PAR VALENTIN CASTELLA
Si Genève-Servette a battu le record du meilleur départ en championnat, Fribourg-Gottéron pourrait également se distinguer en étant l’équipe qui use le plus souvent des séries de tirs au but. Depuis le début de la saison en effet, c’est ainsi que les hommes d’Hans Kossmann ont conclu à six reprises leurs confrontations. Soit plus de la moitié de leurs rencontres. A titre de comparaison, les Dragons avaient disputé six séances de penaltys lors de la dernière saison régulière (50 matches).
A l’heure actuelle, les Fribourgeois s’en sortent plutôt bien avec quatre succès pour deux revers. Une statistique qui leur permet de se maintenir parmi les équipes de tête du classement. Artificiers officiels, Sandy Jeannin et Simon Gamache, ainsi que l’entraîneur Hans Kossmann, dévoilent leur manière de gérer tous les facteurs qui entrent en ligne de compte pour mener à bien cet exercice si particulier.
Le travail en amont
En hockey sur glace, parvenir à tromper le portier adverse n’est pas une sinécure. Lors d’un face-à-face, le dernier rempart a, en effet, davantage de chance de stopper l’essai que l’attaquant de marquer. Ainsi, un travail régulier lors des entraînements est effectué par les joueurs: «Oui, on s’exerce, explique Sandy Jeannin. Mais s’élancer à l’entraînement ou en match est différent. La patinoire est vide et la pression des supporters inexistante.»
Le choix des tireurs
Pour Hans Kossmann, cet exercice n’est donc pas une priorité à l’entraînement. L’homme fort de Saint-Léonard préfère faire confiance à son instinct et à la qualité individuelle de ses protégés: «Je les désigne juste avant la séance. Cela dépend de la tournure des événements, si un joueur est en pleine confiance ou non. Un penalty est un exercice délicat et on ne sait jamais comment cela va se passer. Il n’y a pas de logique ou de règle.»
Pour mettre le plus de chances de son côté, Hans Kossmann avoue miser sur le métier de certains cadres: «C’est vrai que je préfère désigner des éléments d’expérience, même si on peut se tromper. Jeannin avait bien commencé et je continue à lui faire confiance, malgré ses récents échecs. Beni Plüss n’était pas très chaud au départ et il a marqué ensuite. Sprunger est également excellent. Par contre, Dubé a beaucoup manqué l’année dernière et il ne s’élance plus. Il faut sans cesse réfléchir et changer ses plans. Ce n’est vraiment pas évident à gérer, d’autant plus que certains peuvent nous surprendre, comme Brügger, qui a déjà marqué.»
La préparation
Une fois la désignation de l’entraîneur effectuée, le joueur se retrouve seul sur la glace, à piaffer d’impatience au centre de la patinoire. «C’est un moment spécial et difficile mentalement, explique Simon Gamache. A cet instant, vous ne pensez qu’à la manière dont vous allez tirer. Le plus important est surtout de ne pas avoir peur de mal faire.» Sandy Jeannin complète: «Il y a toujours une petite phase d’improvisation, selon le comportement du gardien. Mais on sait avant de s’élancer ce qu’on va faire. Personnellement, je prends ma décision sur le banc, avant d’entrer sur la glace. Ensuite, vous essayez de vous mettre dans une bulle pour tenter d’oublier la pression de l’enjeu et du public. Car tu sens tous les regards posés sur toi. Avec l’expérience, on gère mieux cet aspect. Mais cela reste particulier.»
A chacun sa technique
Benjamin Conz le dit (voir ci-dessous), il observe ses adversaires avant de les rencontrer: «Nous avons tous une ou deux techniques que nous préférons, reprend Sandy Jeannin. Mais, à force, les gardiens commencent à nous connaître et il faut s’adapter, changer de feinte. Le comportement du portier adverse est également important. On ne tire pas la même chose si, en face, il est agressif, passif ou s’il est gaucher ou droitier.» Un changement qui ne favorise parfois pas la réussite: «J’aime bien tirer entre les jambes, sourit Simon Gamache. Mais ils sont tous au courant de cette technique. Elle est tellement connue que certains adversaires pensent que je ne vais pas oser la refaire. Et ça marche parfois. Sinon, j’ai encore quelques mouvements en réserve. On verra bien quand je serai obligé de changer ma manière de tirer.»
Le bon feeling
Il est enfin venu le temps de s’élancer. «Tirer un penalty n’est pas aussi simple que ça en a l’air, rigole Simon Gamache. Car tu dois patiner de manière convaincue, sans trop d’agressivité quand même. Il faut trouver le bon feeling, la bonne vitesse et le bon angle. Ensuite, il ne reste qu’à espérer que la chance soit avec toi.» «La confiance et le calme jouent aussi un grand rôle, argumente Sandy Jeannin. Si vous êtes dans une bonne période, vous ne pensez pas aux choses négatives, mais seulement au geste que vous allez faire. Ensuite, en cas de but, vous êtes soulagé et heureux.»
Aussi indécise que difficile, une série de tirs au but est pour chaque joueur un moment très périlleux et difficile mentalement. Autant d’éléments qui font d’un joueur un spécialiste, ou non.
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Patience et visualisation
Si Fribourg-Gottéron bénéficie d’un bilan positif au niveau des tirs au but, c’est en grande partie grâce aux performances de son portier Benjamin Conz. «Sans lui, nous n’aurions pas gagné quatre séances», confirme l’entraîneur Hans Kossmann. Nous ne marquons pas beaucoup. C’est surtout Benjamin qui arrête tout.»
Les compliments du coach sont légitimes, tant le Jurassien semble à l’aise dans cette discipline. Une réussite due à son talent, mais également à un travail minutieux. «Le jour du match, j’observe l’équipe adverse à la vidéo. Avant que la séance ne commence, je sais à peu près ce que vont faire les joueurs en face de moi. Mais il faut faire bien attention à ne pas trop se fier à la vidéo. Car on prend le risque de se tromper et de passer totalement à côté.»
Avant chaque essai, Benjamin Conz sait donc de quoi est capable son adversaire. Mais cela n’est pas suffisant: «Le plus important est de rester patient. Si tu suis le joueur le plus longtemps possible, il ne saura ensuite plus quoi faire. Je suis également très attentif à ses mains et j’essaie de me concentrer sur la rondelle pour ne pas être trompé par ses feintes.» Au niveau des spécialistes difficiles à jauger, le Jurassien cite le Zougois Damien Brunner, mais aussi Julien Sprunger. «Chaque équipe possède des éléments capables de marquer.»
Contrairement au football, un portier de hockey sur glace a davantage de chances de sortir vainqueur de son duel. Ce qui induit une pression supplémentaire: «C’est sûr que nous avons un rôle très important. Personnellement, je reste plutôt calme, car j’arrive à bien gérer cette tension. Mais une séance de tirs au but reste quelque chose d’à part.» Le gardien use-t-il également de la provocation pour déstabiliser son concurrent? «Non, car nous n’avons pas de contact avec lui. Par contre, celui qui manque est à chaque fois nargué par les joueurs qui se trouvent sur le banc adverse.»
En conclusion, Benjamin Conz minimise les propos élogieux de son entraîneur en n’oubliant pas de préciser que les tirs au but sont une loterie. Et, à ce petit jeu, les Fribourgeois sont plutôt vernis actuellement. Vac
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