

1993. Les SIB fêtent leurs 100 ans dans le cadre du Comptoir gruérien. Ils comptent 63 collaborateurs. Un livre retrace leur histoire et quelques tranches de celle de la région.

1999. Les SIB vivent une étape majeure en devenant une société anonyme, sous le nom de Gruyère Energie SA (GESA). Alors que jusqu’ici toutes les décisions qui les concernaient étaient communales, avec le cheminement que cela implique entre l’administration, le Conseil communal et le Conseil général, elles deviennent celles d’une entreprise. Sont actionnaires les communes desservies par le réseau électrique de GESA.

Cette année-là, Gruyère Energie s’installe à la rue de l’Etang et quitte ainsi le bâtiment historique de la rue de Vevey 45.

2004. GESA lance le développement d’un chauffage à distance à bois. Quatorze ans plus tard, ce réseau s’étend sur 112 km et alimente quasiment un ménage bullois sur deux. Ce service est devenu un élément majeur au sein des activités de GESA.

2005. Sur l’impulsion de Bulle et de GESA, EauSud SA voit le jour. Un modèle économique assez innovant dans ce domaine voulu dans une perspective de mutualisation des coûts et de mise en commun des ressources et moyens. Le capital est aux mains des trente communes desservies par le réseau d’eau.

2007. Bulle obtient le label de Cité de l’énergie. La mise en place du CAD n’y est pas étrangère. GESA compte 115 collaborateurs.

2012. GESA (180 collaborateurs) sort de son réseau naturel et prend part à la création de netplus Fribourg. Six ans après, le réseau multimédia emploie 42 personnes.

2018. L’entreprise, forte de 224 employés, fête ses 125 ans. SR


Tous les métiers seront de la fête

La population est appelée à fêter les 125 ans de Gruyère Energie ce samedi. Pour l’occasion, une des halles de la rue de l’Etang présentera un village des métiers de l’entreprise. Professionnels et apprentis y feront des démonstrations de leur savoir-faire. Il sera ainsi possible de découvrir les gestes des installateurs-électriciens, des planificateurs-électriciens, des monteurs-automaticiens, des électriciens de réseau, des installateurs sanitaire et des installateurs chauffage.

La centrale de chauffe pourra également faire l’objet de visites.

Côté festif, des concerts du Chœur des armaillis de la Gruyère et du groupe pop-rock Highwood sont au programme. Château gonflable, parcours en Segway, waterbike sur l’étang et baby-foot géant amuseront les plus jeunes et les plus sportifs. SR

Bulle, rue de l’Etang 20, samedi 16 juin, de 10 h à 16 h

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