«Depuis le jour de l’explosion, ma vie n’a plus aucun sens»

jeu, 24. Jan. 2019
La première journée du procès de l’explosion de la fromagerie de La Tzintre, qui avait coûté la vie à une personne en 2012, a été très forte en émotions. Les débats se poursuivent aujourd’hui et demain. ARCH - M. ROUILLER

PAR VALENTIN CASTELLA

Des années qu’ils attendaient ce moment. Mardi matin à Bulle, les victimes de l’explosion de la fromagerie de La Tzintre, en août 2012 à Charmey, ont enfin pu exprimer leur ressenti. Ce drame, dû à une erreur humaine d’un technicien, avait été fatal à un ouvrier œuvrant pour les finitions du bâtiment. Celui-ci devait être inauguré le lendemain. Deux personnes sont inculpées pour homicide par négligence, lésions corporelles graves par négligence et incendie par négligence. Il s’agit du technicien présent sur place présumé à l’origine de l’explosion (dispensé de comparaître) et de son supérieur hiérarchique.

En ce 30 août 2012, d’autres personnes avaient aussi été gravement blessées. Dont le frère du technicien décédé. Il avait quitté le local qui a explosé seulement quelques instants avant qu’une boule de feu ne surgisse. Devant la juge de police, il a d’abord évoqué ses souffrances. «Depuis le jour de l’explosion, ma vie n’a plus aucun sens. J’ai perdu un frère et une carrière professionnelle.» Brûlé sur 80% de son corps, l’homme souffre physiquement et moralement. Il ne peut d’ailleurs pas encore exercer d’activité professionnelle. «Il ne me reste plus que mon visage. Je suis reclus chez moi. Cela n’a aucun sens. Je ne vis plus, je survis.»

«Je me sens responsable»

Très lié à son frère disparu, il ne parvient pas à tourner la page. «Je me sens responsable de sa mort. Ce jour-là, il m’a demandé s’il pouvait m’accompagner sur le chantier. J’ai accepté.» Dans le coma durant trois mois, le survivant avait appris le décès de son «meilleur pote» à son réveil.

Devant les avocats des parties civiles, le procureur et la défense, l’autre frère de la victime et sa mère ont témoigné avec la même intensité. «Ce n’est pas facile de perdre un enfant et de voir l’autre lutter pour sa survie, a-t-elle témoigné. Coincé dans son lit d’hôpital, il se battait pour vivre tout en pleurant son frère. C’était une horreur.»

«Injustice et irrespect»

Son troisième fils, tentant de contenir sa colère et sa tristesse, a continué: «Je ressens une immense injustice et de l’irrespect. Cela fait six ans qu’on attend ce procès. C’est beaucoup trop long. J’ai l’impression que tout le monde se fout de notre sort.»

Un autre ouvrier a confié qu’il pensait souvent à cette journée, qu’il avait toujours de la peine à dormir. «J’ai encore mal partout, je ne peux pas travailler.»

Lors de cette première journée de procès, les auditions ont permis d’apprendre que la purge (de l’eau résidait dans la conduite de gaz), cause de l’explosion, n’était «pas urgente» selon les représentants de la Coopérative des producteurs de fromage d’alpage. Une nouvelle qui a rendu fou le frère de la victime présent sur les lieux. «Si on nous l’avait dit, nous serions partis!»

L’après-midi, deux experts ont évoqué plusieurs explications techniques. De longues discussions ont permis d’établir que le prévenu qui avait tenté de purger la conduite, également grièvement blessé et aujourd’hui défiguré, n’avait pas utilisé le procédé préconisé par la profession. «A la MacGyver», a décrit le frère rescapé. Il aurait dû utiliser un tuyau, reliant l’ouverture de la conduite à l’extérieur du local de chauffage dès la première tentative. Ce qu’il n’a visiblement pas fait. «Une purge à l’intérieur d’un bâtiment n’est pas autorisée», a confirmé un expert. De plus, il n’était pas équipé d’un explosimètre. Un instrument qui aurait pu lui indiquer qu’une grande quantité de gaz stagnait dangereusement dans la chaufferie.

Verdict le 1er mars

L’autre accusé, responsable hiérarchique du premier prévenu, était présent lors de cette première journée. Il n’a toutefois pas été auditionné. Il évoquera ce drame ce matin, avant le réquisitoire et les plaidoiries, prévus cet après-midi et vendredi. L’annonce du verdict est programmée le 1er mars. ■

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