«Pour avoir une région attractive, il faut que ça vive»

mar, 14. mai. 2019

PAR CLAIRE PASQUIER

Il a accédé à la présidence de l’Association touristique de la Gruyère en 2002. Raoul Girard a été témoin de l’inauguration des Bains de la Gruyère, de la nouvelle exposition Cailler et de l’essor du Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Sous son ère, les trois pôles touristiques de la région – Bulle, Gruyères-Moléson et Charmey – ont enfin fusionné. Le futur ex-conseiller communal de Bulle prend congé pour «laisser la place à d’autres». Le point sur ce qui caractérise le tourisme gruérien et les défis à venir.

Est-ce qu’on vend bien la Gruyère?

Raoul Girard. On la vend bien! On a des moyens limités en comparaison avec d’autres régions, mais on bénéficie par le fonds marketing cantonal, par les campagnes de Suisse Tourisme, de pas mal de moyens et de visibilité. Parce que notre région n’est pas n’importe quelle région touristique.

Qu’est-ce qui attire les visiteurs chez nous?

C’est la cité de Gruyères principalement. Ensuite, les quatre grandes animations que sont la Maison Cailler, la Maison du Gruyère, le château et les Bains de la Gruyère. Un million d’entrées payantes entre ces quatrelà: peu de régions en Suisse peuvent se targuer d’une telle fréquentation. A Bâle et Zurich, ils y arrivent en additionnant les entrées des zoos et des musées. Un autre atout, c’est qu’il y a d’autres attractions, plus petites, qui viennent se greffer. L’été, il y a également les paysages et les randonnées pédestres.

Le tourisme régional est varié. Pourquoi n’arrive-t-on pas à retenir les visiteurs plusieurs jours?

C’est le défi à venir en effet. Plus on a d’animations, d’activités, mieux c’est. Mais il faudra travailler sur l’âme de la région. Que ce soit dans les domaines sportifs, événementiels, mais aussi culturels. C’est un tout. Pour avoir une région attractive, il faut que ça vive, qu’il y ait une âme. Le touriste veut de plus en plus des expériences. Au niveau des infrastructures sportives, quand on parle du centre sportif, il y a aussi une vocation touristique: une piscine ou une patinoire donne la possibilité pour des camps d’entraînement, par exemple.

Pensez-vous que Airbnb pourrait permettre de faire rester les gens davantage?

Notre offre hôtelière est intéressante. C’est vrai que les nuitées peuvent se faire de différentes manières. Mais ce qui manque à l’heure actuelle, ce sont les tours operators, qui ne s’arrêtent pas dans la région.

Quel acteur du tourisme doit négocier avec les tours operators?

Ce sont les hôtels qui gèrent cela. Mais encore faut-il avoir assez de places pour accueillir deux cars entiers, en plus de la clientèle habituelle…

Un moment fort pour le tourisme gruérien?

A chaque fois qu’il y a eu une nouvelle infrastructure inaugurée où l’on sentait le potentiel pour la région. Quelque chose qui sera primordial dans les années à venir pour nous, c’est le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut (PNR).

Le PNR, vraiment?

Oui. Ça colle parfaitement à la région avec cette idée de durabilité. Pour conserver notre image de marque, la verte Gruyère, le PNR joue un rôle majeur. Il fait partie du réseau Parcs suisses, le tourisme doux se développe. Le fait que Gruyères soit entrée dans le parc est un vrai plus. On en parle relativement peu, mais le public pour cette offre existe.

Quels sont les prochains grands enjeux?

Au-delà des infrastructures supplémentaires, la qualité de l’aménagement – conserver l’image de la verte Gruyère – est extrêmement importante. Les transports et la mobilité seront un vrai enjeu à l’avenir. Je ne suis pas persuadé que dans dix ou vingt ans, la mobilité individuelle soit la même. Et on ne parle pas souvent de cela: comment se déplaceront les touristes?

Comment?

Comment les gens se déplacerontils? Peut-être que le RER se développera jusqu’à Broc. Mais comment se rendront-ils dans les stations? Comment rejoindre les rives du lac sans transports individuels? Ce sont des questions qu’on doit se poser. Le tourisme de masse en voiture va continuer, mais les gens hésitent de plus en plus.

On a souvent évoqué le lac de la Gruyère en s’interrogeant sur la manière de mieux le vendre…

Le lac aura un potentiel énorme dans les années à venir. On est une région connue pour ses montagnes, sa gastronomie, mais en plus on a un lac! Avec ses difficultés certes, car il est exploité, mais en été il est fantastique. C’est un atout que la région n’a pas encore suffisamment développé.

Y a-t-il des projets en cours pour l’animer?

Il y a un projet bien particulier auquel je pense: c’est Goya Onda. Produire des vagues de surf sur le lac de la Gruyère, si ça se fait, ça aura un succès phénoménal. Il est génial et les deux initiateurs sont complètement fous. Leur projet est dans le Plan directeur cantonal! C’est futuriste et ils l’ont imaginé de manière écoresponsable. C’est le meilleur exemple de potentiel du lac.

