Dos au mur, Val-de-Charmey lance un ultimatum au canton

| jeu, 29. déc. 2016

La commune affirme ne plus pouvoir assumer seule les coûts de ses remontées mécaniques. Elle exige de leurs propriétaires une aide au renouvellement de la concession et une autre pour leur fonctionnement. Si l’Association régionale la Gruyère (ARG) semble prête à entrer en matière, c’est silence radio du côté du canton. Analyse.

PAR JEAN GODEL

Comment le canton de Fribourg va-t-il réagir à l’ultimatum que lui a lancé le Conseil communal de Val-de-Charmey en vue du renouvellement de la concession du Rapido Sky? Ultimatum auquel souscrit la population, elle qui a suivi l’Exécutif comme un seul homme à l’assemblée communale du 12 décembre.
Car il s’agit bien d’un ultimatum: si, au 30 avril 2017, date butoir de remise du dos-sier à l’Office fédéral des transports, Val-de-Charmey n’a pas reçu confirmation de l’engagement des propriétaires institutionnels du Rapido Sky – canton et Association régionale la Gruyère (ARG) – l’installation cessera ses activités au 31 juillet, à l’échéance de sa concession. Cet hiver, pour autant qu’il commence, pourrait donc être le dernier à Vounetz.
On n’en est pas encore là, car l’aide des pouvoirs publics pour le renouvellement de la concession semble possible (lire ci-dessous). Mais il est une autre révolution que Val-de-Charmey espère imposer: que les propriétaires publics des principales remontées mécaniques (RM) du canton subventionnent le fonctionnement des sociétés exploitantes. C’est la mutualisation des charges.
Car dans un avenir proche, estime la commune, aucune société ne sera rentable à nos altitudes vu le modèle d’affaires encore trop hivernal. Le 12 décembre, le syndic de Val-de-Charmey, Yves Page, a été clair: pour lui, le système actuel a atteint ses limites et sa commune ne pourra plus supporter seule un tel poids économique. «Le soutien de l’Etat devient indispensable.»


«Pas un sujet tabou»
Le principe d’une aide au fonctionnement ne choque pas le préfet de la Gruyère Patrice Borcard, président de l’ARG. «Ce n’est pas un sujet tabou. Mais il faudra d’abord mettre les lois en accord avec un tel soutien et adopter une attitude égale envers toutes les stations. Car il ne peut y avoir de “lex Charmey” au risque de voir émerger des tensions régionalistes.»
C’est un fait: le cadre légal actuel ne permet pas au canton de subventionner le fonctionnement des RM. Les règles de l’ARG pas plus. Canton et ARG ont financé l’investissement de départ et détiennent respectivement 49% et 25% de Télégruyère SA, propriétaire du Rapido Sky (Charmey) et du funiculaire (Moléson). Télégruyère les loue ensuite aux sociétés exploitantes, chargées de leur fonctionnement.
Si un subventionnement devait intervenir, cela se ferait non pas via l’ARG, mais plutôt par le biais de l’Association sports en Gruyère (ASG), dont le but est précisément de soutenir le fonctionnement d’infrastructures d’importance régionale (piscines en plein air, patinoire de Bulle). Mais il faudra l’accord de toutes les communes du district.


«Too important to fail»
Président des Remontées mécaniques suisses (RMS), Dominique de Buman entre lui aussi en matière, mais avec prudence: «Chaque dossier doit être étudié séparément. Si l’analyse du microcosme économique local prouve que toute une chaîne de prestations touristiques tient grâce à l’offre des RM, alors on peut se poser la question d’une intervention des autorités politiques. L’Etat agirait subsidiairement, une fois prises toutes les mesures d’économies, en tant que représentant d’une partie du territoire public bénéficiant de ces équipements.»
Début décembre, le directeur des RMS, Ueli Stückelberger, y allait plus franchement dans un entretien à la Südostschweiz, affirmant que de nombreux domaines skiables suisses ne pourraient survivre sans argent public. Près d’un tiers, lit-on sur le site des RMS, auquel s’ajoute un autre tiers de sociétés bénéficiant d’allégements indirects (intérêts réduits, détaxes). «Je ne le vois pas comme quelque chose de négatif, du moment que toute la région concernée en tire un bénéfice», ajoutait Ueli Stückelberger. Lui parle d’entreprises «trop importantes pour disparaître» (too important to fail, adaptation du too big to fail du secteur bancaire).
Pour Dominique de Buman, le modèle fribourgeois à deux sociétés (l’une propriétaire, l’autre exploitante) ne fonctionne pas si mal: les installations sont à niveau, le Fonds d’équipement touristique vient en appui et les adaptations vers un tourisme estival ont globalement été engagées.
De plus, il force les communes et les exploitants à se responsabiliser. «L’Etat ne peut pas tout prendre en charge, on ne peut pas lui passer deux fois la sébile.» D’autant qu’il accorde des conditions avantageuses de location des installations aux sociétés exploitantes.


