La première première des trois «Knaben» bulloises à Equilibre

jeu, 03. Jan. 2019
Laurane Binz (15 ans), Elsa Binz (12 ans) et Lucie Murith (15 ans) rayonnent dans les coulisses de la salle Equilibre, avant d’irradier La Flûte enchantée quelques minutes plus tard sur scène. PHOTOS CHRISTOPHE DUTOIT

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

OPÉRA. Elles ont 12 et 15 ans et, à elles trois, Lucie Murith, Laurane Binz et Elsa Binz font souffler un air d’insouciance dans les travées du Nouvel Opéra de Fribourg (NOF). Jusqu’au 13 janvier (toutes les places sont vendues), elles campent les trois Knaben de La Flûte enchantée de Mozart, ces trois «anges» chargés de guider les personnages, notamment pour empêcher le suicide de Papageno. Des rôles exigeants, techniques, souvent confiés à des adultes.

Pour les trois Bulloises, tout a commencé lors du casting, en août. «Sur une trentaine de candidats, le choix était très clair à mes yeux, raconte Julien Chavaz, directeur artistique du NOF. Elles avaient déjà choisi leurs voix. Mais c’est un hasard que ce soit trois Gruériennes, encore plus qu’il y ait deux sœurs. Elles possèdent vraiment les timbres que l’on recherchait pour ces personnages asexués. Des voix blanches, qui n’ont pas encore gagné toute la complexité qu’elles auront après la puberté.»

Prononciation allemande

Dès le mois de septembre, les trois étudiantes se sont pliées aux desiderata du chef d’orchestre, du metteur en scène, de la costumière. «On répétait le mercredi après l’école et le samedi», racontent Laurane et Elsa Binz, qui ont bénéficié du coaching de leur maman, la pianiste professionnelle Florence Desbiolles Binz. Elles travaillent avec la soprano fribourgeoise Joelle Delley Zhao, «surtout la prononciation de l’allemand, avec ces consonnes si longues et chantantes».

La semaine avant Noël, les trois adolescentes font même double horaire: école la journée, répétition le soir. «Mais on a toujours fait nos devoirs», rigolent les espiègles demoiselles. On est à deux doigts de les croire.

Samedi, c’était le grand soir. Pour leur première première au milieu des professionnels, elles ont droit aux honneurs de la presse. Dans leur loge, qu’elles partagent avec trois monstres poilus, elles avouent ne ressentir aucun trac. «Nous sommes membres de la Maîtrise de Bulle, éclairent-elles. Nous avons déjà chanté en soliste, notamment le Requiem de Fauré, mais aussi au Festival Grevire ou lors de l’ouverture de Tutti Canti au château de Bulle.»

«On se sent assez à l’aise en public. En plus, ici, on ne voit pas les spectateurs. Mais on est quand même impressionnées. Equilibre, ce n’est pas le CO2…»

Traditionnels cadeaux

Trêve de discussion, il est temps de se mettre en voix. Certains chanteurs chauffent leur organe dans les loges. D’autres dans les toilettes. Les trois filles préfèrent s’isoler dans un cagibi où elles rejoignent leur répétitrice. «Cherchez des résonances», leur prône Joelle Delley Zhao. A moins d’une heure de l’entrée en scène, elle distille encore ses derniers conseils à Lucie. «A partir du fa, on ne comprend de toute façon plus rien. Tu chantes E, mais tu penses A. Laurane, joue-la un peu plus jazzy. Tu peux y aller.»

Retour dans la loge. A l’opéra, les chanteurs ont l’habitude de s’offrir de petits présents lors de chaque première. En signe d’encouragement. Les trois adolescentes ne coupent pas à la tradition. Non sans une pincée de fierté, elles distribuent des friandises dans les loges voisines. Avec un clin d’œil particulier à Tamino, le charmant Peter Gijsbertsen. En guise de champagne, en revanche, elles se contenteront de la version bouteille remplie de chocolats.

Chouchoutées comme des stars, on leur prépare une mise en plis mexicaine, histoire de rendre leur chevelure compatible avec le bas nylon qu’elles porteront comme couvrechef. «Vous êtes trop jeunes pour vous souvenir des voleurs de couleurs de la pub Kodak», sourit la coiffeuse, au moment de poser ses sixtus. C’est vrai que ces trois nanas dégagent une effronterie plutôt sympathique. «Elles apportent au spectacle quelque chose de très touchant. Elles assument comme si c’était déjà leur métier, souffle Julien Chavaz. Elles sont remarquables.»

Le haut-parleur annonce le début dans cinq minutes. On s’agite. «Nous, on a le temps. On n’entre pas tout de suite en scène.» Elles ne montrent toujours aucun signe de stress. «On est prêtes. On est entourées de professionnels, sourit Laurane. Ma plus grande peur, c’est de tomber sur scène.»

«Donner envie»

Dans le couloir, on se lance un dernier «toï toï toï», expression allemande qui correspond au «merde» français. «A leur âge, je ne peux pas imaginer que ce genre d’expérience ne laisse pas des traces. On ne peut pas y être indifférents.»

Jointes après le Réveillon, les trois disent «avoir pris énormément de plaisir. On a reçu beaucoup d’éloges. Nos parents étaient très émus et superfiers. C’est à refaire.» Un avis partagé par Joelle Delley Zhao: «Chanter six soirs devant 600 personnes, ça donne envie.» ■

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