Vous avez pris la présidence de l’Association touristique de la Gruyère (ATG) il y a dix-sept ans, où en était-elle?

Elle était jeune. Elle avait dix ans. Avec les trois pôles de départ que l’on connaît – Bulle, Gruyères-Moléson, Charmey – il y avait beaucoup de doublons. Beaucoup de gens qui faisaient leur promotion dans leur coin. Et le but était vraiment d’unifier cela. Une première phase a pu être réalisée en 2005. Plus de quatorze ans après, la reprise de l’Office du tourisme et des activités de Charmey en début d’année constitue un aboutissement.

Intégrer Charmey Tourisme à La Gruyère Tourisme permettra-t-il d’avoir une stratégie plus globale et plus efficace?

Le but premier a toujours été de vendre la Gruyère. On bénéficie d’un nom fantastique, l’un des plus connus de Suisse grâce au fromage. On a cette image de marque et des destinations attrayantes, mais on doit vendre aujourd’hui notre région dans sa globalité. Je suis très content qu’on ait réussi à réunir tout le monde. Il y a désormais un cap nouveau à passer.

En tant que président de La Gruyère Tourisme, quel était votre rôle?

Agir sur la promotion, gérer les professionnels qui le font au quotidien. Les réussites, c’est à eux qu’on les doit, au directeur actuel Pascal Charlet, à son prédécesseur, Fabien Mauron qui a fait un travail remarquable. Ces gens-là n’ont pas compté leurs heures. Ils sont bourrés d’inventivité et de créativité. J’ai remarqué que le tourisme ici a beaucoup et souvent évolué grâce à des gens de l’extérieur, pas forcément des Gruériens. C’est intéressant de le souligner. ■


Le tourisme n’est pas le ski

Vous parlez de tourisme d’été et d’attractions touristiques, mais pas tellement de remontées mécaniques…

Je le dis depuis dix-sept ans: les remontées peuvent faire partie du tourisme, mais elles sont principalement des infrastructures de sport pour la population locale. On prend toujours un peu le tourisme en otage avec les remontées mécaniques. Je fais beaucoup de ski, j’en ai fait depuis que j’étais petit, mais quand je me retrouve un dimanche matin à Jaun ou à Moléson, je vois des gens comme moi qui vont skier avec leurs enfants. Ce ne sont pas des touristes.

Je comprends la nostalgie de voir des remontées mécaniques qui ne tournent pas. On l’imaginait avant, aujourd’hui c’est la réalité. Mais les remontées ne sont pas, selon moi, une priorité touristique. Je me suis souvent exprimé sur ce sujet en tant que député: j’avais un avis assez tranché sur la chose, parce qu’économiquement rationnel.

En mars, vous disiez dans ces pages que la Gruyère comptait trop de remontées par rapport à son périmètre?

On se retrouve dans une situation où il y en a une de moins. C’est le discours que j’avais tenu au Grand Conseil et qui m’avait valu de nombreux «amis» – même si les gens étaient généralement d’accord avec moi en dehors du Grand Conseil et des lobbys. On a fait le choix de saupoudrer un peu partout et de faire plaisir à tout le monde. Aujourd’hui, j’aurais bien aimé avoir tort, mais je n’ai lu que des papiers qui disaient que j’avais raison.

Faudrait-il qu’elles s’unissent?

Qu’elles se mettent ensemble et qu’elles fassent des choix stratégiques, très certainement.

Selon le rapport Préalpes Visions 2030, le salut de ces installations passe par les canons à neige. Comment vous positionnez-vous?

J’ai toujours été très sceptique sur leur utilisation pour deux raisons. La première est financière. Du reste, le rapport le dit bien: «On sera d’accord de financer seulement si la société est rentable.» Aujourd’hui, cela reste un problème. La deuxième concerne l’image de la région que l’on veut donner, avec un bilan énergétique qui soit respectable. CP


Nicolas Wyssmueller à la présidence

«Tout le monde croit que j’arrête ce mandat en rapport avec mon nouveau poste de secrétaire communal. En fait, j’avais annoncé à l’assemblée de l’an dernier que j’arrêterais après dix-sept ans», rappelle Raoul Girard qui présidera la dernière assemblée générale de La Gruyère Tourisme, demain soir.

«Il est de tradition que ce soit un Bullois qui préside comme il y a trois pôles touristiques et que Bulle joue un rôle financier important.» En 2018, Raoul Girard avait suggéré que le conseiller communal bullois Nicolas Wyssmueller entre au comité en tant que membre invité. «Je proposerai donc qu’il prenne la présidence.» Monique Durussel, conseillère communale à Gruyères, poursuit en tant que vice-présidente. CP

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