Le temps presse
Mais à Val-de-Charmey, le temps presse. Or l’ARG veut d’abord s’accorder un temps de réflexion. «Les communes, qui ont déjà investi des millions, veulent d’abord comprendre, insiste Patrice Borcard. La situation critique à Charmey ne doit pas brusquer leur réflexion. L’ARG doit travailler pour toute la région.»
Elle a pour cela lancé trois groupes de travail. Un premier étudiera les synergies entre stations – ailleurs, des régions grandes comme la Gruyère n’ont qu’un seul exploitant… Un deuxième analysera leur potentiel au vu des changements climatiques. Problème: alors que, sur Vaud, c’est le canton qui a mené cette lourde réflexion avec, au final, des choix courageux, à Fribourg, le Conseil d’Etat a refilé la pa-tate chaude à l’ARG qui a dû élargir l’étude aux Paccots (le Lac-Noir mènera sa propre analyse). Un troisième groupe synthétisera ces réflexions en élaborant un concept touristique régional.


Silence cantonal
Que dit le canton des affaires charmeysannes? Pour l’heure, rien. Le 3 octobre, une délégation du Conseil communal de Val-de-Charmey, accompagnée du préfet Patrice Borcard, a rencontré les conseillers d’Etat Beat Vonlanthen (Economie), Maurice Ropraz (Mobilité) et Georges Godel (Finances). Si seul le renouvellement de la concession du Rapido Sky a été abordé, la commune aurait reçu un engagement de principe ferme des trois ministres «qui ont chacun déclaré que le démantèlement des installations était inenvisageable», a révélé Yves Page à ses concitoyens le 12 décembre.
Sollicité, Georges Godel nous a renvoyés à son nouveau collègue de l’Economie, resté silencieux. Aujourd’hui, beaucoup espèrent que l’arrivée d’Olivier Curty à l’Economie et de Jean-François Steiert à la DAEC fera évoluer le point de vue de l’Etat.

 

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«L’Etat a investi de manière inadaptée»


Le renouvellement des concessions du Rapido Sky, à Charmey, et du funiculaire de Moléson, qui arriveront à échéance le 31 juillet 2017, pourrait bien aboutir. «Le canton et l’ARG, propriétaires de près de 75% des deux installations, doivent trouver les modalités de ce réinvestissement», analyse Patrice Borcard, président de l’Association régionale la Gruyère (ARG). Le comité de l’ARG est d’accord sur le principe: «Après avoir investi des millions, ce serait un manque d’intelligence de se retirer maintenant. Et il devrait être assez facile de démontrer l’impact de ces installations sur l’économie régionale.»
A Val-de-Charmey, il en coûtera 1,16 million de francs. La commune met 260000 francs sur la table. Elle espère que l’Etat, via ses sociétés mixtes, verse 650000 francs. Dans l’attente d’une décision de l’ARG, 300000 francs seront empruntés. Mais tout tombera à l’eau si l’Etat ou l’ARG ne devaient pas entrer en matière.


