«Ce que l’on vit cette année, on sait que ce n’est pas normal»

mar, 11. déc. 2018
Chef du recrutement depuis 2010, Stéphane Chapuisat (ici lors de la célébration du titre de champion de Suisse au printemps dernier) est l’un des hommes qui a œuvré en coulisses pour mener Young Boys au sommet du football helvétique. KEYSTONE

PAR QUENTIN DOUSSE

La soirée de mercredi fera assurément date dans l’histoire de Young Boys. Trentedeux ans après un duel contre le Real Madrid (0-1), et presque trois mois après celui face à Manchester United (0-3), les «jaune et noir» accueilleront une autre référence mondiale, demain soir (21 h), avec la venue de la Juventus. Une mission impossible attend le club bernois, infiniment petit face à l’institution turinoise, son aura, son palmarès, son budget (estimé à 750 millions d’euros) et ses stars, Cristiano Ronaldo en tête.

Dernier du groupe H et déjà éliminé de cette Ligue des champions, Guillaume Hoarau et Cie rêvent de quitter la scène européenne sur un exploit. Lequel récompenserait le travail effectué par tout un club. Chef du recrutement depuis 2010, l’ancien attaquant international Stéphane Chapuisat pose son regard sur la réussite de YB, leader de Super League impérial et promis à un deuxième titre consécutif.

Recevoir la Juventus de Ronaldo en Ligue des champions: pouviez-vous rêver d’une meilleure sortie?

Difficile à dire. De notre côté, on va tout faire pour réaliser un grand match et tenter quelque chose face à une équipe du top 5 européen. Bien sûr, on aurait aimé avoir quelque chose à jouer dans cette partie. Mais on savait que cela serait difficile. Pour réussir un truc, il aurait fallu marquer des points au début. Il a aussi manqué un peu de réussite.

Quel bilan tirez-vous de cette campagne européenne?

Pour l’équipe, cette aventure s’est révélée être une très bonne expérience. A ce niveau, à la moindre baisse de régime, on a vu que l’adversaire n’a pas besoin de beaucoup (d’occasions) pour marquer. Mais l’équipe a progressé au fil des matches, et c’est ça le plus important.

Qu’est-ce qui sépare encore YB du niveau européen?

(Il réfléchit) Je crois qu’on savait où on allait. Nous étions néophytes dans un groupe où deux équipes veulent aller au bout. Pour les joueurs, cette aventure leur a permis de constater leur marge de progression. Techniquement, on voit que tous ces joueurs sont très bons. L’écart est là, dans l’intensité, la technique sous pression. Tout va beaucoup plus vite. Cela se joue aussi tous les jours à l’entraînement. Il faut faire plus, mettre davantage d’intensité pour pouvoir évoluer constamment à ce niveau.

On parle de retombées dépassant les 20 millions de francs grâce à cette campagne européenne. Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien?

Financièrement, c’est évidemment une bonne opération pour le club. On a pu constituer des réserves en prévision d’une moins bonne année, sans coupe d’Europe ou sans bénéfice sur les transferts. Pour le club et les emplois, c’est un élément important. Mon quotidien, lui, n’a absolument pas changé. On continue à travailler de la même manière. Car on connaît la réalité du foot suisse, où il est toujours difficile de boucler les budgets. Sans recette de la télé, on doit toujours vendre des joueurs et donc chercher le juste milieu.

Vous êtes au club depuis 2010.
Comment expliquez-vous son succès actuel?

Cela a commencé par un bon travail à la base, chez les jeunes. En première équipe, il a aussi été important d’avoir quatre ou cinq leaders entourés de jeunes au potentiel, qui ont faim et qui veulent toujours se montrer pour continuer leur carrière. Le recrutement est bien sûr une explication. Mais je ne suis pas seul. Il y a Gérard Castella, Christoph Spycher, etc. C’est toujours mieux d’avoir huit yeux pour évaluer un joueur et décider.

Au sein de la relève, on retrouve notamment Léo Seydoux. Quel regard portez-vous sur lui?

Un très bon regard. Notre but est de promouvoir chaque année deux espoirs en première équipe. Léo a beaucoup travaillé et il a été récompensé samedi (n.d.l.r.: le Vaulruzien a fêté sa première titularisation lors du succès contre Thoune 3-2). A lui de continuer avec cette mentalité de crocheur, pour jouer un rôle d’ici une année à Young Boys. Le prochain cap? Ce sera le travail physique, qui a déjà commencé puisqu’il a pris de la masse. Après, il doit encore travailler défensivement, prendre confiance en lui aussi. Cela s’acquiert au fil des entraînements et des matches. On l’a vu samedi: il a livré une belle partie, il n’a pas eu peur et s’est montré courageux dans les duels.

Young Boys se distingue par son ambition sans faille. Comment cette culture s’est-elle installée?

L’année passée a été une superbe saison, on a gagné (le titre de champion) et la confiance s’est installée. Il a permis à Young Boys de poursuivre sur cet élan positif. J’ai connu cela en tant que joueur: quand tu alignes les victoires, tu penses immédiatement que tu remporteras le prochain match. Tu ne deviens pas nerveux et tu continues à produire ton jeu. C’est tout l’inverse lorsque tu traverses un temps faible.

Un mot sur votre méthode: comment réussit-on des «coups» comme avec Mbabu, Assalé ou Nuhu (parti en Allemagne)?

Il n’y a pas de recette Stéphane Chapuisat. Notre succès, on le doit au travail d’équipe effectué avec la commission sportive. On regarde toujours vers l’avenir, on se prépare à ce qui pourrait arriver sur le marché des transferts et on cible des profils de joueurs en fonction. On est toujours obligé d’anticiper. Même si cela reste compliqué à YB, car on ne peut pas aller chercher un joueur si l’autre n’est pas vendu. Cela implique de travailler autrement. Mais ce challenge est passionnant et me procure beaucoup de plaisir.

Pour terminer, un mot sur l’avenir: comment YB doit-il s’y prendre pour grandir?

Je ne pense pas forcément qu’on doit encore grandir. On doit surtout poursuivre notre travail de manière sérieuse, en gardant les pieds sur terre. Je suis depuis assez longtemps dans le milieu pour savoir que le football est fait de hauts et de bas. Un jour, le club se portera moins bien. C’est pour cela qu’on essaie de bien planifier la suite pour continuer à jouer les premiers rôles en Suisse. Sur ce premier tour, on a perdu cinq points... c’est une saison incroyable! On sait que ce que l’on vit cette année n’est pas normal. ■

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