Les remontées veulent ouvrir et cherchent 300 000 francs

jeu, 22. nov. 2018
Président du conseil d’administration des remontées mécaniques, le vice-syndic Etienne Genoud espère trouver «300 000 francs pour passer l’hiver», de la part d’entreprises ou de privés, notamment grâce à un crowdfunding (une levée de fonds participative). CHRISTOPHE DUTOIT

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

TÉLÉCABINE. Réuni hier à midi, le conseil d’administration de Télécabine Charmey-Les Dents-Vertes en Gruyère SA ne s’est pas laissé démonter par le vote négatif de lundi. Il annonce l’ouverture des installations dès le 1er décembre. Explications avec son président Etienne Genoud, également vice-syndic de Valde-Charmey.

Avez-vous toujours l’espoir d’ouvrir les remontées mécaniques cet hiver?

Etienne Genoud: Lundi soir, nous étions k.-o. debout. Nous n’avions jamais imaginé un tel désaveu. Mais, on a reçu une vague de réactions positives. Nous ne sommes pas tout seuls. Il y a un espoir. D’abord du côté du secteur public, le préfet a organisé une réunion de crise avec tous les partenaires et les responsables. Si on décidait aujourd’hui de ne pas ouvrir, on couperait les ailes à tout cet élan. Il y a un regain d’espoir. Le conseil d’administration ne peut pas prendre que sur lui la responsabilité d’un défaut de liquidités, nous serions tenus pour responsables d’une mauvaise gestion. Si la commune ne veut pas prendre sur elle une partie des responsabilités des déficits, je ne crois pas que c’est à nous de la prendre.

Avez-vous trouvé des fonds depuis lundi soir?

On a reçu des promesses d’aides individuelles. J’espère de la réunion du 26 novembre un mouvement de solidarité de nos propriétaires. Mais je pense que l’aide financière viendra plutôt du secteur privé. Du public (canton, région), ce sera plus difficile. On pourrait aussi imaginer que la commune de Val-de-Charmey – mais je ne peux pas m’avancer à cause de ma double casquette – peut, en travaillant sur son nouveau budget, trouver un peu de marge sans augmentation d’impôts. Qu’elle mette un montant modeste, je ne sais pas, peutêtre 200 000 francs, pour passer l’hiver. Dans l’intervalle, on aimerait que quelqu’un nous garantisse l’ouverture, car on ne peut pas vivre à crédit. Nous avons besoin d’une caution et de liquidités.

A froid, comment analysezvous la décision de l’assemblée communale?

Je pense que les gens ont voté avec leur porte-monnaie. Mais, après le vote, certains se sont peut-être rendu compte qu’ils avaient fusillé leur télécabine. Normalement, après une décision aussi chaude, les vainqueurs applaudissent. Or, il y a eu un silence de mort. Les gens ont eu le souffle coupé. Les réactions qui me touchent le plus sont celles des enfants, qui ne comprennent pas qu’il n’y aura plus de ski à Vounetz. Ils sont sidérés par une telle décision.

Qui peut aider la télécabine?

Des entreprises et des privés qui sont très déçus et très inquiets de cette décision et qui sont d’accord de mettre la main au porte-monnaie. D’autre part, on pourrait organiser un crowdfunding (une levée de fonds participative), comme l’a suggéré un citoyen lundi. Beaucoup de gens mettraient un peu d’argent… Si seulement nous avions un appui moral de nos partenaires/propriétaires, de privés qui manifesteraient concrètement leur soutien et, ultérieurement, de la commune…

De quelle somme avez-vous besoin pour passer l’hiver?

Il faudrait compter au maximum 300 000 francs.

Dans cet ordre d’idée, n’était-ce pas jouer à la roulette russe de demander 600 000 francs à l’assemblée communale?
On demandait 600 000 fr. pour l’année entière. Maintenant, on vise, plus modestement, de passer la saison d’hiver. Si on ne s’y engage pas, on va perdre le montant du Magic Pass, qui représente une première tranche de 180 000 fr. J’ose espérer que nous sommes supertransparents. On ne peut pas nous reprocher que le budget présenté était truqué. Pour arriver à l’équilibre annuel, nous avons besoin de 600 000 francs de soutien.

Ne pensez-vous pas que le vote de lundi a, finalement, provoqué un électrochoc salutaire?

Peut-être que certaines personnes ont voté non par stratégie. C’était risqué. Nous serons en défaut de liquidités si nous ne touchons pas d’argent d’une manière ou d’une autre en 2019. Aujourd’hui, on constate que ce vote fait se mobiliser nos propriétaires, nos partenaires et beaucoup de privés qui pensent qu’on ne peut pas arrêter.

