De si jolis sobriquets aux origines si lointaines

jeu, 05. jui. 2018
La 34e Rencontre des jeunesses gruériennes, de jeudi à dimanche à Marsens, remet en lumière les surnoms des habitants du district, notamment lors des joutes. CHLOÉ LAMBERT

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

Pourquoi qualifiet-on les habitants d’Epagny de mô pigni (mal peignés), ceux des Sciernes-d’Albeuve de pèta-boloche (lance-prunelle) ou ceux de Vaulruz de granta bocha rin dedin (grande bourse, rien dedans)? Certains archéologues du patois ont tenté quelque explication, comme l’abbé François-Xavier Brodard avec ses Malices et sobriquets gruériens, publiés en 1974. En 1982, La Gruyère consacrait déjà une recherche exhaustive sur ces surnoms dans son Echo littéraire. Relisons, pour apprendre pourquoi qualifiait-on alors les habitants du Pâquier d’âno (ânes): «Cette localité comptait jadis parmi ses bourgeois des peintres amateurs. L’un d’eux fut chargé de représenter, sur la bannière paroissiale, l’entrée de Jésus à Jérusalem. A la peinture à l’huile, il esquissa un âne plus vrai que nature. Puis, faute de matériel, il termina son œuvre à l’aquarelle. Hélas pour l’artiste, il devait pleuvoir le jour de l’inauguration.» Magnifique.

Forcément, ces histoires villageoises ont nourri les imaginaires. A l’image des nombreux incendies qui ont marqué le district. A Albeuve, on parle de dzihya-litya (gicleurs de petitlait), parce que les habitants auraient éteint le feu ainsi. Même origine à Marsens et ses chupia-pantè (brûle-chemises) ou à Vuippens et ses tsoudèronpèrhyi (chaudrons percés).

Rien d’étonnant non plus à ce que plusieurs sobriquets soient en lien avec des histoires de chasse. A Botterens, on parlait de tya-tsin (tueurs de chien), parce que certains chasseurs, disait-on, avaient la levée de coude facile et auraient confondu un chien avec un loup… On traitait les gens d’Estavannens de medze-bakon (mange-lard), parce que le lard faisait le bonheur des braconniers pour graisser tant les panses que les fusils.

Brasser le pacot

A Broc, le sobriquet de brâthe-pako (brasse-pacot) est encore usité tant pour le titre du journal de carnaval que pour le nom de la guggenmusik locale, La Pacotière. L’origine de ce surnom remonte au temps où les berges de la Sarine étaient très marécageuses. Les pèlerins qui se rendaient à Notre-Dame-des-Marches étaient obligés de franchir des chemins boueux, de salir leurs souliers et de laisser leurs traces dans la chapelle et ses alentours. Par analogie, les habitants de La Tour-de-Trême étaient appelés lè renalyè (grenouilles), en raison des rives fangeuses de la Trême. Lè krapô (crapauds) bullois revendiquent peut-être la même racine, partagée avec les habitants de Bellegarde. Allez savoir pourquoi.

La pratique religieuse est également à l’origine de certains quolibets. Aussi, on affublait les habitants de Lessoc du surnom de grôchè-tâtsè (grosses sacoches), car les paroissiens devaient se rendre à Broc pour l’office dominical (jusqu’en 1632) et transportaient de quoi se sustenter. Même racine pour lè mithrètè (mitrettes ou petit baquet à crème): jusqu’en 1635, La Roche faisait partie de la paroisse de Pont-la-Ville. La route jusqu’à l’église était longue et éreintante. Là encore, les paroissiens emportaient leur piquenique dans leur mitrette.

L’étymologie de certains surnoms prête parfois à sourire. Pourquoi les habitants d’Enney sont-ils appelés lè roba-mouâ (voleurs de morts)? Un jour, diton, deux hommes ont ramené dans un sac le cadavre d’un braconnier qui aurait déroché dans les Vanils. A leur retour, les deux hommes s’arrêtent à la pinte de Saussivue. Pendant qu’ils s’abreuvaient, des lascars dérobèrent le sac, croyant qu’il contenait un chamois…

D’autres surnoms ont des origines plus obscures. Les Charmeysans sont traités de ku-pèjan (culs pesants) peut-être à cause de leur lente élocution. Mais on les qualifie également de batalyà (batailleurs), certainement en raison des rivalités politiques qui ont fait le lit de leurs rancœurs ancestrales. Non loin, on traitait les habitants de Crésuz de ku-koju (culs cousus) et on laissera le mot de la fin à Georges Brassens: «Que les culs cousus d’or se fassent une raison/C’est pour la bouche du premier venu/Qui a les yeux tendres et les mains nues.» ■


Joutes de plus en plus difficiles

Après un hiver de préparatifs en atelier et un printemps dédié à la construction des infrastructures, la Jeunesse de Marsens est prête à accueillir la foule, dès ce jeudi soir, pour cette 34e Rencontre des jeunesses gruériennes. Nouveauté de cette édition: un bar à vin construit spécialement pour l’occasion. «Nos charpentiers ont fait un boulot de titans, s’enthousiasme Jean-Paul Braillard, président du comité d’organisation. Nous n’avions plus vraiment d’infrastructures “cantonales” à disposition et nous avons décidé de repartir à neuf, sur des bases solides. Parfois, c’est compliqué de monter pour la cinquième fois ce genre de constructions.» Taillée en bonne partie cet hiver, la bâtisse savamment décorée accueillera sans doute «un public un peu plus âgé, des gens de 40 ans et plus, qui cherchent un peu de calme», pour André Brodard, responsable sponsoring et communication.

«La Rencontre des jeunesses attire plusieurs générations et les mentalités évoluent. Ce genre d’endroit convivial va certainement se développer à l’avenir», affirme Jean-Paul Braillard. A noter que le bar à vin a déjà trouvé un repreneur.

Samedi dernier, une cinquantaine de membres de la Jeunesse de Marsens étaient à pied d’œuvre pour régler les derniers détails. Notamment pour tester les jeux inspirés par les sobriquets villageois. Par exemple, les concurrents devront batailler avec des chaudrons percés (le surnom des habitants de Vuippens), tirer des branches de sapin (lè trêna-chignyon de Villars-sous-Mont) ou patauger dans la gadoue et brasser le pacot. Du sommet de la tour, utilisée depuis plusieurs années, les participants descendront par le fameux toboggan et se jetteront dans le vide pour un saut pendulaire qui les verra se prendre dans deux toiles d’araignée géantes (lè j’aranyâ, les habitants de Villars-d’Avry, aujourd’hui Pont-en-Ogoz). «Année après année, les jeux sont de plus en plus difficiles, avoue Baptiste Romanens, l’un des concepteurs. Ici, il faudra du physique et une bonne tête.» CD


Le programme en résumé

Jeudi 5 juillet
17 h. Ouverture de la place de fête.
20 h. Concert de Flavie Léa.
21 h 30. Spectacle d’Abba Mania.

Vendredi 6 juillet
16 h. Ouverture de la place de fête.
21 h 30. Concert d’Edelogerli.

Samedi 7 juillet
8 h 30. Départ du cortège.
9 h. Ouverture de la place de fête.
13 h. Début des jeux.
17 h. Jeux d’ensemble.
19 h 30. Concert de Yodelweiss.

Dimanche 8 juillet
9 h. Ouverture de la place de fête et reprise des jeux.
11 h. Concert de Jacquat Sisters.
11 h 15. Concert de Thorin Schwytzoise.
13 h 30. Jeux des syndics.
16 h 15. Concert de Chälly-Buebe.
17 h 30. Résultat des jeux.

www.rjg2018.ch

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