«Surpris de l’importance du volet international»

jeu, 03. Jan. 2019

PAR XAVIER SCHALLER

Depuis le 26 novembre au soir, Dominique de Buman n’est plus le président du Conseil national et de l’Assemblée fédérale. Car la tradition veut que son successeur – en l’occurrence la socialiste tessinoise Marina Carobbio Guscetti – entre en fonction dès son élection. Le conseiller national démocrate-chrétien de 62 ans revient sur les moments forts de son année présidentielle, sur les obligations du premier citoyen du pays et sur son avenir.

Des regrets de quitter le fauteuil du président?

Dominique de Buman. Pas du tout. On sait que la présidence est limitée dans le temps et le système est ainsi fait qu’elle reste de milice. Le président n’a pas de collaborateur personnel, contrairement à un conseiller fédéral qui a plusieurs porteurs de serviette. Il faut donner tout ce que l’on peut soi-même, à fond. La fonction est donc terriblement lourde et, dans les conditions actuelles, je n’imaginerais pas l’assumer beaucoup plus longtemps. Par contre, c’est fascinant.

Vous n’étiez pas préparé à ces contraintes?

La charge de travail est beaucoup plus importante que tout ce que l’on imagine, avec la tension permanente d’organiser, d’anticiper, de planifier. Il faut aussi rester au courant de l’actualité et de ce qui se passe dans la presse, même si on ne vous demande pas de connaître chaque dossier qui est débattu au Parlement. Votre rôle n’est pas d’aller dans le débat, mais de l’organiser.

Dans ce domaine, y a-t-il eu quelques sessions plus difficiles à gérer?

La police de la salle appartient au président, alors j’ai parfois dû intervenir lors de certaines tentatives de perturbation. Par exemple, quand des conseillers veulent retarder le déroulement des débats en demandant une vérification de quorum, alors que cela ne s’était plus fait depuis quinze ans. Ou quand l’UDC a déployé des pancartes partisanes sans autorisation et a commencé à chanter dans la salle peu avant 8 h.

D’autres surprises vous attendaient?

Je ne pensais pas que le volet international serait aussi important. Je me suis volontiers prêté au jeu, en essayant d’avoir de la mesure et de ne pas faire le travail du Conseil fédéral en parallèle.

Il y avait deux extrêmes que je voulais éviter: l’extrême «pantoufles», comme certains présidents qui, ne sachant rien d’autre que l’allemand, ne montrent pas d’intérêt pour les activités internationales. L’autre extrême aurait été de faire du tourisme aux frais de la République, d’aller partout de manière inutile. Ma présidence se situe dans la norme pour le nombre de voyages, mais en dessous au niveau des frais.

Quels ont été vos choix de visites?

Pour le voyage en délégation, très officiel, avec un représentant de chaque groupe parlementaire, j’ai choisi l’Arménie. C’est un pays pauvre avec lequel il faut développer les relations. Il y avait eu en outre la reconnaissance du génocide que j’avais menée au Parlement suisse. Ensuite, il y a eu le voyage du président en France. C’est aussi une visite officielle, mais avec une partie privée.

J’ai tenu à visiter chacune des capitales européennes voisines, en m’occupant plutôt des problèmes de vie courante que rencontrent les différentes diasporas suisses: double imposition, paiement de primes d’assurance maladie, etc. Durant ces voyages est venue se greffer toute la question de l’accord institutionnel entre la Suisse et l’Europe, alors qu’on ne pensait pas que cela allait venir cette année dans l’agenda. J’ai pu, tant bien que mal, expliquer à nos voisins qu’il n’était pas facile d’adopter un tel accord en Suisse, leur dire qu’il n’y avait pas de mauvaise volonté de notre part.

Je suis aussi allé au Brésil, pour les deux cents ans de Nova Friburgo, et en Afrique, au Sénégal et en Guinée. A ces voyages à l’étranger, il faut ajouter, au niveau des relations internationales, les réceptions de toutes les délégations qui viennent à Berne ou les rencontres avec différents ambassadeurs.

Et pour vos apparitions en Suisse, quelle était votre marge de manœuvre?

Elle était assez grande, finalement. Il y a des manifestations où l’on sait, soit par les services du Parlement soit par son prédécesseur, qu’il est bon d’aller. Par exemple, les vœux du corps diplomatique, au début de l’an, ou le Forum économique de Davos. Il y en a d’autres que vous sentez intuitivement qu’il faut honorer, comme les fêtes fédérales. Vous ne pouvez pas aller à toutes, mais il y a des moments où il faut être là.

Une marge d’appréciation est toujours laissée au président. Mes deux prédécesseurs n’avaient pas eu le temps, l’occasion ou la volonté de prendre part à la session des jeunes, mi-novembre au Palais fédéral. Moi, je trouvais important de manifester de l’intérêt pour la relève.

Avez-vous quand même connu quelques dilemmes entre vos obligations et vos désirs?

Je n’ai pratiquement pas eu de choix douloureux, de moments où je voulais vraiment être à deux endroits en même temps. Et j’ai pu rester présent au maximum sur le terrain fribourgeois, ce à quoi je tenais.

Je termine ma présidence avec l’image d’un pays très heureux, épanoui dans ses différentes cultures. Un pays très développé économiquement, très matérialiste, très consumériste, mais où les gens conservent une identité forte, ne se sentent pas écrasés par la Berne fédérale. Et ça marche: ils n’ont pas envie d’être autres que suisses.

Vous avez annoncé que vous ne briguerez pas de nouveau mandat au Conseil national lors des prochaines élections. De quoi sera fait votre avenir?

La limitation des mandats est inscrite dans les statuts du PDC depuis des dizaines d’années. Cette règle est normale pour la relève et elle ne me dérange pas, au contraire. Je préfère partir à mon âge, encore en pleine forme, pour pouvoir faire autre chose. Quoi? C’est en discussion, au niveau privé et public. Mais je ne vais de toute façon pas rester devant ma cheminée avec des pantoufles.

Pourriez-vous rester en politique?

Cela dépend de la définition que l’on donne à la politique.

Vous avez choisi de ne pas démissionner…

Un départ plus tôt ou plus tard, je ne crois pas que la question se pose en ces termes. En 2015, j’avais proposé à mon parti d’aller au Conseil des Etats. Pas tellement parce que je tenais à y aller, mais parce que cela aurait permis de répartir les mandats entre un représentant de langue allemande, un des districts plutôt ruraux et un de la ville. L’assemblée du parti en a décidé autrement. Ça ne me dérange pas, d’autant que je suis devenu président de l’Assemblée nationale, ce qui est encore mieux.

Partir plus tard? Le parti est venu me demander si j’accepterais d’en remettre une couche – l’idée n’est pas venue de moi, le mouvement est important. J’ai dit non, car les dérogations ont toujours un petit goût d’amertume. On a l’impression de privilège pour les uns et pas pour les autres.

Dans la même logique, si on ne part pas plus tard, on ne part pas plus tôt. En tant que président de la Fédération suisse du tourisme, j’ai tout le dossier sur le tourisme qui arrive à Berne en cette année 2019. Le programme quadriennal sera débattu en commission à partir de mars et la dernière décision sera prise au Parlement en septembre. ■

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