PAR JEAN GODEL
Hier, Sébastien Pochon a quitté Grolley pour une expédition de six semaines au Pérou. Objectif: la Cordillera Blanca, ses nombreux 6000 m et leurs parois de mille mètres avec des voies encore non ouvertes. Le Fribourgeois de 22 ans est l’un des neuf alpinistes sélectionnés par le Club alpin suisse (CAS) dans le cadre du module «Alpinisme de haut niveau pour les jeunes». Adopté en 2008, ce projet pilote de promotion de l’alpinisme de haut vol auprès des jeunes vise à combler une lacune dans le panel des formations sportives offertes par le club.
Car si les filières de l’escalade sportive ou du ski-alpinisme sont complètes, avec chacune, au sommet, un cadre national (comme le Swissteam pour le ski-alpinisme), étonnamment, celle de l’alpinisme classique, creuset historique du club, était le parent pauvre de la formation sportive: seuls les échelons de base étaient enseignés.
Il faut dire aussi qu’il n’existe pas de compétition en alpinisme classique. Pourtant, pratiquée au plus haut niveau, la discipline exige des connaissances poussées dans tous les domaines. Sans parler de l’endurance et de la maîtrise de soi… D’où l’initiative du CAS: «En alpinisme, il n’existe aucune structure pour des athlètes ambitieux», constatait en 2009 le document fondateur adopté par le comité central du club.
Donnant donnant
Les Erhard Loretan (hier) et Ueli Steck (aujourd’hui) font des émules. Si eux se sont formés eux-mêmes, pour ainsi dire sur le tas, le CAS a décidé, à l’instar des clubs alpins français et allemand, de proposer une véritable filière aux jeunes alpinistes les plus performants. Lancé à l’automne 2009, le projet pilote de trois ans s’achève cet été avec l’expédition au Pérou, organisée de bout en bout par les neuf participants, recherche de sponsors y compris.
Durant la formation, ils ont participé à plusieurs week-ends et semaines de formation, coachés par Denis Burdet et Roger Schaeli, deux grimpeurs de l’extrême qui les accompagnent au Pérou. Pour les neuf chanceux, le but était d’acquérir, sur le plan technique, une indépendance maximale, mais aussi une capacité à organiser des expéditions de façon autonome.
En retour, le Club alpin attend d’eux un effet multiplicateur auprès des OJ dans la promotion de l’alpinisme classique et international: «A notre retour, confirme Sébastien Pochon, nous irons à leur rencontre pour montrer notre expédition, mais aussi pour les motiver à suivre une formation d’alpinisme. Et aussi les rassurer.»
Même s’ils sont jeunes (au recrutement, les candidats doivent avoir entre 16 et 20 ans), ces types-là (dont Christelle Marceau, de Neuchâtel, la seule femme) sont déjà des pointures. Sébastien Pochon, par exemple, est moniteur d’escalade, spécialiste alpin à l’armée (distingué par le Piolet d’or en 2011) et coresponsable OJ à la section Moléson du CAS – l’expression «organisation de jeunesse» est en l’occurrence trompeuse… Il a déjà organisé une expédition au Kirghizistan en 2009 et promené ses crampons du côté de la Patagonie et du Maroc.
Approche plaisir
Alors ce module de trois ans, il le juge utile malgré quelques lacunes dues à la jeunesse du concept: «On a un peu été laissés à nous-mêmes en dehors des formations organisées.» Et puis, il faut concilier entraînements personnels et vie professionnelle. Lui, après un an en géologie à l’Université de Fribourg, entamera cet automne un stage de forestier-bûcheron avant d’enchaîner l’an prochain avec la filière d’ingénieur-forestier à la Haute Ecole de Zollikofen. «Un bon complément au métier de guide.» Car bien sûr, le Sarinois envisage de devenir guide de montagne.
Les avantages de ce module sont donc indéniables: «C’est une très bonne préparation, elle donne aussi une certaine réputation.» Faut-il y voir une volonté d’assurer la relève des Ueli Steck et consorts? «Oui, mais avec de gros guillemets.» Ce n’est pas qu’il n’admire pas le Bernois aux nombreux records de vitesse en solitaire, au contraire: «Peu arriveront à son niveau! Mais c’est vrai qu’il prend beaucoup de risques. Mon approche est plus orientée sur le plaisir.»
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