Il faut bouger pour vivre mieux et plus longtemps

mar, 06. Jan. 2015
C’est la prise de conscience collective: il faut bouger, prendre soin de soi et se relaxer pour être en forme et garder le moral. La Gruyère propose une série sur cette recherche du bien-être. Qui génère un marché en plein essor.

PAR KARINE ALLEMANN

Le début d’année est propice aux bonnes résolutions. Et si j’arrêtais de fumer? Si je me remettais au sport? Peut-être que je devrais aussi limiter le chocolat le soir… Au fond, tout le monde sait bien que bouger, être actif, manger équilibré et éviter les excès d’alcool et de tabac, c’est mieux pour la santé. Sauf que 10% des gens seulement pratiquent assez d’activités physiques pendant la semaine. Tous les autres, nous autres, donc, prenons un risque avec notre capital santé. La sédentarité – le fait de ne pas être suffisamment actif – est la quatrième cause de mortalité dans le monde. C’est ce qui ressort d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a dès lors émis des recommandations très précises pour la population.
Pourtant, ici comme ailleurs, la recherche d’un bien-être du corps et de l’esprit n’a jamais été aussi tendance. Coach sportif, médecines alternatives, méditation, recherche de nouvelles spiritualités: tout est bon pour se faire du bien. Pour mieux comprendre cette évolution et ce qu’elle implique, La Gruyère décline cette problématique en plusieurs volets. Premier chapitre: l’aspect médical, avec le docteur du sport Grégoire Schrago, détenteur d’un executive MBA en management de la santé.


Concrètement, qu’est-ce que la sédentarité provoque sur le corps?
Grégoire Schrago: Il faut nous comparer à une voiture. Si on laisse une voiture au garage sans la faire tourner, rapidement, elle ne va plus très bien fonctionner. Notre corps aussi, il est fait pour bouger. Etonnamment, il a été constaté que les cartilages ont besoin d’être sollicités régulièrement par des efforts en endurance pour rester toniques. Alors qu’on croyait que les charges dues au sport les endommageaient. Et les personnes inactives perdent de la musculature. Elles commencent à avoir mal au dos, elles ont de la peine à tenir leur rachis (axe des vertèbres) et des problèmes à adopter certaines positions. Le sang circule moins bien au niveau des jambes et des veines, le risque de thromboses augmente. La sédentarité fait monter notre sucre, notre graisse, notre tension artérielle et, peu à peu, le système s’encrasse de partout.

A l’inverse, quels sont les effets du sport sur le corps?
L’activité physique va consommer du cholestérol, du sucre et ralentir le cœur en phase de récupération (activation du système vagal). Notre cœur serait programmé pour un nombre maximal de battements. Si on arrive à faire descendre le rythme cardiaque, la survie est prolongée: trois battements par minute en moins sur la durée de notre vie seraient équivalents à trois années supplémentaires. C’est ce que font, artificiellement, certains médicaments pour le cœur.
Même chose avec la tension. Si on la baisse de 20 mmHg (n.d.l.r.: la pression artérielle normale est de 140), la mortalité est diminuée par quatre. Une bonne activité physique permet de diminuer le stress, et donc la tension. Elle génère aussi une meilleure récupération et une meilleure qualité de sommeil, ce qui diminue le risque de dépression. Le sport agit aussi sur la musculature et l’ossature. Sans oublier, pour les personnes âgées, les conséquences très négatives de l’immobilité sur les risques de chute. Car, immobiles, elles perdent leur coordination. Et l’on sait qu’une chute chez une personne âgée engendre presque la même mortalité annuelle que l’infarctus (7% contre 8%). En fait, l’idée n’est pas de savoir si on peut vieillir, mais comment on peut bien vieillir.

En quoi l’activité physique permet d’éviter les risques de cancers du sein ou du côlon?
La mauvaise hygiène de vie, comme la sédentarisation, augmente la production de mauvais lipides et des états oxydatifs, qui favorisent les cancers. Quand nous fumons, quand nous mangeons mal, ça revient à jeter de l’huile sur le feu. Pour comprendre le phénomène d’oxydation, on peut imaginer mettre du métal dans de l’eau de mer, ce qui va le corroder. Plus on consomme des produits oxydatifs, plus il y a d’atteintes sur nos cellules. Ce qui veut dire plus d’erreurs sur les divisions cellulaires, et donc plus de risques qu’il y en ait une qui fasse une mutation. C’est comme ça que naissent les cancers. Malheureusement, 40% d’entre nous vont vivre des cancers en milieu de vie.