Qu’avez-vous dit à vos employés?
Ils sont remarquables. On leur a demandé de la patience. Aucun d’entre eux nous fait des reproches. Ils sont très courageux. On n’a eu aucune défection dans le personnel. Ils sont tous partenaires. ■


«Tous les partenaires doivent être consultés»

La décision de l’assemblée communale de Val-de-Charmey, lundi soir, a fait des vagues bien audelà de la Jogne. Celle du conseil d’administration, qui avait affirmé ne pas vouloir ouvrir pour la saison hivernale sans le financement assuré par la commune, attendra encore quelques jours (lire ci-dessus). La Gruyère a donné la parole aux milieux concernés par le sort des remontées mécaniques.

DU CÔTÉ DE LA RÉGION

Patrice Borcard, préfet de la Gruyère: «La décision a été suspendue pour permettre au conseil d’administration de réunir ses partenaires. La société des remontées mécaniques n’est pas propriétaire des installations. Le système existant est complexe. Il paraissait indispensable que les propriétaires – Télégruyère et RMF – puissent s’exprimer avant une décision définitive. La fermeture éventuelle doit être considérée à deux niveaux: l’immédiat, lié à cet hiver, et l’horizon plus lointain qu’est l’avenir de la station. Au-delà des remontées mécaniques, il faut aussi penser à la station dans son ensemble et aux autres activités pour lesquelles la télécabine sert de colonne vertébrale.»

Raoul Girard, président de La Gruyère Tourisme: «La décision devant laquelle se trouve le conseil d’administration est extrêmement compliquée à prendre. Charmey est la seule vraie station de la Gruyère, avec tous les services nécessaires. Son potentiel touristique est évident. Mais le modèle économique de ses remontées mécaniques semble compliqué. En tant que député, je m’étais exprimé contre le saupoudrage lors du renouvellement des remontées mécaniques. J’étais sceptique quant à la viabilité de certaines installations surtout si elles n’étaient pas exploitables en été. Mais, en tant que président de LGT, je trouverais une fermeture des installations très dommageable en termes d’image pour une région qui se veut très dynamique.»

Pierre-Alain Morard, directeur de l’Union fribourgeoise du tourisme: «Des pistes existent pour Charmey, mais on ne change pas un modèle d’affaires en six mois. Les enjeux et les effets collatéraux d’une fermeture sont tels qu’on ne doit pas se précipiter. Beaucoup de questions n’ont pas été posées.»

DU CÔTÉ DES ACTEURS TOURISTIQUES DE CHARMEY

Stéphane Schlaeppy, directeur de l’Hôtel Cailler: «Ce qui déclenche une réservation au Cailler, c’est le panel d’activités proposées à Charmey. Les gens veulent aller se promener, patiner, faire un moment du ski et profiter des Bains. Les Bains seuls ne suffisent pas.»

Evelyne Krantz, directrice de l’Hôtel-restaurant Le Sapin: «Ce serait un vrai handicap que Charmey n’ait plus de remontées mécaniques. S’ils veulent tirer la prise, on doit le savoir rapidement. Beaucoup de clients réservent pour janvier-février. Sans le ski, on perd énormément de clients. C’est certain.»

Michel Volet, copropriétaire de L’Enclume: «Lors des week-ends enneigés et avec remontées, on fait le plein. Les autres non. La clientèle des Bains est particulière. Elle ne vient que pour ça et ne vient pas au village. C’est simple, pour nous, l’abandon des remontées serait vraiment catastrophique. Il faudrait redimensionner notre offre et revoir notre personnel.»

DU CÔTÉ DES PROPRIÉTAIRES

Jean-Marc Piguet, président de Télégruyère SA, propriétaire du Rapido Sky: «En tant que Gruérien, la décision de lundi me rend triste. En tant que président de Télégruyère, elle soulève beaucoup d’interrogations. Si la société décide de fermer, on perd notre locataire. Mais une télécabine n’est pas un objet qu’on se passe comme ça. Les questions n’ont pas été posées: Quelles autres solutions peut-on imaginer? Qui devrait financer un éventuel démantèlement? Avec quel argent? C’est donc bien qu’on prenne le temps de la réflexion.»

Philippe Menoud, président des Remontées mécaniques fribourgeoises (RMF) SA, est resté injoignable hier.

DU CÔTÉ DU MAGIC PASS

Antoine Micheloud, membre du conseil de la coopérative Magic Pass et directeur des remontées mécaniques de Moléson: «La coopérative est comme une grande famille. Elle avance dans un esprit solidaire et la volonté est plutôt de se serrer les coudes. On serait déçus d’apprendre une fermeture. Envisager de ne pas ouvrir n’est pas une décision à prendre à la légère ou pour une saison. Si la station reste fermée cet hiver, elle perd ses employés et son savoir-faire. Il serait extrêmement difficile de relancer la machine ensuite, le cas échéant.»

SOPHIE ROULIN / FRANÇOIS PHARISA

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