Les Américains ont choisi Donald Trump comme 45e président, alors que tous les observateurs annonçaient la victoire de sa rivale Hillary Clinton. Aucune provocation n’a pu arrêter sa marche vers la Maison-Blanche. Analyse avec le journaliste gruérien Stéphane Bussard, à New York pour l’élection.
Par Xavier Schaller
Correspondant du journal Le Temps aux Etats-Unis, le Gruérien Stéphane Bussard a suivi de l’intérieur l’élection américaine.
L’élection de Donald Trump a-t-elle été un choc?
Je suis à New York, une ville qui vote fortement démocrate. Dans la journée, on a commencé à sentir de l’anxiété dans les conversations. Les gens réalisaient que Donald Trump allait peut-être parvenir à la MaisonBlanche. Au moment des résultats, le choc a été énorme, comme dans la plupart des grandes villes des côtes est et ouest. Donald Trump a surtout obtenu des bons scores dans les banlieues, ainsi que dans les régions rurales.
Dans le jeu des pronostics, tout le monde s’est trompé, médias comme instituts de sondage…
On n’imaginait pas que l’électorat de Donald Trump allait se mobiliser de la sorte. Il n’avait pas d’appareil politique avec lui et il s’est créé un électorat, notamment avec Tweeter. La question était: est-ce que ces gens, ces followers, allaient vo-ter. Entre twitter et voter, il y a une différence. Ils se sont déplacés en masse et ça a été impressionnant.
De qui se compose l’électorat de Donald Trump?
En bonne partie d’Américains blancs peu éduqués, mais pas seulement. Beaucoup sont des déçus des partis politiques, qui se sentent abandonnés. Par le Parti démocrate qui s’est embourgeoisé et leur semble loin de leurs préoccupations. Par le Parti républicain, qui a beaucoup fait pour les plus riches et participé à l’explosion des inégalités, notamment avec des allégements fiscaux importants.
Pas mal d’Afro-Américains et d’Hispaniques ont aussi voté Donald Trump…
Les Afro-Américains se sont moins mobilisés pour le Parti démocrate qu’il y a quatre ans, lors de la réélection d’Obama. Quant à la population hispanique, on pensait, il y a quelques jours encore, que sa forte mobilisation allait être favorable à Hillary Clinton. Mais une frange importante a finalement choisi Donald Trump. En Floride, par exemple, cela explique en partie sa victoire.
Comment Donald Trump a-t-il pu les séduire?
Il a passé toute sa campagne à dire qu’il allait agir en faveur des couches les plus défavorisées qui subissent les effets de la globalisation, de l’automatisation et de la désindustrialisation. Il promet aussi de renégocier des traités de libre-échange qu’il voit comme défavorables aux Etats-Unis. Un multimilliardaire va-t-il agir en faveur des plus démunis? On a quand même quelques doutes. En outre, Trump a fait exploser les cadres habituels d’une campagne, il a dynamité le système politique, les partis, les médias. Il a défié toutes les règles d’une campagne électorale américaine.
Y compris celle de la vérité?
Pour lui, les faits ne comptent absolument pas. Tout ce qu’il a pu dire, toutes les outrances envers les femmes, les musulmans, envers une personne handicapée, tout le monde s’en fiche. Beaucoup de parents aux Etats-Unis se posent aujourd’hui la question: comment vais-je expliquer à mes enfants que les Américains ont choisi pour président un prédateur sexuel qui flirte avec les milieux les plus sombres du pays?
Avec des chambres à majorité républicaines, Donald Trump aura-t-il les coudées franches?
Sa marge de manœuvre sera plus importante qu’on pouvait le penser, car il aura avec lui le Sénat et la Chambre des représentants. Il pourra faire pas mal de «dégâts» au niveau interne. Prenons la réforme de la santé, la fameuse Obamacare, cela va être difficile de la maintenir. Au niveau de la cour suprême, il va sans doute nommer des juges très défavorables à l’avortement ou au mariage gay – des choses qui sont maintenant ancrées dans la société américaine.
Est-ce que la fonction présidentielle peut changer l’homme?
J’ai envie de reprendre la phrase de Michelle Obama: «La fonction ne change pas l’homme, elle le révèle.» Le Donald Trump que l’on connaît ne va pas foncièrement changer en tant que président. A l’issue des primaires, certains républicains disaient déjà: «Il a été odieux jusque-là, il sera différent dans la deuxième partie de la campagne.» Mais Donald Trump reste Donald Trump.
Commentaires
B.b. (non vérifié)
jeu, 10 nov. 2016
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