Quid du fonctionnement?
Reste l’épineux dossier des frais de fonctionnement. Le 12 décembre, l’assemblée communale a abandonné le principe du fonds de compensation aux remontées mécaniques (RM) de 250000 francs annuels. Lequel était chaque année suivi d’une rallonge. En lieu et place, un poste est créé au budget de fonctionnement. Il a été doté de 700000 francs, ce qui devrait suffire pour cet hiver et l’été 2017. Pour la suite, la commune attend des engagements fermes du canton et de l’ARG. Ce qui, en réalité, revient à poser un second ultimatum aux autorités propriétaires.
Syndic de Val-de-Charmey, Yves Page ne s’en émeut guère: «Cela fait depuis 2011 que le délai court, sans aucune réaction de la part de l’Etat.» En 2011 et 2012 en effet, la commune avait déjà alerté Beat Vonlanthen.
Alors, lex Charmey? Au contraire, renvoie Yves Page: la commune «joue les Winkelried», elle qui est prête à se sacrifier pour forcer les acteurs à se mettre à table et trouver une solution. «Car ne nous leurrons pas: à l’avenir, les autres stations se trouveront dans la même situation que nous.»


Des causes politiques
Pour lui, les causes de ce bourbier sont connues: elles sont politiques. «En 2008 (n.d.l.r.: subvention pour le renouvellement de six installations de tout le canton), l’Etat a donné à tout le monde sans prendre en compte le potentiel du ski en Gruyère. Et on se retrouve avec quatre stations, alors que le nombre de skieurs est en baisse et que les saisons se déplacent. L’Etat a investi de manière inadaptée, sans faire de choix. C’est incroyable!» Seule, Val-de-Charmey ne pourra plus s’en sortir, avertit le syn-dic: en 2016, chaque Charmeysan a payé 375 francs pour ses RM. «Si on continue, c’est un pont de la Poya à payer tous les vingt mois. Ce n’est plus supportable au moment où se profilent de nouvelles charges: le CO3, la RIE III, la nouvelle école et la traversée du village.»
Yves Page estime que sa commune a fait le ménage et repris les choses en main en mettant sur pied d’importan-tes réformes dans la gestion des RM
et en opérant un réel rapprochement avec Bellegarde. Il salue le comportement «admirable» de Val-de-Charmey qui a investi des dizaines de millions pour ses infrastructures depuis les années 1960: «Aucun village ne s’est autant engagé pour le tourisme en Gruyère. Quelque chose doit se passer à l’Etat. Sinon on ferme le 31 juillet.» JnG

 

Commentaires

Les Gruériens vont de toute façon skier avec leurs familles en Valais. Ca gonfle leur égo. Malheureux à dire mais vrai. Quand tout sera fermé, ce sera un peu de leur faute aussi. In posterum, non querantur.
Cet hiver, il n'y a pas d neige à Charmey; tout le monde se promène; il manque des sentiers pédestres adaptés; il y a des possibilités de créer des chemins ravissants le long du Javro, autour du lac, des aires de pique-nique au bord de la jogne, et si on investissait dans ce tourisme vert "doux", on risque bien d'avoir plus de touristes que les années passées!
Je ne comprends pas pourquoi la BNS investit des milliards dans de lointaines économies pour empêcher le franc suisse de monter, alors qu'il lui suffirait d'investir de l'argent ici (probablement 10 x moins) pour déprécier le franc suisse et maintenir la compétitivité de notre pays. Je me permets de rêver: un plan de 20 milliards financés par la planche à billets de la BNS pour remettre à neuf nos écoles, nos universités, nos remontées mécaniques, nos installations électriques (du solaire), etc. Vous ne pensez pas que le franc suisse baisserait un peu ? Ne serait-ce pas plus "efficace" que d'acheter en masse des actions de google/apple/ et autres ?? Nous aurions tout à y gagner, non ?
Je suis très surpris de lire cette article. Je trouve le comportement de la commune déplacée vu le contexte actuel . Il faut mieux prévoir une reconversion que de demander de l argent au canton qui a mieux à faire que de dilapidé ces impôts pour enrichit certaine personne . Des familles ont de la peine à payer leur assurance maladie et d autres de subvenir à leurs enfants . C est déjà trop tard la neige ne viens plus sur nos contrées alors mieux vaux une fois dire stop et tirer le rideaux . Car pour avoir du monde dans une station il faut être prêt pour les recevoir .
Merci Philippe d avoir exprimer la vérité . Il faut arrêter ce gaspillage d argent pour enrichir certaines personne et alors aux dirigeant de charmey fermer votre télécabine et nous irons à la Berra ou au Moleson car eux savent gérer sans conflits .

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