PAR SOPHIE ROULIN
Une falaise qui s’effrite d’un côté, un talus qui plonge dans la Sarine de l’autre, un chantier comptant pas moins de quinze ouvrages, une route qui ne peut pas être fermée même pour une courte période, deux grues à installer dans des endroits improbables… Les données pour un examen final de chef de chantier? On pourrait le croire en cette période de fin d’année scolaire. Mais le cas est bien réel: il s’agit des travaux de correction routière à La Chaudanne, sur la commune de Rossinière.
«Et pour compliquer le tout, le pont principal fait un S, avec encore une bosse pour passer sur la voie du train et des courbes qui changent tout le temps», ajoute Philippe Remy, chef du secteur grands travaux chez JPF Construction SA. Un vrai chantier pour qui adore les casse-tête géométriques. «Tout ça avec encore une ligne électrique à moins de deux mètres des travaux.» Celle du Montreux-Oberland bernois (MOB), dont il n’est pas question non plus d’entraver les activités.
Un pont de 190,5 m
Les travaux ont débuté en mai 2011 et se termineront à l’automne 2013. En deux ans et demi, la route aura été élargie et corrigée, à La Chaudanne ainsi qu’au lieu-dit Les Rez, et le passage à niveau supprimé. «Pour offrir une sécurité accrue aux usagers», comme le précisait un communiqué du Service vaudois des routes à l’ouverture du chantier. Une sécurité devisée à plus de 20 millions, selon le décret voté par le Grand Conseil vaudois, dont 14 millions de travaux confiés au consortium fribourgeois regroupant JPF et Grisoni-Zaugg.
Réfugié dans un container de chantier, Philippe Remy déplie les plans et énumère les ouvrages, sous l’œil attentif de Nicolas Borcard, chef du chantier: construction d’une estacade le long du pont sur la Sarine et aménagement d’un trottoir vers Les Moulins, élargissement de la route devant le restaurant de La Chaudanne en creusant dans la roche, renforcement du pont sur le torrent du même nom…
«L’automne dernier, on a attaqué le pont principal, long de 190,5 mètres et constitué de sept travées», indique le directeur de projet. Et de poursuivre avec des explications sur les tours d’étayage, la structure métallique nécessaire au coffrage, les puits marocains, les parois berlinoises… «Ce sera plus clair sur le chantier», lâche-t-il devant la mine dubitative d’une journaliste non spécialisée dans le domaine du génie civil.
Une niche dans la falaise
Sous la pluie battante, une trentaine d’ouvriers de l’entreprise gruérienne s’activent. Une partie d’entre eux pose le revêtement du trottoir dans la zone proche du restaurant. Juste après le bâtiment, des escaliers provisoires permettent de descendre au pied des ouvrages. «Le mur à contreforts existant a été assaini, indique Philippe Remy. On l’a bétonné et ancré afin de créer l’assise de la culée du nouveau pont, côté Les Moulins. Ensuite, on a mis en place la structure métallique qui permet de coffrer et de bétonner le pont lui-même.» Un enchevêtrement ordonné de poutres et de traverses métalliques orange laisse apprécier la complexité de la mise en œuvre.
Gravats évacués à bras
En dessous du pont qui commence à se dessiner, une des deux grues se tient en équilibre sur un replat. «On l’a montée depuis la déchetterie, sur l’autre rive», précise Philippe Remy. Pour installer la deuxiè-me grue, située au bord de la route, il a fallu creuser une niche dans la falaise. «Comme il y avait très peu de place sur la route, on a dû recourir à une technique particulière d’automontage pour cons-truire la grue.» Plus loin, au fond d’un puits d’une dizaine de mètres de profondeur, un ouvrier évacue les derniers éclats de roches. «L’endroit est très pentu et n’est pas accessible avec des engins particuliers, explique Philippe Remy. Nous avons dû opter pour des puits marocains.» Le terrassement se fait depuis le haut, jusqu’à un diamètre de trois mètres.
«Quand on est dans la roche, le creusement se poursuit à l’explosif.» Le consortium recourt pour cela à une entreprise de Cerniat TSM travaux spécialisés et minage S.à r.l. L’évacuation des gravats se fait par une benne soulevée par la grue. Mais, au fond du trou, elle est remplie à bras d’homme. «Quand on a rempli la soumission, on pensait en avoir pour quatre jours de travail par puits – il y en a sept – note le chef de secteur. Avec cette façon de faire, cela prend un mois et ce n’est pas très gratifiant pour les collaborateurs.»
Le timing respecté
Juché dans une nacelle portée par la grue, le visiteur privilégié découvre le chantier dans toute son ampleur et sa difficulté. «Aujourd’hui, la première étape est bétonnée et la deuxième est coffrée, montre Philippe Remy. On compte environ un mois par étape.» D’ici l’interruption hivernale du chantier, cinq d’entre elles devraient être terminées. Selon un timing pour l’heure respecté.
Ajouter un commentaire