Quid de la dépression?
Une personne qui prend un rythme de vie avec des activités physiques dort mieux, elle est moins anxieuse. La dépression, c’est souvent un abandon, une passivité qui nous fait broyer du noir et nous plonge dans un cercle vicieux vers le bas. Sans oublier que le sport produit de l’endorphine endogène. C’est comme un push de morphine. On est bien, on se sent bien.

Quels conseils donnez-vous à quelqu’un qui souhaite se remettre au sport?
Si on approche de la quarantaine, et après une période prolongée de sédentarité, un check-up chez le médecin de famille est conseillé, pour être sûr qu’il n’y a pas de problème. Pour ceux qui ont longtemps fumé ou qui sont plus âgés, un dépistage cardio-vasculaire par un test d’effort est même conseillé, pour s’assurer que les coronaires ne sont pas malades.
Ensuite, à chacun de trouver le sport qu’il a envie de pratiquer. Et que sa morphologie et ses qualités lui permettent de faire. Pour «dégripper le système», il faut recommencer en douceur par de la natation, de la marche à pied ou du vélo. Et, quand la base physique est acquise, on peut passer à quelque chose de plus intensif. Dans tous les cas, je recommande vraiment de prendre un coach sportif ou d’aller dans un fitness. Etre bien conseillé est très important.
Ça vaut aussi la peine d’utiliser du matériel adapté et bien réglé. Avoir un vélo à 5000 francs n’est pas nécessaire. Même si s’acheter du beau matériel peut être une source de motivation chez certains…
Enfin, il ne faut pas oublier la souplesse. Des activités comme le yoga, le taï-chi et la relaxation sont donc très bien aussi.

Que peuvent faire des parents pour inculquer ces bonnes habitudes à leurs enfants?
Ils peuvent déjà promouvoir l’activité physique à la maison. Et, à cet âge, le phénomène émulation est important. Il faut évidemment l’inscrire à un sport qu’il aime, avec d’autres personnes motivées. Mais autant que ce sport lui soit adapté. Quelqu’un de déjà très grand, dont les parents sont grands, fera mieux d’éviter la gym artistique. Ses chances d’avoir du succès et de perdurer seraient minimes. Pareil pour un enfant très petit, qui a une famille très petite. Le basket, ce ne serait pas lui faire un cadeau.

Dans un prochain volet, nous évoquerons la recherche du bien-être par les médecines complémentaires ou le retour de pratiques venues d’ailleurs, comme la méditation ou le taï-chi. Qu’est-ce que le scientifique que vous êtes pense de ces thérapies alternatives?
Il y a cinq cents ans, tout le monde, y compris les scientifiques, pensait que la Terre était plate. Et un «illuminé» a dit qu’elle était ronde, il a failli être brûlé pour ça. Je reste donc très modeste, parce qu’il y a énormément de choses que nous ne connaissons pas. Je pense que chacun doit trouver la méthode qui lui convient. Celui qui a besoin d’une médecine pure et dure ne doit pas se forcer à changer. Si quelqu’un a trouvé son équilibre et sa stabilité au travers de médecines complémentaires ou de méthodes qui favorisent son épanouissement, il ne doit pas changer non plus.
Après, je pense que notre époque a tué la dimension religieuse et le sacré. Un manque s’est créé, car l’être humain a besoin de croire en quelque chose pour aller bien. De plus, la technologie est en train de totalement nous dépasser. Et être atteignable 24 heures sur 24, ça ne va pas non plus. Je pense que nous devons retrouver une humanité et une stabilité à tous les niveaux. Donc les techniques alternatives, la méditation, le taïchi, le yoga peuvent répondre à des besoins et aider beaucoup de monde.

Si on pose la question aux gens de savoir si le sport est bon pour la santé, tout le monde répondra oui. Or, la majorité d’entre nous prennent des risques en restant inactifs. Drôle de comportement, non?
Le canton de Fribourg, et notamment la Gruyère, sont des régions très sportives. Il n’y a qu’à voir le monde à vélo ou sur des skis de randonnée. Mais les chiffres sont là: 10% des gens pratiquent suffisamment de sport et 1% fait de la compétition d’élite. Restent presque 90% de gens sédentaires. L’homme est un animal paresseux. On va au plus facile, c’est dans notre nature. En plus, il y a le problème de la conséquence sur le long terme. Le tabac est le tueur numéro un. Mais quand on dit à quelqu’un de 15 ou
20 ans qu’il risque un cancer dans quarante ans, il s’en fiche. Il se dit que c’est pour les autres. Par contre, personne ne va sauter d’un toit, parce que la conséquence est immédiate.

