Tous se préoccupent du climat, mais les remèdes divisent

mar, 05. fév. 2019

PAR DOMINIQUE MEYLAN/ATS

CLIMAT. Les manifestations en faveur du climat ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes en Suisse samedi, dont environ 2500 à Fribourg. Des jeunes, déjà mobilisés le 18 janvier, mais aussi des familles et des personnes de tout âge se sont réunis sur la place Georges-Python, avant de défiler jusqu’au jardin du Domino.

Les manifestants appellent à des solutions politiques globales. Ils souhaitent que les pouvoirs publics lancent des actions concrètes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et ralentir le réchauffement climatique. Le mouvement se veut non partisan.

Mais il est très suivi à Berne où, après l’échec de la Loi sur le CO2 au Conseil national, le travail a repris aux Etats. Ce texte doit permettre à la Suisse de respecter l’Accord de Paris, qui veut limiter le réchauffement climatique mondial à moins de deux degrés.

L’ampleur prise par les manifestations ne laisse personne indifférent. «Cela m’impressionne énormément. Je suis assez épaté de l’engagement de ces jeunes en particulier pour cette question climatique», réagit le conseiller aux Etats socialiste Christian Levrat. Aucun élu ne nie la réalité du réchauffement climatique. «Nous sommes tous concernés par l’avenir de notre planète, estime le conseiller national UDC Pierre-André Page. Nous avons besoin de la nature, c’est un problème de civilisation que nous devons traiter.»

Que font les politiciens?

Les manifestants dénoncent l’inaction des pouvoirs publics, une critique qui en agace plus d’un. Le conseiller national PLR Jacques Bourgeois, membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie, regrette le rejet de la Loi sur le CO2 en fin d’année dernière: «Une année et demie de travail ou presque est partie à la poubelle. Au niveau fédéral, les mesures ont été prises, mais le compteur a été remis à zéro.»

Pierre-André Page, membre de cette même commission, renchérit: «Dire que nous ne faisons rien, cela m’a surpris, c’est une méconnaissance de tous les soutiens mis en place par la Confédération, les cantons et les communes depuis de nombreuses années. Nous avons prévu des subventions pour les panneaux photovoltaïques, pour la suppression des chauffages à mazout ou pour l’isolation des bâtiments.» A l’inverse, Christian Levrat juge que les manifestants ont raison de critiquer les autorités: «Seulement, l’inaction a une couleur politique, celle de la droite. Nous avions un projet de Loi sur le CO2, déjà extraordinairement timide, qui nous était présenté par le Conseil fédéral. Le PLR et l’UDC l’ont encore vidé de sa substance lors du débat au Conseil national.» Le conseiller aux Etats PDC, Beat Vonlanthen, comprend lui aussi la frustration des manifestants: «J’espère que nous pourrons démontrer que le Conseil des Etats prend une autre direction.»

Une nouvelle chance

Membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie à la Chambre des cantons, il examine actuellement la Loi sur le CO2: «Nous allons corriger le tir et faire en sorte que des mesures concrètes soient acceptées pour améliorer la situation. Il faut prendre en considération le cri du cœur des jeunes.»

Les positions s’annoncent toutefois difficilement réconciliables. Pour l’UDC et le PLR, il n’est pas question d’introduire des taxes ou des mesures trop contraignantes. Selon Pierre-André Page, il faudrait plutôt poursuivre les incitations, favoriser la responsabilité individuelle et agir au niveau global. «La Suisse possède un millième de la population mondiale. Même si on arrive à un bilan CO2 nul, la Terre continuera à se réchauffer.» Jacques Bourgeois loue les effets obtenus grâce aux incitations. «Preuve en est dans le domaine des bâtiments où on a réduit les émissions de gaz à effet de serre de 26% entre 1990 et 2015.»

Elections en ligne de mire

Les deux partis craignent une instrumentalisation des manifestations par leurs adversaires pour faire aboutir un projet plus contraignant. Le socialiste Christian Levrat milite pour de réels objectifs: «Les cartes sont beaucoup plus favorables au Conseil des Etats, puisque les majorités ne sont pas les mêmes.» Pour obtenir gain de cause au National dans un deuxième temps, il ne voit qu’une solution en plus de la pression populaire: «Il faut que les forces progressistes gagnent les élections. La Loi sur le CO2 dépend directement de cette inversion des majorités.»

Pour Beat Vonlanthen, les manifestations pourraient peser sur le résultat des élections fédérales de cet automne: «Je pense que l’UDC et le PLR doivent prendre ces signaux au sérieux, sinon nous aurons une autre majorité l’année prochaine.» Il reste toutefois prudent sur l’introduction de mesures contraignantes, lui qui, en tant que conseiller d’Etat en charge de l’Economie, avait vu sa proposition d’interdire les chauffages électriques refusée en votation populaire: «Il faut voir quelle est la vitesse acceptable pour obtenir une majorité.» ■


Des débats dans les écoles

Le Conseil d’Etat, qui s’est réuni hier, n’a pas débattu des récentes manifestations en faveur du climat. «A Fribourg, c’est au niveau des écoles que les prochains pas auront lieu», rapporte le président du Gouvernement, Jean-Pierre Siggen. Le Conseil d’Etat a fait du climat un des enjeux de cette législature. Un bilan des émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’une estimation des risques du changement climatique sont en cours d’élaboration. Mais l’Exécutif fribourgeois n’envisage pas, comme son homologue vaudois, de rencontrer une délégation des jeunes manifestants. DM

Galerie photos sur www.lagruyere.ch

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses