Ce que pourrait coûter un exécutif professionnel

jeu, 04. avr. 2019

PAR JEAN GODEL

En vue de la votation du 19 mai, le Conseil communal bullois, qui s’oppose pour l’instant à sa professionnalisation, ne fera pas campagne. Il s’en tiendra aux arguments qu’il avait avancés avant le vote du Conseil général du 8 octobre. Ce jour-là, le Législatif approuvait le principe d’un exécutif à cinq membres à 100% (La Gruyère du 11 octobre). Aucun chiffre ne sera donc officiellement diffusé sur les surcoûts par rapport au système actuel (les neuf élus représentent 4,1 EPT). Pourtant, les conséquences financières d’un tel changement seront au centre de la campagne.

La Gruyère s’est donc tournée vers deux communes qui connaissent déjà un exécutif professionnel: Fribourg et Val-de-Ruz, dans le canton de Neuchâtel. Si les deux Exécutifs ont chacun cinq membres à 100%, les ressemblances s’arrêtent là. Car Fribourg, troisième ville de Suisse romande, est une capitale de 38 000 habitants dont le budget 2019 affiche 261 millions de charges. Essentiellement rurale, la commune de Valde-Ruz, fusionnée en 2013, compte près de 17 000 habitants et son budget 2019 annonce 85 millions de charges. Leurs systèmes de rémunération diffèrent aussi, surtout pour ce qui est des rentes allouées aux anciens conseillers communaux. En cas de oui à la professionnalisation le 19 mai, Bulle (23 500 habitants et 136,5 millions de charges au budget 2019) pourrait donc bien se situer entre les deux. ■


Fribourg s’inquiète de l’après-mandat électif

A Fribourg – comme à Val-de-Ruz – la rémunération des conseillers communaux est d’une totale transparence, pose d’emblée le syndic Thierry Steiert: elle figure dans un règlement approuvé par le Conseil général et modifiable par lui. Ainsi, dans la capitale cantonale, le traitement annuel correspond au sommet de l’échelle des traitements du personnel communal, auquel s’ajoutent 13% pour le syndic, 7% pour le vice-syndic et 5% pour les autres conseillers. Traduit en salaire annuel brut, cela fait 205 000 francs pour le syndic, 195 000 francs pour le vice-syndic et 190 000 francs pour les autres conseillers.

Costume-cravate compris

A cela s’ajoute un forfait pour les divers frais de déplacement et de représentation, y compris les repas et autres costumescravates de rigueur. Le syndic touche 600 francs par mois, le vice-syndic 300 francs, les autres 200 francs. En outre, la commune rembourse, le cas échéant, le demi-tarif des CFF. Les conseillers peuvent aussi demander un abonnement général des TPF, dont la ville est actionnaire – il doit alors être déclaré comme élément du revenu.

Côté téléphonie mobile, pas de folie à la genevoise sur les bords de la Sarine: la commune rembourse 80% de l’abonnement d’entreprise – à 108 francs par mois – que la commune a contracté avec Swisscom et qui couvre toute l’Europe. A noter que depuis 2016, les édiles fribourgeois rendent à la commune l’intégralité de leurs indemnités et autres jetons de présence touchés pour leurs activités au sein de conseils d’administration ou de diverses associations intercommunales. Ce qui, à eux cinq, représente quelque 100 000 francs par an.

Rente LPP et supplément communal

Pour ce qui est des rentes, la commune applique à ses anciens élus le même système que le Conseil d’Etat. Comme tout employé, les magistrats sont soumis au régime de prévoyance professionnelle. Une fois qu’ils ont cessé leur activité de conseiller communal, ils ont donc droit aux prestations LPP de base.

Mais pour compenser le risque – bien réel – de non-réélection, Fribourg offre des prestations supplémentaires. Elles s’élèvent à 4% du dernier traitement par année de fonction, avec un minimum de 20% (une législature de cinq ans) et un maximum de 60% (trois législatures).

