Marge de prudence de 40 mio pour les communes du Sud fribourgeois

| jeu, 04. jui. 2013
En 2012, les communes du Sud fribourgeois ont engrangé un bénéfice de 37,6 millions de francs, alors qu’elles prévoyaient un déficit de 3,2 millions. Analyse de ce phénomène avec Gilles Ballaman, conseiller économique auprès du Service des communes.

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

A en croire les communes du Sud fribourgeois, il y a toujours une bonne raison pour expliquer leurs excellents résultats financiers de l’année 2012: la vente exceptionnelle d’un terrain, des rentrées fiscales inattendues, une meilleure maîtrise des dépenses. Au terme des récentes assemblées communales des comptes, un constat s’impose. Alors qu’elles prévoyaient un déficit cumulé de 3,2 millions de francs, elles ont amassé un bénéfice net total de 37,6 millions, soit une différence de plus de 40 millions.
Il faut certes nuancer. Parmi les 54 communes gruériennes, glânoises et veveysan-nes, douze présentent des déficits, dont deux dépassent les 100000 francs (Granges et Bas-Intyamon).
A l’inverse, plusieurs communes affichent des bénéfices effectifs (résultat + amortissements extraordinaires+ mises en réserve) au-delà du million de francs,
à l’image des trois chefs-lieux, de Crésuz ou de Sorens.
Depuis quelques années, cette situation ne manque pas d’interpeller le Service des communes. «On remarque que les autorités restent en général très prudentes avec la budgétisation de leurs impôts, afin d’éviter d’éventuelles mauvaises surprises, explique le conseiller économique Gilles Ballaman. Elles tiennent compte des statistiques fiscales publiées par le Servi-ce des contributions en septembre (2011 pour le budget 2014). Parallèlement, il leur appartient d’analyser au mieux la situation de leurs contribuables et d’anticiper rapidement tous les changements.»


On «tolère» un déficit de 5%
Dans le canton de Fribourg, les communes doivent présenter des budgets équilibrés. «Mais la loi prévoit qu’au-delà d’un déficit prévisionnel de 5% la commune doit augmenter ses impôts, détaille Gilles Ballaman. Cela leur joue parfois des tours, car certaines communes flirtent avec cette limite. Elles utilisent cette marge de manœuvre, d’une part par prudence, ce qui est plutôt signe de sagesse. «Mais on pourrait les soupçonner de court-circuiter ainsi toutes velléités de baisser les impôts que pourraient demander les citoyens, si les chiffres présentés au budget s’avéraient trop bons.»
Dans les faits, le Service des communes analyse les budgets et vérifie qu’ils soient conformes aux exigences. «Du point de vue financier, nous avons un rôle de surveillance et de conseil, sur requête des autorités. En cas de déficit budgété, on rappelle aux communes quelles sont leurs obligations, on leur demande de prendre des mesures pour améliorer leurs résultats. Au besoin, on analyse avec elles les économies réalisables. Mais la marge de manœuvre n’est souvent pas très grande…»

Bien qu’une commune puisse se permettre de présenter des comptes déficitaires, elles réalisent souvent des bénéfices. «Les communes disposent librement de leurs marges! Elles peuvent réaliser des amortissements extraordinaires ou en destiner une part à des réserves en vue de futurs investissements.» Ou simplement afficher de manière transparente des bénéfices importants, à l’image de La Roche et ses 850000 francs de résultat.
«Entre 2000 et 2010, les communes fribourgeoises ont eu, de manière générale, de bonnes surprises fiscales, explique Gilles Ballaman. Jusqu’en 2006, elles ont plutôt privilégié la diminution de leur dette. Ce que personne ne peut leur reprocher, car cela leur offre une marge de manœuvre pour l’avenir. Depuis 2006, les communes ont davantage proposé de diminutions d’impôts.» Et de préciser que l’augmentation des tarifs de l’eau potable, de l’épuration ou des déchets – ces charges doivent être autofinancées – explique en partie ces baisses fiscales.
Aujourd’hui, la dette nette cumulée des communes fribourgeoises s’élève à un peu plus de 800 millions de francs. «Soit une moyenne de 2850 francs par habitant, ce qui n’est pas problématique en soi d’un point de vue financier», assure Gilles Ballaman. Mais, à quand la fin de ce miracle fiscal? «Le diable est déjà peint sur la muraille. Le canton a récemment proposé des mesures d’économies. De plus, les baisses fiscales décidées par le Grand Conseil ont des répercussions financières sur les communes.» Selon l’économiste, ces incidences n’ont pas encore déployé tous leurs effets. «Mais 2013 pourrait être l’année de vérité.»


Des taux favorables
En outre, un certain nombre de communes (Bulle, Crésuz ou Siviriez par exemple) financent leurs investissements avec leurs liquidités. Ce qui améliore encore leur bénéfice effectif… «Par chance, les communes empruntent à des taux très favorables, note le conseiller économique. Elles ont la possibilité de négocier avec les banques, notamment parfois sur leurs anciens emprunts.»
On constate en outre qu’il leur reste peu de gros investissements à réaliser en termes d’infrastructure. «La grande majorité des routes et des réseaux d’eau – potable et usée – sont aux normes. Il reste peut-être des travaux sur les bâtiments scolaires, en prévision de la mise en place de la deuxième année enfantine. Mais les communes sont plutôt bien fournies.» Sans compter les projets liés aux EMS et aux cycles d’orientation, cofinancés entre communes partenaires.
Sur le plan financier, on remarque que les communes restent très autonomes. «Si une commune présente régulièrement des bénéfices, il incombe aux citoyens de demander des baisses d’impôts, conclut Gilles Ballaman.

 

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Siviriez: la «faute» à un seul contribuable
Depuis plusieurs années, la commune de Siviriez présente des comptes astronomiques en regard de la moyenne cantonale. En 2009, elle a réalisé des amortissements extraordinaires pour près de 4 millions de francs; en 2010, elle a mis en réserve 2 millions supplémentaires; en 2011, elle amortit une fois de plus sa dette de 1,4 million. Mieux encore: en 2012, elle présente à ses concitoyens un bénéfice net de plus de 15 millions de francs (6 mio dédiés aux amortissements extraordinaires et 9 mio attribués aux réserves). Sans compter le nombre d’investissements récents directement payés grâce aux liquidités. N’en jetez plus! En un mot comme en cent, Siviriez croule sous l’argent.
Si la commune se trouve dans cette situation très favorable, elle n’y peut dans les faits pas grand-chose. La «faute» incombe en majeure partie à un seul contribuable, Rolland-Yves Mauvernay, fondateur et président de Debiopharm Group (La Gruyère du 14 février 2013), installé dans la commune glânoise depuis 2004.


Anticiper
«Nous rencontrons chaque année les conseillers communaux de Siviriez pour évaluer la situation, indique Gilles Ballaman. Car cette phénoménale rentrée fiscale – plus de 18,7 mio d’impôts sur les personnes physiques en 2012 – cessera avec le départ du médecin français, aujourd’hui âgé de 91 ans. «Les élus anticipent ces retombées fiscales actuelles, car les effets de la péréquation financière se feront encore sentir sur une période de cinq ans après la fin de l’encaissement de ces impôts exceptionnels.»
Ce qui ne sera pas sans conséquence pour les autres communes fribourgeoises qui contribuent à la péréquation des ressources, puisque Siviriez verse 1,5 million par année dans ce pot commun. Dans l’intervalle, la commune «dispose librement de ses ressources, note le conseiller économique. Certaines communes dans la même situation jouent le rôle de banque au sein d’associations intercommunales…» Un exemple à suivre en Glâne? CD

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