PAR CHRISTOPHE DUTOIT

MOBILISATION CITOYENNE. Après la fermeture de la poste il y a quelques années, l’école de Cerniat a vécu en juillet sa dernière clôture scolaire. A la tête du Restaurant de la Berra depuis deux ans, Françoise Brunetti ne cache pas ses difficultés, à l’image des trois tenanciers qui l’ont précédée. De son côté, Nelly Castella, l’épicière du P’tit Marché, a émis le vœu de passer la main pour réorienter sa carrière professionnelle.

«Ça me désolait vraiment d’imaginer que le centre puisse devenir désertique. Un village sans bistrot, c’est triste à mourir», affirme Guy Maradan, Cerniatin expatrié à Fribourg, qui a décidé, avec d’autres villageois, de reprendre les choses en main. Ce vendredi soir, il convie les habitants au Restaurant de la Berra pour une discussion publique et un échange d’idées. «On n’a rien pu faire contre le départ de La Poste et la fermeture de l’école. Mais on peut trouver des solutions pour revitaliser le centre du village, car les bâtiments appartiennent à la commune de Val-de-Charmey. Nous devons être acteurs et maîtres du destin du village.»

Loyer réduit de moitié

Sous son impulsion, le projet d’une coopérative sera présenté demain. «Nous avons lancé un sondage et une quarantaine de personnes se sont dites favorables. Une coopérative est synonyme de solidarité, de proximité et stimule le sentiment d’appartenance, explique Guy Maradan. Au sein d’une coopérative, on peut également partager ses soucis, ce qui a manqué à Françoise Brunetti.» Cette initiative citoyenne a d’emblée reçu un écho positif auprès de la commune de Val-de-Charmey. «Elle a accepté de réduire le loyer du restaurant de 50%. Pour nous donner une chance.»

Eviter la fermeture

«Garder une vie sociale au centre de Cerniat est une priorité pour nous, évoque Yves Page, syndic de Val-de-Charmey. On se rend compte que le fait de tenir ces commerces à deux ou trois personnes est très lourd et nous voyons de manière très positive que les citoyens se mobilisent derrière eux.»

Si le principe est accepté, une souscription de parts sociales de 200 francs sera lancée dans la foulée, pour un démarrage de la coopérative escompté au 1er janvier 2019. «Nous espérons réunir entre 30 000 et 40 000 francs», avoue Guy Maradan. Une somme qui servira, dans un premier temps, à racheter le fonds de commerce à la S. à r. l. Restaurant de la Berra. «Nous voulons absolument éviter la fermeture.» Surtout au moment de la saison de la chasse et bien que l’établissement soit en proie à des difficultés en raison «d’un hiver long et rigoureux et d’un été trop chaud», selon Françoise Brunetti. Le restaurant est apprécié des villageois, mais aussi des gens de passage. On y organise des lotos, des matches aux cartes, même des bals, «car les Cerniatins sont de très bons danseurs, affirme la tenancière. Mais la gestion est difficile, car les clients font peu de réservations: parfois, le carnet est vide et le bistrot est quand même plein.»

La coopérative espère également limiter les charges salariales fixes et travailler avec du personnel sur appel. «Je tiens personnellement à une parfaite égalité de traitement entre hommes et femmes, précise Guy Maradan. En plus, nous exercerons un coaching serré sur la gestion des stocks, les salaires et le chiffre d’affaires.» Une période de transition est désormais ouverte, entre la résiliation actuelle du bail et la reprise par la coopérative. De son côté, le P’tit Marché pourrait se muer en magasin en vrac et devenir davantage une vitrine pour les produits locaux. «Il y a pas mal d’intérêt dans la vallée pour un modèle mixte, à l’image du magasin d’Enney», explique Bruno Clément, conseiller communal de Val-de-Charmey, responsable des bâtiments. «Ce genre de coopératives naissent un peu partout et il est important de combiner les attentes de tout le monde.» ■

Cerniat, Restaurant de la Berra, vendredi 5 octobre, 20 h.
Infos: cooperative.cerniat@gmail.com