Plusieurs limites sont toutefois prévues. Si l’élu cesse ses activités avant 50 ans, le taux de pension est réduit de 1% par année manquante, jusqu’au minimum de 20%. S’il part avant 40 ans, il ne reçoit qu’une pension temporaire équivalant au nombre de mois où il aura été en fonction. Enfin, s’il a été actif moins de cinq ans, il n’a pas droit à ces prestations supplémentaires.
En 2018, ces «pensions aux retraités», telles qu’elles figurent au budget, ont représenté 984 332 francs pour l’ensemble des anciens conseillers communaux encore en vie et qui ont été élus depuis 2001, date de la professionnalisation de l’Exécutif. Dernier point: si l’ancien édile exerce ensuite une activité lucrative, ces prestations supplémentaires sont réduites de sorte que le revenu global ne dépasse pas le dernier traitement. Elles peuvent donc même être supprimées selon le nouveau salaire du «retraité».

Ailleurs en Suisse, ce système de pensions complémentaires est parfois âprement discuté. Certaines collectivités publiques l’ont remplacé par un régime LPP pur, mais ont dans le même temps massivement augmenté le salaire des magistrats. Ce qui leur permet d’alimenter, durant leur activité, du sur-obligatoire dans leur 2e pilier ou un 3e pilier. «C’est un autre moyen de compenser le risque de nonréélection», justifie Thierry Steiert.

Le syndic de Fribourg se garde bien d’intervenir dans le débat bullois. Mais expérience faite, il juge le système de la capitale équilibré et fonctionnel. «Pour une ville comme la nôtre, il ne serait pas imaginable de revenir en arrière.» JnG


Pas de superflu à Val-de-Ruz

A Val-de-Ruz, les choses sont plus simples. Le traitement annuel d’un conseiller communal est fixé en classe 16 de l’échelle des traitements de la fonction publique de l’Etat de Neuchâtel. Lequel prévoit un minimum annuel brut de 137 000 francs et un maximum de 193 000 francs. La commune fusionnée des hauts de Neuchâtel a choisi: 151 000 francs pour chacun des cinq élus (le titre de président est honorifique).

Au chapitre des indemnités, seul un forfait annuel de 2000 francs est prévu, qui couvre tous les frais: repas, déplacements, représentation et même téléphone. «Pour le téléphone, on peut toutefois contracter un abonnement à tarif préférentiel auprès de l’Etat de Neuchâtel, mais nous le payons nous-mêmes», précise Roby Tschopp. Ce Bullois de 54 ans, ancien directeur de l’association d’actionnaires Actares, a été élu à l’Exécutif de Val-de-Ruz à l’été 2017.

Régime sec, encore, pour les jetons de présence, intégralement reversés à la commune. Y compris la moitié de ceux éventuellement touchés au Grand Conseil, comme député – l’autre moitié allant généralement au parti.

Le 2e pilier et puis c’est tout

Enfin, c’est encore plus simple pour ce qui est des rentes: les élus de Val-de-Ruz sont affiliés à la caisse de pension de l’Etat de Neuchâtel et toucheront donc leur 2e pilier. «Rien d’autre n’est prévu que notre capital-prévoyance, on s’est octroyé peu d’à-côtés», sourit Roby Tschopp. Qui précise toutefois qu’en cas de non-réélection ou de non-représentation au terme d’une législature, une indemnité de trois mois de salaire est octroyée (non valable en cas de départ volontaire). C’est tout.

Cela dit, le règlement de la commune a ceci de particulier que les membres de l’Exécutif sont élus par le Conseil général, non par le peuple. Le règlement précise aussi que le Législatif est tenu de respecter l’équilibre des forces politiques en présence. Une garantie de l’emploi toute relative, donc. Car il faut que les conseillers généraux soient satisfaits du travail fourni et que son parti maintienne ses positions aux élections…

Culture politique neuchâteloise

Au moment de la fusion, effective dès 2013, le modèle professionnel s’est imposé à Val-de-Ruz, désormais troisième commune du canton. «A Neuchâtel, c’est une question de culture politique, analyse Roby Tschopp. C’est un canton relativement bureaucratique et les exécutifs des grandes villes fonctionnent tous ainsi. Comme professionnels, on se fait donc mieux entendre dans le dialogue interautorités.»

Pour cette même raison, les réunions des grandes associations intercommunales sont aussi agendées en journée. Pas jouable pour un exécutif de milice, ou alors au prix de gros aménagements. «Enfin, conclut Roby Tschopp, les quinze conseils communaux de milice que nous avons remplacés ne coûtaient pas nécessairement moins cher que nous cinq à plein temps.» JnG

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