Bouger, cette autre thérapie face à la mucoviscidose

mar, 30. oct. 2018
Accompagnée de son «ange-bénévole» Tiffany, Charlotte (à droite) a bravé les éléments samedi pour courir son troisième Marchethon. PHOTOS ADRIEN PERRITAZ

Par QUENTIN DOUSSE

MARCHETHON. Au cœur du peloton, deux filles comme les autres. Mais, pour Louise Grand et Charlotte Magnin, prendre part à ce 18e Marchethon revêt une signification bien particulière. Atteintes de la mucoviscidose, les deux jeunes Gruériennes sont venues à Givisiez pour remercier les presque 1000 autres coureurs-donateurs, d’abord. «Je me dois d’être là. Quand je vois toutes les personnes qui ont donné des sous pour moi, c’est énorme», apprécie Louise, 15 ans, soutenue samedi par 316 parrains et la marraine de la manifestation, la freestyleuse rochoise Mathilde Gremaud.

A la valeur symbolique s’ajoute la dimension santé. Pour Louise et Charlotte, l’activité physique est un complément idéal sinon indispensable dans leur thérapie. Pas simple toutefois pour qui voit ses capacités pulmonaires fortement altérées par cette maladie, connue également sous le nom de fibrose kystique. Mais ni le froid ni la pluie n’ont découragé Louise et Charlotte, venues à bout du parcours de 2,5 kilomètres. «Ça m’a fait super du bien», s’exclame Charlotte, 10 ans. Un bien pour la tête, notamment, mais aussi pour le corps. «L’activité physique est importante pour aider à faire sortir le mucus stagnant au niveau des poumons notamment, atteste Mar-co Buser, directeur de la Société suisse pour la mucoviscidose. Bouger est donc fortement conseillé pour ces personnes et permet de stabiliser le fonctionnement des poumons.»

Motivation à stimuler

Au contact régulier des personnes touchées, Marco Buser constate «la difficulté à préserver l’envie et la motivation de faire du sport en raison des difficultés respiratoires». Un défi auquel est directement confrontée Louise. «J’ai parfois la flemme, admet la Vaulruzienne. Je dois éviter les efforts intenses, mais je parviens à suivre le sport à l’école presque comme les autres. Je fais aussi de la marche et un peu de vélo.» L’entourage a également son rôle à jouer pour maintenir une activité ponctuelle. «Il faut régulièrement la motiver, mais Louise est très volontaire. Sa maman l’a par exemple initiée à la marche en montagne», indique son papa Olivier.

Le mouvement rythme également le quotidien de Charlotte, qui pratique la danse et la marche. «Elle aime bouger, même si elle est parfois réticente. Cela dépend aussi de la météo, souligne Nathalie, sa maman. On a pris un chien pour stimuler le mouvement. On sait que l’activité est idéale pour entraîner les voies respiratoires. D’ailleurs, Charlotte joue aussi du cornet dans une fanfare. C’est son autre thérapie.»

L’année dernière, la jeune Bulloise avait bouclé le parcours moyen de 7,5 kilomètres. Pas un mince exploit compte tenu de ses troubles respiratoires, pouvant devenir très handicapants selon les périodes. «On vit les montagnes russes. Certains jours, elle est très vite fatiguée, essoufflée et tousse beaucoup. Avec cette maladie, il est difficile de planifier des choses. Par exemple, on a dû plusieurs fois déplacer son baptême», souffle sa maman Nathalie.

Modèle de courage

L’activité physique est un outil parmi d’autres pour combattre la mucoviscidose, cette maladie génétique et incurable qui touche 1000 personnes en Suisse (dont 50% de mineurs). Aux séances et exercices de physiothérapie (respiratoires notamment) s’ajoutent les prises de médicaments à chaque repas. Jusqu’à 22 pilules par jour pour Louise qui, elle, est principalement touchée au niveau digestif. «Son pancréas n’est pratiquement plus fonctionnel, indique son papa. A cause d’un mucus trop épais, aucun échange ne se fait entre le pancréas et l’estomac. Les médicaments contenant des enzymes permettent à Loulou d’assimiler ce qu’elle mange.» Résolument positive, Louise a appris à vivre avec la «muco», comme elle l’appelle. «J’ai grandi avec depuis l’âge de trois ans. C’est presque devenu normal pour moi. Après, il est vrai que certains regards sont parfois difficiles à accepter. Mais cette maladie m’a permis d’être plus autonome. Je me décourage aussi moins vite face aux obstacles de la vie.» Une vie qu’elle s’efforce de remplir de projets, en dépit d’une maladie où l’espérance de vie est estimée aujourd’hui à 50 ans. «Depuis une année ou deux, je réfléchis beaucoup à mon avenir à plus long terme, confie Louise. En même temps, je me dis que cela ne sert à rien de trop y penser. En revanche, je sais déjà ce que je ferai plus tard: professeur avec les petits, en primaire.» Pour Charlotte par contre, il n’est pas encore l’heure d’anticiper son avenir. Chaque jour apporte son lot de difficultés mais aussi de petits bonheurs. Comme le fut son troisième Marchethon, achevé samedi au sortir d’une cure d’antibiotiques de quinze jours. Le genre d’exploit qui sonne comme une petite victoire dans la vie de Charlotte, détrempée mais parmi les plus souriante à l’arrivée. ■


