Le propriétaire risque gros aux Terrasses d’Ogoz

jeu, 29. nov. 2018
Pour l’Etat, poursuivre la réalisation de ce terrain au-delà des trois immeubles déjà construits serait une erreur d’aménagement au regard de la LAT. ARCH - C. LAMBERT

PAR JEAN GODEL

PONT-EN-OGOZ. Récemment, le nouveau Plan d’aménagement local (PAL) de Pont-en-Ogoz a été en partie recalé par la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (LaGruyère du 17 novembre). L’important surdimensionnement des zones à bâtir a de nouveau fait tousser la DAEC, comme cet été lorsque celle-ci accordait un droit d’être entendu à la commune pour lui permettre de donner son avis. Pont-en-Ogoz a désormais six mois pour corriger le tir et mettre à l’enquête un plan bien dimensionné. Car c’est à elle de choisir où trancher.

Philosophie pas respectée

En revanche, le directeur de la DAEC, Jean-François Steiert, a estimé que le vaste terrain encore non construit des Terrasses d’Ogoz, au Bry, devait d’ores et déjà retourner en zone agricole. Car il ne répond pas à la philosophie de la nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT): isolé, mal relié au village par un accès difficile, absence de desserte en transports publics, atteinte paysagère, mauvaise qualité des terrains, etc.

«Jean-François Steiert a estimé que maintenir en zone ce secteur serait une erreur d’aménagement et que, par conséquent, on ne devait pas en poursuivre l’urbanisation», résume Giancarla Papi, cheffe du Service des constructions et de l’aménagement (SeCA).

Durant les six prochains mois, la commune devra trouver ailleurs ce qu’il reste encore à dézoner. Mais le PAL qu’elle remettra à l’enquête ne pourra pas contenir les Terrasses d’Ogoz.

Recours du propriétaire

Rien n’est encore définitif. La commune comme les propriétaires du terrain, la société Terrasses d’Ogoz SA, ont trente jours pour faire recours au Tribunal cantonal à partir de la publication dans la Feuilleofficielle du 16 novembre. Le Tribunal fédéral pourra être saisi ultérieurement.

Eric Garoyan, président des Terrasses d’Ogoz SA, fera recours. «En comptant l’achat du terrain, la mise en place des infrastructures (route, eau, électricité) et la construction des trois premiers immeubles, on a déjà investi plus de 10 millions de francs!»

Le promoteur s’étonne des éléments «totalement contradictoires» qui lui sont parvenus de l’Etat. Car sa société aurait eu un dialogue «relativement constructif» avec ses services et serait allée assez loin dans l’étude de détail du projet. «Nous nous en sommes dès lors remis à notre urbaniste et à la commune, qui a fourni un gros travail en réduisant ailleurs son surdimensionnement. Elle a toujours soutenu notre projet.» Eric Garoyan joue très gros: en cas de dézonage définitif de son terrain – une hypothèse loin d’être farfelue (lireci-dessous) – il pourrait voir sa valeur réduite à zéro. Il ne lui resterait que les trois immeubles déjà construits au bas de la zone.

Commune dans l’embarras

La commune, elle, accuse le coup. Car elle estime avoir répondu aux demandes de l’Etat dans le cadre de sa réponse au droit d’être entendu. «Nous avons fait nos calculs quant au surdimensionnement de nos zones à bâtir et transmis nos propositions», constate, un brin dépité, Yvan Maillard, conseiller communal en charge de l’aménagement. Pour l’instant, rien n’est décidé quant à un éventuel recours. «Tout n’est pas encore clair, nous devons bien analyser la situation, et ce dans un délai très court.» Bien plus court que celui que s’octroie l’Etat, fait-il remarquer au passage. «Quand cette question de surdimensionnement aura clairement été résolue, on aura réglé l’essentiel», se projette l’édile.

La commune n’en dira donc pas plus. Pour autant, cela tombe sous le sens du commun des mortels que l’effacement du PAL de plusieurs hectares aux Terrasses d’Ogoz ôterait une (très) grosse épine du pied aux responsables communaux. ■


Dézonage sans dédommagement?