 

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«Le coût à payer est énorme»
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une grande étude sur les bienfaits du sport il y a plusieurs années. Une étude documentée et pluridisciplinaire. «On est partis du constat que les frais de la santé augmentent de plus en plus, explique le Dr Grégoire Schrago. En Suisse, on estime que 11% du produit intérieur brut (PIB) est consacré à traiter les problèmes de santé. Aux Etats-Unis, c’est 18%. Et les Américains estiment que ce sera 25% en 2020. Tout a été fait pour tenter de réduire les coûts, mais on a juste freiné les dépenses, qui continuent d’augmenter. Par contre, il a été constaté que le seul domaine dans lequel on n’avait mis aucune énergie, c’était la prévention. C’est là que l’OMS veut agir.»
Qu’est-ce qui a étonné le médecin dans les conclusions? «Le résultat est un choc, car le coût à payer de la sédentarité est énorme: il s’agit de la quatrième cause de mortalité mondiale, soit 6% des décès. Un quart des cancers du sein et du côlon, un quart des diabètes et un tiers des problèmes cardiovasculaires pourraient être évités avec une meilleure hygiène de vie.» En résumé: plus on bouge, en meilleure santé on est.
Pour la première fois, il a été prouvé que «les enfants doivent pratiquer une heure de sport par jour» et que toute heure de sport effectuée en plus des recommandations est un capital santé supplémentaire. «Et cela vaut aussi pour les adultes et les aînés, reprend le médecin. Une étude a été effectuée dans un home. Après six mois de l’introduction d’un effort de marche auprès de personnes âgées de 80-85 ans, à raison de 20 à 30 minutes trois fois par semaine, la différence de morbidité et de mortalité était notable par rapport à un groupe resté inactif.»
Désormais, de grandes entreprises mettent sur pied des activités de sport bien-être pour leurs collaborateurs. «Celles qui ont proposé des coaches sportifs et des salles de fitness à leurs employés ont vu leur productivité augmenter de 10 à 15% chez les collaborateurs qui suivaient les instructions. Moins d’absentéisme, meilleure santé globale, moins d’infections…»


Du pain et des jeux
Pour le Dr Schrago, «on n’a rien inventé depuis l’époque romaine et le panem et circenses». «Pour avoir la paix sociale, il faut que les gens puissent se nourrir et défouler leurs hormones de stress. C’est ce qu’avait démontré Adolf Ogi dans le cadre de l’ONU, quand il était le bras droit de Kofi Annan. Grâce à 60 projets mis sur pied dans différen-tes banlieues dans le monde, il a prouvé qu’on pouvait diminuer l’agressivité et le taux de criminalité de 20 à 30%. Juste en faisant bouger les jeunes ados et en les occupant.»
Ainsi, à l’échelon mondial, l’OMS a établi ces recommandations:

De 5 à 17 ans: 60 minutes par jour
Pour les enfants, l’activité physique englobe le jeu, les sports, les déplacements, les activités récréatives ou l’éducation physique. Il est recommandé de les pratiquer au moins 60 minutes par jour à une intensité modérée à soutenue. On parle ici essentiellement d’une activité d’endurance. Toutefois, des activités d’intensité soutenue doivent être incorporées trois fois par semaine.

De 18 à 64 ans: 150 minutes par semaine
Les adultes devraient pratiquer au moins 150 minutes d’activités physiques modérées par semaine ou au moins 75 minutes d’endurance à une intensité soutenue. Ou une combi-naison équivalente des deux. L’activité d’endurance devrait se pratiquer par période d’au moins 10 minutes.
Ceci est une recommandation de départ. Il est conseillé aux adultes de 18 à 64 ans d’augmenter la durée de leurs activités à 300 minutes par semaine, ou 150 minutes de manière intensive. Des exercices de renforcement musculaire doivent aus-si être pratiqués au moins deux jours par semaine.


65 ans et plus: aussi la coordination
Les recommandations sont les mêmes pour les aînés que pour les adultes, y compris en ce qui concerne le renforcement musculaire. L’OMS précise que les adultes de cette classe d’âge, dont la mobilité est réduite, devraient pratiquer une activité physique visant à améliorer l’équilibre et à prévenir les chutes au moins trois jours par semaine. La brochure souligne que ceux qui ne peuvent pas suivre toutes les activités recommandées en raison de leur état de santé doivent être aussi actifs physiquement que possible. KA

Retrouvez la totalité des articles sur ce thème dans notre édition papier du mardi 6 janvier

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