Trop sec, trop chaud, le temps met à mal les réserves d’eau

jeu, 18. oct. 2018
A Gruyères, des mesures pour économiser l’eau ont été mises en place à la mi-août déjà, comme en témoignent les fontaines. CHLOÉ LAMBERT

Par SOPHIE ROULIN

MÉTÉO. Ensoleillement record, température hors norme et absence marquée de précipitations. L’été 2018 restera dans les annales de MétéoSuisse, qui a d’ores et déjà classé le semestre estival (d’avril à septembre) comme le plus chaud depuis le début des mesures (1864). Avec des conséquences dans différents domaines, dont l’eau potable: trois communes du Sud fribourgeois – Châtel-Saint-Denis, Gruyères et Le Pâquier – ont émis des appels à l’économie.
«Nous n’avons pas de base légale pour interdire aux gens d’arroser leur gazon ou de laver leur voiture, note Damien Colliard, syndic de Châtel-Saint-Denis. Notre appel est plutôt de la sensibilisation afin de faire diminuer la consommation.» Il a fait l’objet d’un tous-ménages à la fin septembre.

La moitié du débit habituel

«Nous ne sommes pas en manque d’eau», souligne Damien Colliard. La commune de Châtel-Saint-Denis est alimentée par des captages situés aux Paccots. «Mais nous aimons garder une marge de sécurité pour pouvoir faire face à un incendie, par exemple. Et là, le débit de nos sources n’offrait plus cette marge.»

A Gruyères, une information à la population a été diffusée à la mi-août déjà. «Normalement, nos captages du Rio de l’Enfer, situés sur la piste des Joux, donnent 180 à 200 litres par minute, relève Jean-François Pasquier, conseiller communal responsable du service des eaux. A la mi-août, le débit était de 150 l/min. Aujourd’hui, nous sommes à 100 litres.» Pas question donc de lever les restrictions. «Il faudra probablement quinze jours de pluie pour qu’on retrouve des niveaux habituels et qu’on laisse tomber cet appel à l’économie.» Les captages du Rio de l’Enfer alimentent notamment Plan-Francey, le restaurant sommital du Moléson et Moléson-Village. «La station a attiré et attire encore beaucoup de monde cette saison. La consommation est donc importante. Heureusement, nous avons un autre captage dans la nappe près du pont couvert pour les besoins de Gruyères, d’Epagny et de Pringy.»

Reste qu’une partie de l’eau captée au Rio de l’Enfer approvisionne en partie Le Pâquier. Cette commune a donc suivi l’appel à l’économie d’eau, lancé par Gruyères au mois d’août.

Loin des seuils de sécurité

Du côté d’EauSud SA, dont le réseau s’étend à 29 communes dont Bulle, on envisage la situation sereinement. «Nos captages de Charmey et de Grandvillard disposent de très grandes réserves, relève Pierre Castella, directeur adjoint. Mais on suit attentivement le niveau des nappes.» Si une baisse est bien constatée, elle est loin d’atteindre les seuils de sécurité fixés par l’entreprise.

Pour un certain nombre de communes, le réseau d’EauSud sert d’eau de secours. A sa connaissance, aucune n’a encore actionné cette solution. «En tant qu’actionnaires de la société, elles n’ont pas besoin de nous avertir avant d’utiliser notre eau, indique Pierre Castella. Mais chaque commune préfère d’abord utiliser ses propres ressources.» Question de coût, évidemment. ■


Production électrique en baisse

Si les eaux souterraines souffrent de la sécheresse (lire ci-dessus), les eaux de surface ne sont évidemment pas épargnées. «A la mi-septembre, presque tous les cours d’eau suisses ont présenté des débits nettement inférieurs à la moyenne», peut-on lire dans une publication récente de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

«En Romandie, on note une situation d’étiage évidente, avec des niveaux bas qu’on observe tous les deux à cinq ans, note Edith Oosenbrug, hydrologue auprès de l’OFEV. Peut-être même à dix ans pour certains segments de la Sarine.» Une situation qui est valable non seulement pour les petits cours d’eau, mais aussi pour les grands, tels que l’Aar et le Rhin. De même les lacs naturels, tels celui de Zoug, le lac Majeur ou le lac de Constance, présentent des niveaux bas.

Régulés, les lacs artificiels sont moins concernés. Ainsi, le lac de la Gruyère se situe à 674,8 m, soit à – 2,5 mètres de sa cote maximale, ce qui est considéré comme normal à pareille époque. Le manque de précipitations n’est cependant pas sans conséquence pour Groupe E: «Nous avons réduit le turbinage des centrales hydroélectriques durant cette période de sécheresse qui sévit depuis le début du mois de juillet, indique Nathalie Salamin, responsable de la communication. Sur l’ensemble du cours d’eau de la Sarine, cette réduction correspond à peu près à la moitié de l’énergie produite en moyenne habituellement sur cette même période.»

Compte tenu de la situation actuelle et du fait qu’aucune précipitation ne semble annoncée avant la fin du mois (lire aussi encadré), Groupe E ne regrette pas son choix. «Cette utilisation parcimonieuse de l’eau accumulée dans nos lacs a été une bonne stratégie», ajoute Nathalie Salamin.

Groupe E dispose également de deux installations de petite hydraulique, à La Tzintre et à Albeuve. Sur la première, liée à la Jogne, une baisse de production de 20% est enregistrée. A Albeuve, la production est liée à l’eau potable. La baisse y est moins marquée.

Pour l’instant, la situation n’alarme pas Groupe E, selon Nathalie Salamin: «Malgré la sécheresse, nous sommes encore dans la norme au niveau annuel en raison des nombreuses précipitations du début d’année.» SR


Des chiffres et des prévisions

Au début de ce mois, Météo-Suisse publiait un bulletin climatique indiquant que le semestre estival 2018, qui s’étend d’avril à septembre, était le plus chaud jamais enregistré depuis le début des mesures. Et octobre est bien parti pour dépasser les normes.

Jusqu’à hier, les stations de Grangeneuve et de Moléson ont enregistré des températures en dessus de la moyenne, avec un écart positif de 1,8°C pour Grangeneuve et de 2,4°C pour Moléson. Les pluviomètres avaient quant à eux mesuré 1,2 mm de pluie à Marsens, 12 mm à Moléson et 3,5 mm à Grangeneuve. Là où la norme d’octobre se situe respectivement à 107,5 mm, 74,5 mm et 91,2 mm. «A moins de faire face à des intempéries importantes en toute fin de mois, octobre sera trop sec et trop chaud», commente Didier Ulrich, prévisionniste chez MétéoSuisse Genève.

Pour l’heure, aucune pluie n’est annoncée avant le milieu de la semaine prochaine. «A part peut-être quelques gouttes dimanche le long des Préalpes, ajoute Didier Ulrich. Après, on devrait passer à un temps plus frais par régime de bise.» SR

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