«Dans ce dossier, on nous plante un couteau dans le dos»

| sam, 07. fév. 2015
Pour les directeurs de Bultech, les tergiversations politiques autour de leur projet de Bouleyres mettent leur société en péril. La vente – suspendue – de ce terrain devait financer leur nouvelle usine d’Enney.

PAR JEAN GODEL

Jean-Marc Egger et Patrick Boschung, les directeurs (avec Yvan Angéloz) de Bultech, sont inquiets: les tergiversations autour du projet immobilier prévu sur le terrain de leur ancienne usine à Bulle, en bordure de Bouleyres, remettent en question le montage financier établi pour payer leur nouveau centre de production, ouvert l’an dernier à Enney. Et hypothéqueraient la survie même de la société et de ses soixante emplois.
En effet, l’ADEV, l’Association pour la défense d’espaces verts à Bulle, a ces trois immeubles dans le collimateur. Le 9 janvier, elle remettait aux autorités bulloises une pétition munie de 5800 signatures qui demande, entre autres, le retrait du projet. Le problème, c’est que Bultech comptait sur cet argent pour financer son usine: «Le produit de la vente de ces 6600 m2 de terrain représente 60% du coût total, souligne Patrick Boschung. La perspective de ces fonds propres nous a aussi permis d’obtenir un prêt.»


«Situation délicate»
Or, depuis la mise en place, par la commune de Bulle, de la task force sur l’aménagement, tout semble suspendu jusqu’à la présentation de son rapport au Conseil général, le 18 mai. Attendre? «Ce n’est pas imaginable, affirme Jean-Marc Egger. Bulle essaie de ménager la chèvre et le chou. Mais la banque, que nous rencontrons la semaine prochaine, attend les fonds propres promis. Notre situation est délicate, notamment sur le plan des liquidités, car en attendant, nous payons les intérêts.»
C’est d’autant plus rageant que tout a été fait dans la plus stricte légalité, expliquent les directeurs. En 2008, Bultech avait déjà obtenu un permis de construire pour doubler la surface de son usine de Bouleyres, et ce sans la moindre opposition. La crise de 2009 a tout remis en question. Voulant quitter cette zone inappropriée, l’entreprise a proposé le ter-rain à la commune qui n’en a pas voulu.
Bultech trouve alors un espace à Vuadens. Un permis de construire est là encore délivré, mais le rachat de la société par ses trois directeurs reporte le projet. Les affaires se développant, décision est prise de construire à Enney et de vendre le terrain de Bulle à Realitim, un développeur immobilier vaudois jugé sérieux. Une vente à terme avec droit d’emption est signée.


Carte de la collaboration
Jouant la carte de la collaboration, Realitim participe au mandat d’étude parallèle de Bouleyres. «Ça ne nous arrangeait pas, car ça faisait traîner les choses», confie Patrick Boschung. Sur la base de ce MEP validé l’an dernier par les autorités compétentes, Realitim a déposé un projet de trois immeubles «en tous points conforme au PAL de Bulle», souligne Patrick Boschung.
En effet, le Plan d’aménagement local révisé en 2012 a fait passer le terrain Bultech de zone industrielle en zone péricentrale 1, donc constructible, et non en zone verte. Ceci sans pression de la part de Bultech, assurent ses directeurs. Fin 2014, Bulle a donné un préavis positif au projet, lequel est en cours d’examen auprès des services de l’Etat.
«Contrairement à ce qui a été dit, les distances légales à la forêt sont respectées et on ne coupera pas un seul arbre», souligne Patrick Boschung. De même, les parties se sont entendues sur l’assainissement du terrain, en partie pollué.
S’ils comprennent les buts «tout à fait défendables» de l’ADEV, les patrons de Bultech n’admettent pas qu’une minorité remette en question un projet monté dans les règles de l’art. «Nous nous sentons un peu trahis, n’hésite pas à dire Patrick Boschung. Nous avons construit notre usine en toute bonne foi, avec toutes les cartes en main. Sinon, nous ne nous serions jamais lancés dans de tels investissements et la banque ne nous aurait pas suivis. Notre partenaire nous a fait confiance parce que notre projet était légal et parce que nous sommes dans un état de droit. Dans ce dossier, on nous plante un couteau dans le dos!»

 

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Des atermoiements qui durent

Associée au spécialiste vaudois de l’immobilier Groupe MK, Realitim est une société en commandite de placements collectifs dirigée par Daniel Moser, un ancien de CFF Immobilier. C’est elle qui a signé avec Bultech pour l’achat du terrain de Bouleyres. Son directeur confirme ne pas comprendre le lien entre la demande d’autorisation de construire déposée en août 2014 sur ce terrain constructible et l’échéance du 18 mai annoncée par la ville de Bulle, date de la publication du rapport de la task force sur l’aménagement. Car Realitim ne peut pas attendre: «L’incertitude qui règne dans ce dossier doit s’éclaircir courant février. Notre délai est plus court que celui de la task force.»
Sans donner d’autres détails, Daniel Moser précise simplement que sa société gère les fonds d’investisseurs institutionnels publics et privés (des caisses de pension) et ne peut raisonnablement pas investir à risques dans un dossier qui s’enlise. «Cette insécurité nous fait plus qu’hésiter…» S’il entretient des relations cordiales avec la commune de Bulle, il n’en dénonce pas moins la pétition de l’ADEV qui, à le lire entre les lignes, paralyserait autant le dossier que les autorités bulloises: «Le temps joue peut-être en faveur des politiques, mais très fortement en notre défaveur…»


«Pris en otage»
Lui se dit «pris en otage» par les conséquences politiques de la pétition de l’ADEV. Alors même que depuis 2013, Realitim a «tout fait» pour aller dans le sens d’un développement rationnel de tout le secteur. «Je ne veux pas jeter de l’huile sur le feu, mais il est vrai que nous avons déjà perdu beaucoup de temps.»
Si, affirme-t-il, personne n’a pour l’heure rompu ses engagements, les conditions actuelles «ne permettent pas de finaliser la transaction». Une situation qui donne des sueurs froides aux patrons de Bultech, aux prises en ce moment avec la chute de l’euro qui touche tous leurs clients: «Si Realitim se retire, nous examinerons la situation sur le plan légal, imagine Jean-Marc Egger. Mais nous devrons bien nous retourner contre quelqu’un pour être payés.» Sera-ce contre la commune de Bulle? Hier, au moment de boucler notre édition, nous n’avions pas réussi à joindre son syndic. JnG

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