Orkambi, ce médicament mis en salle d’attente

En parallèle des médicaments broncho-dilatateurs ou anti-inflammatoires, des cures d’antibiotiques, de la physiothérapie respiratoire, voire de la transplantation pulmonaire en cas de détérioration avancée, un nouveau médicament est apparu dans le traitement contre la mucoviscidose: l’Orkambi. «Ce médicament est le premier à traiter la source, et non pas les symptômes, indique Marco Buser, directeur de la Société suisse pour la mucoviscidose. Orkambi n’est pas un remède miracle. Mais il agit sur le fonctionnement des poumons. Il permet d’augmenter leurs capacités de quelques pour-cent et de prolonger ainsi l’espérance de vie. C’est du jamais-vu.» Le médicament a déjà été testé et approuvé en Suisse. Problème: il coûte cher (n.d.l.r.: son prix «officiel» est estimé entre 100 000 et 150 000 francs par patient et par année) et n’est actuellement pas remboursé ni par les caisses maladie ni par l’assurance invalidité, compétente jusqu’à 20 ans dans le cas de la mucoviscidose. «Cela fait deux ans qu’on discute pour définir un prix acceptable, correspondant aux autres médicaments et aux autres pays. Les discussions se poursuivent entre l’Office fédéral de la santé publique et Vertex, le fabricant américain. C’est un long travail. On espère que la situation se débloquera d’ici 2019», déclare Marco Buser. QD


«La maladie, on ne peut pas l’oublier»

La mucoviscidose, chronophage au quotidien par les thérapies qu’elle impose, constitue aussi une épreuve pour la famille proche. A commencer par le moment douloureux du diagnostic. Charlotte avait une année lorsque la maladie a été reconnue. «En un instant, tout s’est écroulé et j’ai vu tout noir. C’était la fin du monde», témoigne Nathalie Magnin.

Si elle s’est peu à peu relevée, le temps aidant, cette maman seule admet avoir du mal à «accepter» la maladie. «On ne peut pas l’oublier et, avec elle, il n’y a pas un seul jour de vacances. Charlotte ne peut pas tomber malade et il faut constamment être attentif à l’environnement pour éviter d’attraper la moindre bactérie. C’est difficile, car les gens ne sont pas toujours attentifs à l’hygiène.» Enseignante à temps partiel, Nathalie Magnin souligne le rôle primordial de l’entourage dans ce combat quotidien. «Pour garder le cap, je me raccroche aussi au sourire et à la bonne humeur de Charlotte», livre la maman en échangeant un regard complice avec sa fille, fatiguée mais radieuse après son Marchethon samedi. «Voir tous ces gens se déplacer malgré la météo, ça donne du courage», apprécie Nathalie.

Gérer les piqûres de rappel

Pour Olivier Grand, papa de Louise, le diagnostic a aussi été vécu comme «une grande gifle. En tant que parent, c’était très dur. Il m’a fallu un temps pour accepter cette réalité. Mais on en a toujours parlé ouvertement avec Loulou.» La maman Stéphanie d’ajouter: «Depuis le temps (n.d.l.r.: la maladie de Louise a été reconnue il y a douze ans), une sorte de routine s’est installée. Mais il y a encore des moments où l’on se trouve directement confrontés à la mucoviscidose. Chez le médecin par exemple, lorsqu’il nous rappelle l’issue de cette maladie. En fin d’année dernière, le décès de Ludivine (n.d.l.r.: la Gruérienne, malgré une greffe des poumons, s’en est allée à l’âge de 27 ans) a été un moment difficile à vivre. C’était une guerrière qui servait d’exemple à Louise.»

En dépit de certains mauvais jours, Olivier Grand s’efforce de voir le verre à moitié plein. «On profite davantage du moment présent en famille, note le Semsalois engagé au comité du Marchethon depuis neuf ans. Cette maladie nous a appris à moins nous projeter dans le futur.» QD

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