Qu’adviendra-t-il en cas de confirmation, par les instances de recours, du dézonage des surfaces non construites aux Terrasses d’Ogoz? Cheffe du Service des constructions et de l’aménagement, Giancarla Papi détaille la procédure.

Les propriétaires pourront alors saisir la commission d’expropriation qui examinera si le dézonage constitue une expropriation matérielle. La décision de cette commission – indépendante de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions – pourra à son tour faire l’objet d’un recours au TC puis au TF. Si l’expropriation matérielle est établie, alors seulement la commune pourra demander à bénéficier du fonds sur la plus-value pour indemniser les propriétaires – c’est à elle de le faire.

Ce fonds n’est pas encore alimenté: depuis l’entrée en vigueur, en 2018, de la nouvelle Loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATeC), les mises en zone et les changements d’affectation sont soumis à la taxe sur la plus-value fixée à 20%. La valeur de la plus-value ellemême est établie par la Commission cantonale d’acquisition d’immeubles, qui est en train d’affiner sa méthode d’analyse en vue des premières taxations, début 2019. Là encore, les propriétaires peuvent recourir contre l’estimation de la valeur de leur terrain.

Etat et communes laxistes?

Cela dit, Giancarla Papi avertit: «Un dézonage n’induit pas forcément une expropriation matérielle.» En clair: le retour en zone agricole des Terrasses d’Ogoz pourrait bien ne pas valoir le moindre dédommagement à son propriétaire! Voilà qui peut surprendre dans le cas d’un projet inscrit depuis des lustres dans le PAL du Bry d’abord, puis celui de la commune fusionnée de Ponten-Ogoz. Des plans régulièrement avalisés par l’Etat…

Certes. Mais c’est là qu’intervient la différence d’appréciation qui a longtemps prévalu entre la Confédération et le canton de Fribourg, ce dernier ayant mis longtemps à analyser son aménagement du territoire avec les mêmes lunettes que Berne. «Même approuvés par Fribourg après l’entrée en vigueur de la première Loi fédérale sur l’aménagement du territoire, en 1980, certains PAL n’étaient pas conformes aux principes de la LAT», constate Giancarla Papi. Le canton était dans une autre logique, celle du rattrapage économique. «Avec tous ses terrains à offrir, il avait une carte à jouer.»

Ce n’est qu’à partir de 2001 que Fribourg est devenu plus strict et que son disque dur a été mis à jour sur le redimensionnement des zones. Soit une quinzaine d’années après les premières jurisprudences en la matière. «Et celle actuelle du TF a tendance à ne pas reconnaître d’expropriation matérielle dès lors qu’un plan de zones n’a jamais été conforme à la LAT», glisse Giancarla Papi.

Quinze ans pour réaliser son PAL

Les Terrasses d’Ogoz pourraientelles faire les frais d’une commune aux yeux plus gros que le ventre et d’un Etat laxiste? Pas si vite, rétorque la spécialiste. Car les plans de zones, prévus pour quinze ans, doivent en bonne logique être réalisés dans ce laps de temps. Sinon, c’est qu’ils étaient trop grands en regard des besoins réels. Telle est la logique de la LAT.

Depuis son entrée en vigueur en 1980, l’Etat part du principe que les communes ont eu le temps de mettre leurs plans en conformité, ce à quoi elles sont tenues. «Le SeCA est souvent interpellé par les banques sur ces questions de surdimensionnement. Nous leur répondons que, si un plan a été examiné ces cinq dernières années sur la base de la nouvelle LAT, il est relativement sûr. Sinon… L’aménagement, c’est le contraire du bon vin: plus un plan est vieux, moins il est sûr.»

Or, au Bry, le premier projet date de 1963 (LaGruyèredu 28 décembre 2017). «Les nombreux promoteurs qui se sont succédé en plus d’un demi-siècle ont eu largement le temps de construire le quartier.» JnG

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