Douze mois avec sursis pour avoir secoué un bébé

jeu, 14. fév. 2019

PAR XAVIER SCHALLER

MALTRAITANCE. Le 11 septembre 2015, un bébé gruérien a vu la mort de près. Perte de connaissance, arrêt respiratoire d’une minute au moins, raidissement des membres et vomissements. Ambulance pour l’HFR Fribourg, hélicoptère pour le CHUV. Les médecins découvrent un hématome sous-dural, une hémorragie rétinienne, des ecchymoses. Sans autre explication valable, ils pensent au syndrome du bébé secoué. Ils soupçonnent les parents, puis la maman de jour.

Après l’enquête de police, cette dernière est mise en accusation. Mardi, le Tribunal de la Gruyère l’a condamnée à douze mois de prison, avec un sursis de trois ans. Une peine assortie de 32 000 francs de tort moral, pour l’ensemble de la famille.

Le drame s’est joué à midi. Le bébé de six mois refuse de manger à la cuillère, crise et pleure durant vingt minutes. Sa sœur, alors âgée de trois ans et demi, et la fille de la maman de jour se plaignent. Cette dernière prend l’enfant et monte à l’étage, selon elle pour le changer et le coucher. C’est alors que le bébé se tait et que survient la crise.

La quadragénaire, qui a raconté la scène entre deux pleurs, a toujours nié avoir secoué l’enfant. Comme elle était seule avec lui au moment du drame, le procès s’est joué sur le rapport d’experts. Or, ces derniers affirment qu’il est «hautement probable, voire certain» que le bébé a été secoué. D’autre part, ils estiment qu’il n’y a pas eu d’intervalle entre le secouement et les symptômes.

L’avocate de la défense, Isabelle Python, a critiqué le rapport et réclamé l’acquittement. Elle a notamment souligné que les spécialistes du CHUV, qui ont soigné l’enfant, ne sont pas aussi catégoriques que les experts au sujet de ce fameux intervalle.

Si la maman de jour a modifié sa version des faits au fil des auditions et a cherché à reporter les soup- çons sur les parents, l’avocate de la défense a imputé cela aux pressions du corps médical et de la police: «On leur explique que si ce n’est pas la maman, c’est le papa, si ce n’est pas le papa, c’est la nounou. C’est normal de chercher à comprendre.»

Enfin, la personnalité de l’accusée a été mise en cause, elle qui a été condamnée, en 2013 par ordonnance pénale, pour des violences sur sa fille aînée. «On ne peut pas comparer une adolescente rebelle, qui a des problèmes de drogue, d’alcool et qui fugue, avec un bébé qui pleure», a plaidé Isabelle Python.

Et l’avocate a estimé que, si l’on veut parler d’agressivité mal contenue, on peut s’intéresser au père du bébé: «Au CHUV, il s’en est pris verbalement au personnel soignant, a frappé du poing sur la table, claqué la porte, lancé une chaise contre un mur. Au point d’être escorté vers la sortie par deux Securitas.»

Pas de séquelles

Au vu des derniers contrôles, l’enfant ne devrait pas souffrir de séquelles – alors qu’un quart des bébés meurent après avoir été secoués, a rappelé la procureure. La juge de police, qui n’a vu aucune contradiction entre le dossier médical et le rapport d’experts, a retenu les lésions corporelles simples et l’exposition. Comme «il n’y a pas eu concrètement de mise en danger de sa vie», elle a rejeté la charge de lésions corporelles graves.

Frédérique Bütikofer Repond a, en outre, assorti la peine d’une interdiction de travailler avec des enfants durant dix ans. La juge a considéré comme une circonstance aggravante le fait que l’accusée soit une professionnelle expérimentée, formée et reconnue par l’Association d’accueil de jour du district de la Gruyère. «Elle ne pouvait ignorer les conséquences d’un tel geste et elle en a pris le risque.» ■


Indispensable prévention

Un bébé secoué, encore. Comme pour toute prévention, il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier. «A la maternité de l’Hôpital fribourgeois (HFR), les pédiatres abordent systématiquement le syndrome du bébé secoué, lors de leur premier contact avec les parents», indique Jeannette Portmann, porte-parole de l’HFR. Un dépliant, intitulé Au secours! Mon bébé ne cesse de crier, est aussi distribué. «Il est publié par la fondation Enfants & violence». En neuf langues.

La brochure rappelle qu’un nouveau-né en bonne santé crie «en moyenne deux à trois heures par jour, parfois aussi jour et nuit».
Elle donne différents conseils pour identifier les pleurs et pour calmer le bébé. Si rien ne fonctionne – et que les cris et le comportement ne semblent pas anormaux – elle préconise de coucher l’enfant et de prendre de la distance. «Bébé va probablement continuer à crier dans son lit, ce qui ne lui fera pas trop de tort. De toute façon, cela vaut mieux que de perdre les nerfs et de secouer ou battre votre enfant.»

Autre conseil: ne pas hésiter à demander de l’aide, à une personne de confiance ou à un professionnel. Et penser à informer toutes les personnes qui s’occupent du bébé des risques liés aux secousses. Même brèves. Même par jeu. XS

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