PAR FRANK-OLIVIER BAECHLER
«Les stations d’épuration (STEP) fribourgeoises donnent globalement satisfaction. Mais elles entrent dans une phase un peu critique, où nombre d’entre elles devront prévoir des travaux d’envergure.» Le constat émane d’Eric Mennel, chef de la section protection des eaux du Service cantonal de l’environnement.
Première cause d’inquiétude: l’âge avancé de certaines installations. «Leur durée de vie est estimée à une trentaine d’années. Et la plupart des 27 STEP du canton ont été construites entre 1975 et le début des années 1990», souligne le spécialiste.
La plus grande d’entre elles, celle de Fribourg, avec ses 187500 équivalents habitants (EH), est aussi la plus ancienne (1969). Dans le Sud fribourgeois, la STEP de Romont, inaugurée en 1976, fait office de doyenne. Dix ans plus tard, suivaient les installations de Broc, puis de Vuippens, qui comptent parmi les plus importantes du canton.
Limites de capacité
Ces deux STEP, entre autres, atteignent pourtant les limites de leur capacité. En raison du développement de la région, elles ne seront bientôt plus à même de traiter efficacement les eaux qu’elles reçoivent. «Les chiffres de la croissance démographique sont spectaculaires, dans le canton. Quelque 335000 habitants sont annoncés pour 2035, contre 280000 aujourd’hui», rappelle Eric Mennel.
Les districts du Sud, on le sait, sont concernés au premier chef par cette tendance. «D’autant qu’en Gruyère, l’augmentation de la population pourrait s’accompagner d’un développement économique tout aussi rapide. Le jour où une grande entreprise frappe à votre porte, il vaut mieux être prêts. On n’agrandit pas une STEP en deux mois. Trois ans sont généralement nécessaires», affirme le spécialiste. Soit le délai prévu par l’Association intercommunale du bassin Sionge – qui compte 13 communes, dont le chef-lieu gruérien – pour doubler la capacité des installations de Vuippens (lire ci-dessous).
La troisième épine dans le pied des communes se situe au niveau du réseau d’évacuation. «Une part importante des eaux amenées à certaines STEP provient de drainages, de fontaines ou encore de trop-pleins de sources. Il faut sortir ces eaux non polluées du réseau. Elles utilisent inutilement la capacité de la STEP, nuisent à son bon fonctionnement et gaspillent de l’énergie. L’objectif, d’ici à 2020, est de ramener leur part à 30% en moyenne», précise le citoyen de Givisiez.
Pour toutes ces raisons, la plupart des STEP seront confrontées, dans un futur plus ou moins proche, à de nécessaires rénovations, agrandissements ou ajustements. Et, à en croire Eric Mennel, la facture s’annonce plutôt salée. «A leur construction, les STEP ont été subventionnées par l’Etat de Fribourg et la Confédération, à hauteur de 70% environ. Mais les transformations à venir seront à la charge exclusive des associations de communes. Avant d’être reportées sur les utilisateurs, selon le principe du pollueur payeur.»
La loi fédérale exige, en effet, que la totalité des frais liés à l’épuration des eaux usées soient couverts par les taxes ad hoc. «Actuellement, seule la moitié des communes fribourgeoises disposent d’un règlement conforme à ce principe. Les autres communes ont jusqu’à fin 2013 pour faire les adaptations nécessaires.» Les consommateurs peuvent s’attendre à de mauvaises nouvelles.
Raccordements envisagés
Pour limiter la douloureuse, des «fusions» de STEP pourraient être à leur tour envisagées. «Les installations de petite et moyenne importance coûtent cher à exploiter. Une réflexion doit être menée pour connaître leur éventuel intérêt à se raccorder à une voisine plus grande. A l’exemple de Cottens, dont les eaux sont désormais traitées à Autigny.»
Trois regroupements, suggérés par le Service de l’environnement, sont actuellement en cours d’étude. Le plus important concerne le Seeland, entre les cantons de Neuchâtel, Berne et Fribourg (avec les STEP de Morat et Kerzers). Le deuxième englobe les installations situées dans le périmètre de la capitale cantonale. Le dernier pourrait raccorder Broc et Charmey. «Aucun aménagement n’est requis à Charmey pour les années à venir. Mais comme de gros travaux sont prévus à Broc, un futur raccordement n’est pas à exclure d’office», glisse Eric Mennel.
Le chef de section le rappelle toutefois: l’Etat de Fribourg, par l’intermédiaire du Service de l’environnement, joue surtout ici un rôle de planificateur, tout en s’assurant du respect du contexte légal en vigueur. La mise en œuvre, quant à elle, reste l’affaire des communes. «Mais le statu quo serait clairement problématique.»
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Projet mastodonte à Vuippens
Parmi les projets de transformation des STEP du Sud fribourgeois, celui de Vuippens fait figure de mastodonte. L’objectif? Traiter, dès 2015, les eaux usées de 85000 équivalents-habitants (EH), soit quasiment le double de la capacité actuelle. Une ambition et un empressement qui s’expliquent par la construction, à Bulle, de la nouvelle unité de production biotechnologique du groupe UCB. Sans parler de la croissance démographique.
Le budget dépendra de la variante retenue par le comité de l’Association intercommunale du bassin Sionge (AIS), composée des communes de La Roche, Pont-la-Ville, Hauteville, Corbières, Pont-en-Ogoz, Sorens, Marsens, Riaz, Echarlens, Morlon, Bulle, Vuadens et Vaulruz. «Mais il dépassera la limite de 15 millions de francs fixée pour le référendum obligatoire», précise Norbert Vuarnoz, chef d’exploitation.
A Broc, une première phase de travaux portera – dès 2014 – la capacité de la STEP à 32800 EH, pour un coût de 2,3 millions de francs. Le crédit a été accepté par les huit communes membres de l’Assemblée intercommunale du comté de Gruyère (AICG), soit Gruyères, Broc, Botterens, Haut-Intyamon, Le Pâquier, Grandvillard, Bas-
Intyamon et Bulle. Une deuxième étape, devisée à près de 5,8 millions de francs, pourrait intervenir dès 2017. Et viser les 45000 EH.
La STEP d’Ecublens aussi envisage une extension de sa capacité. En 2010, les premières évaluations lorgnaient vers les 30000 EH, pour une facture de quatre à six millions de francs. «Le projet a un peu grandi depuis», confie Pierre-André Maillefer, chef d’exploitation, sans en dire plus pour autant. Des décisions seront prises, le 28 juin prochain, par le comité de l’Association des eaux VOG (Veveyse, Oron et Glâne).
Quant à l’installation située à Romont, qui couvre les besoins de huit communes glânoises, elle n’a pas encore dépassé le stade de l‘étude de faisabilité. «Pour l’instant, la situation n’est pas problématique», affirme Marc-André Périsset, chef d’exploitation, qui rappelle que des travaux de rénovation et d’agrandissement sont déjà intervenus dans les années 1990. FOB
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